L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

L’évolution du conflit entre l’Ukraine et la Russie

Le conflit en Ukraine évolue chaque jour, mais il n'est pas simple de suivre toutes les données qui nous parviennent, découvrez nos sources.
Visite rendue aux combattants ukrainiens dans la région de Louhansk (27 mai 2019) - The Presidential Administration of Ukraine | Creative Commons BY 4.0
Visite rendue aux combattants ukrainiens dans la région de Louhansk (27 mai 2019) – The Presidential Administration of Ukraine | Creative Commons BY 4.0

Une guerre au frontière de l’Union européenne

Après la révolution ukrainienne de 2014, des régions de l’Ukraine ont décidé de prendre le large. C’est notamment le cas de la Crimée. Début mars 2014, la république autonome de Crimée se détache de l’Ukraine, et est annexée à partir du 18 mars de la même année par la Russie, officialisant cette union par un référendum.

Cette scission en Ukraine a été provoquée par la destitution de Viktor Ianoukovytch, et son remplacement par un gouvernement pro-européen. Cette situation provoque une colère de plusieurs oblasts de l’Est de l’Ukraine qui appréhendent ce rapprochement avec l’Union européenne. Une forte proportion de la population est russophone et voit le voisin russe comme un ami puissant.

Militarisation de la crise en Ukraine dès 2014

Les conséquences de cette révolution sont terribles pour le peuple Ukrainien et l’intégrité territoriale du pays. En effet, début du mois d’avril 2014, les oblasts de Donetsk et de Louhansk sont touchés par une révolution armée des pro-russes.

Les institutions sont visées, et sans trop de violence – ces territoires étaient déjà bien acquis à la cause russe – le pouvoir passe dans les mains des séparatistes pro-russes. Le 11 mai 2014, deux référendums d’autodétermination sont réalisés dans les républiques populaires de Donestk et Louhansk.

Marche sur les bâtiments administratifs de Doneskt en mars 2014 - Andrew Butko | Creative Commons BY-SA 3.0
Marche sur les bâtiments administratifs de Doneskt en mars 2014 – Andrew Butko | Creative Commons BY-SA 3.0

Le sérieux des référendums est critiqué à la fois par les autorités ukrainiennes, mais aussi par les puissances occidentales, qui regrettent la situation. De plus, pour beaucoup, la situation dans ces deux républiques séparatistes est similaire à la Crimée, qui vient tout juste d’être annexée par la Russie. Ce n’est qu’une manipulation russe pour obtenir des territoires ukrainiens, que Poutine souhaite récupérer.

Les dirigeants des deux nouvelles républiques assurent ne vouloir que l’autonomie, mais dès le 12 mai, au lendemain des référendums, une demande officielle de rattachement à la Fédération de Russie est envoyée au Kremlin. Contrairement à la Crimée, la Russie ne réagit pas à cette demande des républiques séparatistes.

L’Ukraine a toujours été partagée entre ces deux pôles d’influence : la Russie et l’Europe. C’est une division classique et assez ancienne que révèlent de manière exacerbée les soulèvements des dernières semaines, mais cela ne doit pas être perçu comme un retour quelconque à la guerre froide. Pas plus que la Chine, la Russie ne cherche pas à exporter un quelconque modèle national, elle n’offre aucun système collectif alternatif aux États-Unis par exemple. Tout ce que veulent ces puissances, c’est prendre la tête de la course mondiale. On n’est plus dans des systèmes idéologiques qui s’affrontent, mais dans une logique de rivalités nationales (…) La Russie, dont on oublie trop le type d’humiliation — à la fois sociale, économique et politique — qu’elle a subi dans les années 1990, avec un PNB réduit de moitié, une influence largement diminuée sur le plan international, etc. veut retrouver son influence. Pour Poutine, qui a souvent dit que la plus grave catastrophe géopolitique du XXIe siècle était la disparition de l’Union soviétique, il ne s’agit pas aujourd’hui de recréer une Union soviétique avec un système d’alliances et de pays communistes à même de contester le modèle capitaliste occidental. Il s’agit de faire en sorte que la Russie soit respectée, quitte à ce qu’elle soit crainte et non aimée. (…) On a encore trop tendance à voir les choses de façon manichéenne : les bons d’un côté, les méchants de l’autre ; nous d’un côté, eux de l’autre… Ce logiciel de lecture très « guerre froide » ne fonctionne pas dans un monde aussi pluriel et divers que le nôtre.

Pascal Boniface , Partout dans le monde, l’opinion publique prend le pouvoir

Les deux oblasts empêchent la tenue de l’élection présidentielle sur leur territoire et annoncent lever une armée. Les tensions s’intensifient, notamment avec le voisin russe qui attise les flammes en livrant des armes aux séparatistes pro-russes.

Cette même période est marquée par d’importantes sanctions économiques contre la Russie de Vladimir Poutine, qui est accusée d’aider économiquement et militairement les séparatistes pro-russes. Dans ces circonstances la France est par exemple empêchée de livrer deux navires Mistral.

La guerre des tranchées au cœur de l’Europe

Les premiers mois de la guerre voient le front énormément évoluer. Les confrontations sont multiples, les zones d’intérêts évoluent d’un jour à l’autre. Il faut attendre les accords de Minsk II en février 2015 pour geler le front et voir apparaître la guerre de positions.

Les affrontements continuent mais à une échelle bien moindre, le cessez-le-feu instauré par Minsk II est dans un premier temps respecté, mais sporadiquement des combats ont lieu entre soldats ukrainiens et séparatistes pro-russes.

