Rejoignez notre Newsletter !
Sujets exclusifs, récapitulatifs, coups de cœur et vidéos à retrouver une à deux fois par mois.
Veuillez accepter les cookies pour une experience adaptée. Lisez sur cette page, notre politique de confidentialité.
L’Histoire regorge de récits improbables, mais aussi de périodes complexes qui méritent d’être explorées. Plongez, à travers les séries de Revue Histoire, dans un fragment de notre histoire mondiale.
Sur Revue Histoire, l’équipe de rédaction est composée de passionnés d’Histoire, allant d’étudiants, à de jeunes professionnels, qui souhaitent partager leurs connaissances historiques.
Pour bien visualiser le temps qui passe et les différentes périodes de la Préhistoire et de l'Histoire, la frise chronologique est l'outil idéal ! Vous pouvez téléchargez gratuitement sur Revue Histoire, notre frise chronologique allant de la naissance de l'humanité à aujourd'hui.
On la dit « fondamentale », « inaliénable », « universelle ». Et pourtant, la liberté d’expression n’est jamais donnée. Elle ne descend pas du ciel. Elle ne se déduit pas d’un raisonnement logique. Elle se conquiert, se défend, s’éprouve dans des conflits très concrets. L’histoire de la libre expression est celle de ses limites, de ses censures, de ses crises.
À chaque époque, ce que l’on peut dire ou écrire, ce que l’on risque en le disant ou l’écrivant, révèle l’état d’une société. Il n’y a pas de liberté d’expression abstraite : il y a des régimes, des lois, des juges, des pamphlétaires, des autodafés. Ce n’est pas un principe figé. C’est un champ de bataille.
Dans l’Antiquité, la parole est une arme mais elle est codifiée. À Athènes, l’isegoria garantit à tout citoyen le droit de parole à l’Assemblée. Mais les femmes, les esclaves, les étrangers n’en profitent pas. À Rome, les écrivains s’autorisent la satire, mais la censure veille. Juvenal, Tacite, Pétrone écrivent à la lisière de la dénonciation. Trop loin, et c’est l’exil. Ou la mort.
Dans les sociétés médiévales chrétiennes, musulmanes ou juives, la liberté d’expression est soumise au dogme religieux. On peut débattre, mais dans des cadres étroits. Les clercs disputent, les savants discutent, mais les hérésies sont pourchassées. Les bûchers de l’Inquisition rappellent que la parole peut coûter la vie.
Et pourtant, même là, des zones grises subsistent. Certains textes circulent sous le manteau. Des formes codées apparaissent : la parabole, la fiction, la satire. Dire autrement pour pouvoir dire quand même.
L’invention de l’imprimerie, vers 1450, change tout. Elle permet la diffusion massive et rapide des idées. Très vite, les autorités politiques et religieuses s’en inquiètent. Les premiers textes interdits sont théologiques, puis viennent les pamphlets, les critiques de la cour, les traités politiques.
En France, les guerres de Religion voient fleurir une production clandestine d’une intensité inédite. Tracts, libelles, chansons satiriques se multiplient. La violence de la parole précède la violence des armes.
Les monarchies absolutistes tentent d’encadrer : privilège royal pour imprimer, censure préalable, liste d’auteurs interdits. Mais les imprimeurs suisses, hollandais ou liégeois alimentent le marché noir des idées. Rousseau, Voltaire, Diderot sont publiés hors de France, mais lus à Paris.
Le XVIIIe siècle consacre cette contradiction : la censure est partout, mais la pensée circule. La Révolution viendra, en partie, de cette dissidence imprimée.
En 1789, la Déclaration des droits de l’homme proclame la liberté d’expression comme un droit naturel. La presse explose. Des journaux s’ouvrent, des clubs s’organisent, les opinions s’affrontent.
Mais très vite, la liberté s’effondre sous la Terreur. Le journalisme devient un acte militant, parfois suicidaire. Marat, Desmoulins, Hébert, Robespierre : tous finissent assassinés ou guillotinés, victimes de ce qu’ils ont eux-mêmes contribué à déclencher.
Napoléon rétablit une censure stricte. En 1811, seuls quatre journaux politiques sont autorisés à Paris. La presse redevient un outil de propagande. Les écrivains rusent à nouveau. La liberté d’expression retourne dans les marges.
La liberté d’expression devient un enjeu central de la vie politique. Chaque régime change les règles. Monarchie de Juillet : relative tolérance. Second Empire : censure féroce. Troisième République : proclamation généreuse… mais avec des limites.
La loi sur la liberté de la presse de 1881 est un tournant. Elle reconnaît une large liberté, mais elle encadre les délits : diffamation, offense au chef de l’État, atteinte à la morale. Tout n’est pas permis.
Les journaux se multiplient, les caricatures aussi. Mais les procès abondent. Daumier est emprisonné pour avoir dessiné Louis-Philippe. Zola est poursuivi pour J’accuse…! en 1898. Et les ouvriers qui diffusent des tracts syndicalistes sont régulièrement arrêtés.
Les deux guerres mondiales suspendent brutalement la liberté d’expression. Censure militaire, contrôle postal, interdiction des journaux pacifistes. Pendant l’Occupation, la presse est divisée entre collaboration et résistance. Les journaux clandestins comme Combat ou Libération naissent dans des caves, au péril de la vie.
Après 1945, la liberté est à nouveau garantie… mais surveillée. Pendant la guerre d’Algérie, l’État censure les témoignages, interdit les photos, poursuit les éditeurs. Certains livres sont saisis dès leur parution. Les propos sur l’armée française deviennent explosifs.
Dans les années 1970, les mobilisations féministes, homosexuelles, anticolonialistes bousculent les limites acceptables. On parle d’avortement, de viol, de racisme, de torture. Ces paroles ne sont pas toujours protégées. Certaines sont étouffées, poursuivies, diabolisées.
Aujourd’hui, la liberté d’expression est inscrite dans la Constitution, garantie par la loi, défendue comme une valeur cardinale. Mais elle reste contestée, redéfinie, attaquée. Les procès pour injure, incitation à la haine, négationnisme, diffamation se multiplient. Les réseaux sociaux posent de nouveaux problèmes : amplification, désinformation, harcèlement.
Certains parlent de « cancel culture », d’autres de responsabilité. La ligne est floue. Peut-on tout dire ? Faut-il tout tolérer ? Qui décide de la limite entre l’opinion et la haine, entre la satire et l’insulte ?
Ces questions ne sont pas nouvelles. Elles étaient déjà posées en 1793, en 1881, en 1947. Ce qui change, c’est la vitesse, la portée, la visibilité.
Revenir sur l’histoire de la libre expression, ce n’est pas l’idéaliser. C’est comprendre qu’elle n’est jamais définitivement acquise. Elle dépend des rapports de force, des contextes politiques, des outils techniques. Elle ne se défend pas seulement avec des lois. Elle se défend par la mémoire : celle des journalistes emprisonnés, des écrivains exilés, des libraires condamnés, des anonymes qui ont parlé quand il aurait été plus simple de se taire.
Les points sont positionnés dans une zone proche (pays, villes, etc.) du thème de l’article sur la carte interactive.
Sujets exclusifs, récapitulatifs, coups de cœur et vidéos à retrouver une à deux fois par mois.