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Roland Garros : l’incroyable aventure de cet intrépide aviateur

Né outre-mer, Roland Garros connaît une ascension prodigieuse dans le monde de l’aviation et devient rapidement une idole nationale.
Roland Garros en 1913 au départ de la traversée de la Méditerranée-BNF I Domaine Public
Roland Garros en 1913 au départ de la traversée de la Méditerranée-BNF I Domaine Public

Nom souvent associé aux Internationaux de France de tennis, Roland Garros est un aviateur du XXème siècle considéré comme un des précurseurs des courses aériennes et du combat en vol. Pourtant né outre-mer, le pilote va connaître une ascension prodigieuse dans le monde de l’aviation et devenir une idole nationale.

L’enfance de Roland Garros loin de la métropole

Roland Garros est né le 6 octobre 1888 à Saint-Denis sur l’île de la Réunion.

Il est le fils de l’avocat colonial Georges Garros et de Clara Faure. La famille baigne dans un milieu aisé et effectue de nombreux voyages grâce aux mutations du père : après Maurice, Madagascar et Pondichéry, ce sera bientôt la Cochinchine.

En effet en 1892, Georges Garros emmène sa famille à Saigon où il ouvre un cabinet d’avocats. Le petit Roland découvre la vie en Asie : son climat, ses paysages et ses animaux. Il est impressionné par l’utilisation d’éléphants par les locaux pour le transport de marchandises.

Quand il n’étudie pas, Roland aime dévaler les rues de Saigon avec la bicyclette offerte par ses parents. Il parle également la langue locale, l’annamite avec les autres enfants qu’il rencontre dans la rue. Mais le système éducatif secondaire n’est pas assez développé dans ces contrées et ses parents veulent lui offrir un bel avenir.

À ses 11 ans, il est ainsi envoyé seul à Paris pour effectuer ses études. Il quitte tristement Saigon seul à bord d’un paquebot le conduisant en Europe dans une traversée de plusieurs semaines. Arrivé à Paris, il étudie brièvement au collège Stanislas. Mais lui qui est habitué au climat chaud et humide de l’Extrême-Orient attrape une pneumonie en revenant d’un séjour en Angleterre. Il est alors envoyé au lycée Stanislas à Cannes où il guérit rapidement :  il y est vu comme un bon élève mais est plus intéressé par les championnats de football et de cyclisme qu’il organise et remporte souvent. Celui qu’on surnomme « Danlor » (anagramme de Roland) est d’ailleurs sacré champion de France de cyclisme interscolaire en 1906.

Pour effectuer sa classe de terminale, il monte à Paris puis intègre quelque temps plus tard HEC. Il a l’occasion de pratiquer le rugby au Stade Français avec son camarade Emile Lesieur, alors international français du XV de France.

La découverte d’une passion pour l’aviation

À la sortie d’HEC en 1908, Roland se fait embaucher par Automobiles Grégoire comme commercial. Puis il devient chef d’entreprise à 21 ans avec sa boutique « Roland Garros automobiles » et vend les voitures du fabricant Grégoire. Il ne devient pas avocat au grand désespoir de son père qui lui coupe les vivres.

En août 1909, il suit un rallye aérien à Reims, la « Grande semaine d’aviation de Champagne » dont il en repart fasciné. Il a trouvé sa passion et veut devenir aviateur.

Il achète avec ses économies son 1er appareil de modèle « Une Demoiselle » du groupe Bayard, et apprend à piloter sur cet avion qui n’a pas de double commande. Il est breveté pilote à Cholet le 19 juillet 1910.

L’ère des grands défis aériens

Roland Garros, désormais jeune pilote cherche à faire de l’aviation son métier et participe à de nombreux événements aériens. Il devient très vite l’un des meilleurs pilotes du moment.

Il accomplit le 1er vol entre Saint-Malo et Dinard seulement un mois après un accident qui lui fracture le coccyx puis signe chez Moisant Circus et participe pendant plusieurs mois à des exhibitions aériennes en Amérique du Nord.

L’aviateur revient en Europe et fort de son expérience américaine participe aux grandes courses du moment : Paris-Madrid, Paris-Rome ou encore le Circuit Européen en 1911 où il termine 2ème à chaque fois et est surnommé l’éternel second par les journaux.