Durant la période 2015 – 2020 les combats sont faibles, malgré la présence d’une ligne de front et de centaines de kilomètres de tranchées entre l’Ukraine et les républiques séparatistes. Des échanges de prisonniers sont réalisés et le dialogue s’amorce. Malgré tout, des centaines de soldats sont tués tous les ans.

En février 2020, les séparatistes pro-russes déclenchent une opération, aidés par l’artillerie – notamment russe – pour obtenir des gains territoriaux. Après plus de 5 heures de combat, les séparatistes sont finalement repoussés. Cette opération dénote drastiquement avec les années passées, notamment sur le plan stratégique, mais aussi politique. Les négociations en cours perdent leur substance.

Tensions entre Kiev et Moscou au cours de l’année 2021

La Russie est acculée par plusieurs crises diplomatiques entre mars et avril 2021. L’Occident condamne fermement l’empoisonnement et l’emprisonnement d’Alexeï Navalny, le G7 ne reconnaît pas l’annexion de la Crimée et des diplomates russes ont été expulsés de République tchèque pour espionnage. La Russie manigance des opérations de sape en Afrique, contre les intérêts français, avec des manipulations d’opinions et d’informations.

Un nombre impressionnant de soldats russes sont massés aux frontières de l’Ukraine, que ce soit avec les frontières russes ou les frontières biélorusses – un pays sous la coupe russe. Cet encerclement est tenu dans le cadre de l’exercice Zapad, réalisé tous les 4 ans. Plus de 200 000 soldats russes se trouvent aux portes de l’Ukraine.

Le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky presse l’OTAN et l’Union européenne d’accélérer le processus d’intégration de son pays dans ses institutions, qui pourraient potentiellement protéger le peuple ukrainien d’une invasion russe.

Les tensions continuent d’augmenter entre novembre 2021 et février 2022. La proclamation de l’OTAN, indiquant qu’ils excluent toute intervention militaire en Ukraine fragilise les positions de l’Ukraine, qui se retrouverait seule face à une invasion russe.

Cependant, la Russie annonce le 15 février le retrait progressif de ses troupes. En effet, l’exercice militaire est terminé, ils n’ont plus de raisons d’être amassés le long des frontières ukrainiennes. Néanmoins, des rapporteurs occidentaux affirment non pas une diminution des effectifs, mais un accroissement des troupes présentes.

Invasion russe de l’Ukraine

Le 21 février 2022 Vladimir Poutine annonce dans une allocution télévisée la reconnaissance de l’indépendance des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk.

Le 24 février la Russie lance une opération militaire en Ukraine dans le but de « démilitariser et dénazifier l’Ukraine ». Dès lors, l’Ukraine rompt tous les liens diplomatiques avec Moscou et entre en guerre. Le Conseil de l’Europe suspend la Russie, et les avoirs d’oligarques russes commencent à être gelés.

L’information, la ressource essentielle dans un tel conflit

La guerre en Ukraine, si proche des frontières de l’Union européenne a été un électrochoc pour nos gouvernements. Que ce soit sur la force russe dans nos besoins quotidiens, remarquable par l’élévation dramatique de l’inflation à cause de la hausse des énergies fossiles essentielles à nos productions, soutenue initialement par le gaz russe. Ou encore sur notre incapacité à prendre nos responsabilités stratégiques. Une constante qui existe depuis la Seconde Guerre mondiale, où les pays européens ont décidé de vendre leur sécurité aux États-Unis.

Très vite, les populations occidentales ont été abreuvées d’informations en continu (BFM, CNews ou France 24) permettant de suivre en direct la guerre qui se jouait à quelques milliers de kilomètres. La force russe a une fois de plus été remarquée, avec les nombreux satellites de propagande comme Russia Today ou Sputnik que des milliers d’Occidentaux regardaient et écoutaient chaque jour.

Ces émetteurs du Kremlin dans nos capitales européennes ont dû être coupés à l’issue du Comité des représentants permanents de l’Union européenne (Coreper), où chaque État membre a dû faire respecter cette interdiction. En France, c’est l’Arcom qui a été en charge de suspendre Russia Today (RT France).

Très vite l’information est devenue une ressource essentielle, à la fois pour suivre les actualités en provenance du front, mais aussi pour obtenir des indications sur les avancées stratégiques des belligérants (morts, blessés, réussite d’une opération, etc.). Le secret militaire, le silence, la désinformation et la propagande sont la norme en temps de guerre.

L’OSINT a alors trouvé le terrain idéal pour se montrer au grand jour. Des milliers de spécialistes et d’amateurs se sont mis à décortiquer les informations en provenance des médias sociaux pour obtenir des données neutres et sourcées.

En France, Xavier Tytelman est devenu le porte-parole de cette pratique, et réalise activement des vidéos pour tenir au fait les populations francophones de l’avancée des opérations en Ukraine.

Quelques liens et sources utiles

Valeri Korovine, La Fin du projet « Ukraine », Saint-Pétersbourg, Piter, 2014

Pavel Baev, « Russia’s War in Ukraine – Misleading Doctrine, Misguided Strategy »Étude de l’IFRI, no 40,‎ octobre 2022

Etienne de Poncins, Au cœur de la guerre – Le récit exceptionnel de l’ambassadeur de France en Ukraine, XO, 2022

Lucien Cerise, UKRAINE, la guerre hybride de l’OTAN, Culture & Racines, 2022

Jean-Luc Lefebvre, Comprendre la guerre en Ukraine, Les Éditions du Net, 2022

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