Le 22 mai, un événement improbable se produit en Russie : des forces russes pro-ukrainiennes basées en Ukraine envahissent la Russie, dans la région de Belgorod.
Leur objectif est de renverser Vladimir Poutine et d’apporter la paix à l’ensemble du pays. Cette aspiration idéaliste est également un moyen d’espérer un effet d’entraînement au sein des forces russes, suscitant une révolution et un soulèvement généralisé en Russie.
Une présence forte des Russes dans l’armée Ukrainienne
Des milliers de combattants russes se trouvent du côté ukrainien. Beaucoup ont choisi de fuir la Russie, refusant d’être associés aux atrocités commises par les forces russes. Certains ont même pris les armes, se ralliant aux Ukrainiens pour stopper l’invasion russe. Ils sont intégrés dans l’armée ukrainienne ou dans la Légion des volontaires internationaux, et ils aspirent au renversement de Vladimir Poutine. Cependant, cela ne pourra se réaliser que si l’invasion russe échoue.
Les soldats proviennent de toutes les régions de Russie et de diverses ethnies. La plupart préfèrent rester anonymes, à la fois pour leur propre protection et pour protéger leur famille restée en Russie. Les Tchétchènes font également partie intégrante de ces forces, s’opposant à la fois à Vladimir Poutine et à Ramzan Kadyrov, le président de la Tchétchénie, perçu comme un instrument manipulé par le Kremlin. Il ne faut pas oublier l’histoire tragique qui lie indéfectiblement la Russie et la Tchétchénie, marquée par la guérilla menée par les Tchétchènes en Russie ainsi que par les deux guerres de Tchétchénie.
Les forces pro-ukrainiennes en Russie sont organisées en trois unités distinctes : la Légion « Liberté de la Russie » regroupant plus de 1000 hommes, le Corps des Volontaires russes constitué de partisans indépendants de l’armée ukrainienne, et les Tchétchènes, principalement engagés dans le bataillon Djokhar Doudaïev.
Les motivations varient, avec les Tchétchènes aspirant à la défaite de Poutine et à l’indépendance de la Tchétchénie. Ces troupes mènent des actions de guérilla et de sabotage tant dans les zones contrôlées par la Russie en Ukraine que sur le territoire russe, notamment dans l’oblast de Briansk. Les soldats tchétchènes ont gagné une notoriété particulière pour leur vaillante participation à la défense de Kiev.
Au total, plus de 2000 soldats russes se battent du côté de l’Ukraine, un effectif modeste mais motivé, suffisant pour agir avec détermination.
Attaque du poste frontière de Belgorod
Une partie des soldats de ces unités a effectivement pris d’assaut un poste frontière dans la région de Belgorod, le lundi 22 mai au matin. De nombreuses images de cette action ont été diffusées. La responsabilité de cette attaque est revendiquée par la Légion « Liberté de la Russie » à travers une vidéo disponible sur leur canal Telegram.
L’Ukraine, de son côté, affirme ne pas être impliquée dans cette opération et indique qu’une attaque est en cours. Les forces ukrainiennes ne sont pas impliquées dans ces opérations, c’est la position maintenue par Kiev.
Le fil des événements est difficile à suivre, les autorités russes nient initialement toute opération militaire dans la région de Belgorod. Cependant, la Légion et le RDK (corps des volontaires russes) annoncent vers midi la prise du village de Kozinka, suivi de la prise de plusieurs autres villages dans l’après-midi. De nombreuses vidéos sont publiées sur les canaux Telegram pendant l’opération, confirmant ainsi la présence des forces rebelles russes sur le territoire.
La ligne de défense russe à Belgorod est franchie et du matériel russe est capturé par les forces d’invasion. La situation devient critique, mettant en péril le contrôle des Russes dans la région. Le gouverneur de la région se voit contraint d’annoncer l’opération, tout en minimisant les risques pour la population et les éventuels dégâts ou pertes.
Soldiers of the Freedom of Russia Legion riding on a captured Russian BTR-80 during yesterday’s battles in the Belgorod region of Russia. pic.twitter.com/7pw27ipkMC
— Visegrád 24 (@visegrad24) May 23, 2023
The Freedom of Russia Legion has captured a BTR-82 from the Russian Special Forces in Belgorod.