Il s’attaque au record d’altitude qu’il bat par 2 fois en 1911 puis 1912 (4900m puis 5610m à Tunis) 

En 1912, l’aviateur français accomplit un périple de 4 mois en Amérique du Sud (Santos, Rio) avec la Queen’s Aviation Company.

Carte de la traversée de la Méditerranée en 1913 – BNF-Les vielles tiges I Domaine Public

Il réalise la traversée de la Méditerranée le 23 septembre 1913 en 7h 53 min avec un Morane-Saulnier. Pour cela, il décolle à 5h47 de Fréjus avec 200 litres d’essence dans le réservoir soit 8 heures de vol et une boussole avec laquelle il suit le cap sud-est. Après environ 1 heure de route, il rencontre une panne et doit dévier son trajet pour passer au-dessus de la Corse. L’aviateur continue au-dessus de la Sardaigne, hésite à se poser à Cagliari où un mécanicien l’attend mais renonce jugeant que le niveau d’essence est suffisant.

Pour économiser son réservoir, il monte à près de 3000 m d’altitude mais l’orientation est difficile à travers les nuages. Il aperçoit soudain 3 navires au loin : ce sont des torpilleurs français qui accompagnent son trajet. L’aviateur est soulagé, il est sur le bon chemin mais il ne lui reste que quelques litres d’essence. Il aperçoit alors la côte africaine et se pose à Bizerte à 13h40 au lieu de Tunis avec seulement 5 litres d’essence. Le pilote est accueilli en héros à Marseille puis Paris. Certains réclament pour lui la Légion d’honneur qu’il obtient, d’autres comme le groupe automobile Bugatti renomme leur dernier modèle d’après l’aviateur.  

L’engagement de l’aviateur dans la Première Guerre Mondiale

Mais la guerre éclate fin juillet 1914 et le temps des courses aériennes et des traversées est révolu.

Roland Garros s’engage comme simple soldat dans l’aviation en août 1914 et est affecté à la SPA 26 du Groupe de Chasse des Cigognes où d’autres pilotes se distinguent comme René Fonck à la SPA 103 ou Georges Guynemer à la SPA 3. Ses missions consistent à des observations et à des bombardements au-dessus des lignes ennemies. Mais le combat aérien apparaît au bout de quelques mois et Garros veut faciliter le tir en vol. En effet, jusqu’à ce jour, les mitrailleuses étaient posées sur l’avion et actionnées par le passager qui devait rester debout.

Garros met ainsi au point le tir à travers l’hélice en 1915 avec l’ingénieur Raymond Saulnier dont l’invention remonte à 1914. Garros est le premier aviateur à piloter un avion armé d’une mitrailleuse tirant dans l’axe de l’hélice. Il remporte grâce à ce dispositif unique 3 victoires aériennes dans le seul mois d’avril 1915 et devient temporairement le 1er as Français.

Le 18 avril 1915, le sous-lieutenant Garros est en mission de bombardement sur des convois ennemis quand son avion est touché au moteur. Garros doit alors se poser en territoire ennemi et tente de mettre feu à son avion pour éviter que les Allemands découvrent les innovations françaises. Malheureusement, les Allemands arrivent à temps et éteignent le feu : ils découvrent alors le système de tir révolutionnaire qu’ils copient avec l’aide du constructeur Fokker.

Roland Garros est fait prisonnier. C’est le début d’une longue détention de 3 ans durant laquelle l’aviateur tente de s’évader à plusieurs reprises et est transféré dans 4 camps différents à travers l’Allemagne. Mais l’intrépide pilote ne compte pas rester en détention pendant que les autres as (Nungesser, Guynemer) étoffent leur palmarès. Il tente de s’évader à maintes reprises. L’une de ses tentatives spectaculaires a lieu au fort de Krustin à l’est de Berlin où il construit un tunnel de 80 m avec d’autres prisonniers qui est repéré avant d’être utilisé. Un autre tunnel débouche dans un cimetière et les prisonniers se font surprendre en remontant des squelettes dans la cellule. À chaque échec, les instigateurs dont Roland Garros sont punis et transférés dans un autre camp.

Evasion de Roland Garros en 1918 – BNF I Domaine Public

En février 1918, il se retrouve dans la prison de Magdebourg dans la même cellule que le pilote Anselme Marchal qui parle couramment allemand. Les deux hommes complotent une évasion. Or les prisonniers français se sont organisés en une véritable entreprise pour préparer les évasions de chacun et répartis en plusieurs services :

Un service s’occupe de fabriquer les laissez-passer à présenter aux sentinelles, un autre de se procurer les vêtements civils et un autre de se procurer de la nourriture destinée au voyage.

Un service s’occupe également des uniformes allemands à imiter : leur confection se fait en imprégnant les capotes françaises de permanganate, les boutons sont taillés au couteau et peints en vert, les casquettes faites avec une culotte de soldat et du carton, tandis que de simples lattes de parquet noircies servent à imiter le sabre prusse.

Un soir de février 1918, les préparatifs sont faits. Garros et Marchal revêtent leur faux uniforme, sortent de leur cellule grâce à une serrure modifiée et se présentent aux gardes.

Les deux fugitifs réussissent à passer les 4 sentinelles pour sortir du camp grâce à Marchal qui joue parfaitement son rôle d’officier allemand. En effet, il fait semblant d’être exaspéré par les prisonniers français à l’approche des sentinelles qui n’osent pas demander leurs papiers inexistants.

Une fois sortis du camp, les deux hommes se débarrassent des vêtements d’officiers pour revêtir des vêtements civils et marchent jusqu’à la gare pour le train de 18h30 à destination de Brunswick.

Les fugitifs se cachent dans un cimetière pour la nuit puis prennent un autre train vers Cologne, ville dans laquelle ils se cachent entre des bars et un cinéma.

Pendant ce temps à la prison, les autres prisonniers se font passer pour eux lors du contrôle des gardes chaque soir, grâce à des trappes reliant chaque cellule, permettant de rejoindre celle du dessus quand les gardes viennent de contrôler un étage.

À ce moment-là, un train emmène les fugitifs vers Aix-la-Chapelle. Ils sautent du wagon avant l’entrée en gare et se dirigent à pied à travers plaines et ruisseaux vers la frontière hollandaise toute proche. Soudain à l’approche de la ville, ils rencontrent une sentinelle qui leur demande leurs papiers. Instantanément, les deux hommes se font passer pour des ivrognes et la sentinelle n’insiste pas.

Après quelques jours dans les bois à devoir chercher de la nourriture le soir, leur évasion du camp est détectée lors d’un contrôle de l’après-midi, mais c’est déjà trop tard car les deux hommes sont à des centaines de kilomètres.

Marchal et Garros décident à ce moment de se diriger vers le poste-frontière reliant les Pays-Bas. Ils avancent en rampant 500 m par heure afin d’éviter les sentinelles postées tous les 150 m et les éclairages mobiles des tours de garde.

Malgré quelques frayeurs, ils arrivent à franchir le dernier obstacle et sont libres. Ils se rendent alors vers l’ambassade française à la Haye puis retournent à Paris où ils sont accueillis triomphalement.

La terrible fin de l’aviateur Roland Garros

À son retour, Garros reçoit l’ordre d’Officier de la Légion d’honneur et est promu lieutenant.

Il est réaffecté le 20 août 1918 à sa demande et malgré une vue déclinante dans son escadrille : la SPA 26 appartenant au Groupe de Chasse 12 des Cigognes rassemblant les meilleurs pilotes. Il se porte alors volontaire pour toutes les missions.  Le 2 octobre, il remporte sa 4ème victoire aérienne.

Le 5 octobre 1918, il se retrouve à combattre 6 Fokker avec le capitaine Servin et est abattu au-dessus des lignes allemandes près de Vouziers. L’as des as René Fonck qui est alors en train de déjeuner lorsqu’il apprend la nouvelle décide par vengeance d’agir : il monte dans son SPAD et décolle. Il ne lui faut que 30 minutes pour abattre 4 Fokkers.

Malgré cet exploit, l’une des légendes de l’aviation s’est éteinte la veille de ses 30 ans seulement un mois avant l’Armistice.

Emile Lesieur, président du Stade Français et ancien condisciple d’HEC exige en 1927 que le nouveau stade destiné à accueillir des épreuves de tennis, porte le nom de son ami Roland Garros. Naquit ainsi le stade de tennis Roland-Garros.

Quelques liens et sources utiles

Jean Ajalbert, La passion de Roland Garros, 1926

Revue trimestrielle des Vieilles tiges, Pionniers 2013

Roland Garros, Mémoires Suivi du Journal de Guerre, Points 2023

Alain Pelletier, Courses aériennes – L’âge d’or de l’aviation 1909-1939, ETAI 2016

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