— Visegrád 24 (@visegrad24) May 22, 2023
La situation suscite cependant une grande inquiétude parmi les autorités russes, qui décident d’évacuer des ogives nucléaires stationnées à quelques kilomètres de Grayvoron.
Une tête de pont ukrainien à Belgorod
L’avancée des forces russes pro-ukrainiennes dans la région de Belgorod présente certains avantages stratégiques, notamment la présence de deux rivières qui traversent cette zone. Ces rivières permettent de créer une enclave terrestre dans la région de Belgorod, réduisant considérablement les risques d’une contre-offensive russe contre les forces rebelles.
La connaissance concernant le matériel dont disposent les forces de la Légion et du RDK demeure floue, ce qui ne permet pas de déterminer leur réelle capacité de nuisance vis-à-vis des forces russes présentes dans cette région.
Néanmoins, cette incursion en territoire russe démontre que la ligne de défense, qui représente plusieurs millions de dollars d’investissement, n’est pas invulnérable. De plus, les Russes vont devoir mobiliser davantage de troupes aux frontières ukrainiennes afin de prévenir de nouvelles opérations de ce type.
En effet, les forces avaient été massivement déployées dans les zones où l’état-major russe anticipait une contre-offensive (probablement en mai-juin selon les analystes), ce qui a entraîné un affaiblissement considérable des effectifs aux frontières. Cette opération s’avère donc être un moyen idéal pour affaiblir ces zones de massification et potentiellement faciliter une contre-offensive ukrainienne cet été.
Les vidéos partagées dans cette région nous permettent d’avoir un aperçu de la situation actuelle, notamment la présence de nombreux drones ukrainiens et russes, mais aussi des hélicoptères militaires russes. Ces hélicoptères ont été amenés à utiliser des leurres, ce qui suggère la présence de systèmes de défense antiaérienne portatifs (MANPADS) au sein des forces rebelles.
Les vidéos révèlent également la panique qui s’est emparée de la population civile, avec les sirènes d’alerte aérienne retentissant et les embouteillages se formant aux abords de la région alors que des milliers de civils tentent de fuir.
Les attaques se multiplient dans la région, touchant diverses cibles. Plusieurs dépôts de munitions russes ont été détruits par des explosions, le quartier général du FSB à Belgorod a été pris pour cible, un hélicoptère a été détruit du côté russe, et d’importants incendies ravageaient la région lundi soir. Cette série d’attaques permet aux forces russes pro-ukrainiennes de s’implanter progressivement dans la région de Belgorod.
La situation est extrêmement difficile pour ces forces qui disposent de moyens et de soutiens très limités par rapport aux forces russes présentes dans la région. Cependant, l’impact psychologique est réel, tant pour la population que pour le régime en place.
De plus, cette incursion ukrainienne (les forces étant principalement assimilées à l’armée ukrainienne) constitue une première du genre, plaçant la Russie dans une situation inédite. Cette situation peut être perçue comme une menace par la Russie, pouvant éventuellement conduire à une déclaration de guerre officielle et à une mobilisation générale dans le pays.
Dernières actualités de la région de Belgorod
Selon les autorités russes, les forces ont prétendument été écrasées au cours de la journée du 23 mai. Cependant, il est extrêmement difficile de confirmer cette réalité, car les preuves sont limitées et les indices de la présence continue des troupes russes pro-ukrainiennes sont nombreux.
Lors de l’opération antiterroriste, à l’aide de frappes de l’aviation et de l’artillerie et l’action des unités de défense des frontières du district militaire de l’Ouest, les formations nationalistes (ukrainiennes) ont été bloquées et écrasées.
Le reste des nationalistes ont été repoussés sur le territoire de l’Ukraine, où les frappes (…) se sont poursuivies jusqu’à leur élimination totale.
Selon le ministère russe de la Défense dans un communiqué
Suivez l’évolution de cette opération grâce à l’OSINT, notamment via Twitter, Telegram ou bien des chaînes spécialisées comme celle de Xavier Tytelman.
Quelques liens et sources utiles
Canal Telegram de la Légion « Liberté de la Russie ».
AFP, La Russie affirme avoir éliminé les combattants infiltrés depuis l’Ukraine, 23 mai 2023
Xavier Tytelman, BELGOROD: LA RUSSIE ENVAHIE (par des Russes), 23 mai 2023