La bataille de la Hougue : Un tournant pour la marine française

La bataille de La Hougue, en 1692, marqua un revers pour la France face à la coalition anglo-hollandaise.
La bataille de La Hougue - Benjamin West | Domaine Public
La bataille de La Hougue – Benjamin West | Domaine Public

Sommaire

La bataille de La Hougue, également connue sous le nom de bataille de Barfleur-La Hougue, constitue un épisode emblématique des guerres maritimes du règne de Louis XIV. Survenue dans le contexte de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697), elle incarne non seulement l’affrontement entre la France et une coalition européenne, mais aussi l’engagement de Louis XIV à soutenir les Stuart dans leur quête de restauration sur le trône d’Angleterre.

Les batailles maritimes de la fin du XVIIe siècle sont marquées par l’opposition entre la France, et l’Angleterre, alliée aux Provinces-Unies. Pour Louis XIV, il ne s’agit pas seulement d’un conflit militaire, mais aussi d’une démonstration de force destinée à asseoir son prestige. Mais cette bataille expose les limites de la flotte française.

Au-delà des événements eux-mêmes, cette bataille illustre les transformations des pratiques militaires en mer et la résilience d’une marine capable de tirer des leçons d’une défaite apparente.

La guerre de la Ligue d’Augsbourg

La guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697) oppose la France de Louis XIV à une coalition européenne menée par l’Angleterre, les Provinces-Unies, l’Espagne et le Saint-Empire.

Louis XIV et les Stuart

À la fin des années 1680, la politique expansionniste de Louis XIV inquiète ses voisins. Après avoir consolidé son pouvoir à l’intérieur de la France, le « Roi-Soleil » mène plusieurs campagnes militaires pour agrandir ses frontières, notamment à l’est, dans un contexte ou le roi de France révoqua l’édit de Nantes.

Plusieurs puissances européennes forment la Ligue d’Augsbourg. Parmi ses membres figurent l’Empire espagnol, le Saint-Empire romain germanique, l’Angleterre, ainsi que les Provinces-Unies, la Savoie et plusieurs États allemands.

C’est dans ce contexte que Louis XIV décide d’apporter son soutien à son cousin Jacques II, le roi déchu d’Angleterre, chassé par la Glorieuse Révolution de 1688. L’objectif est clair : rétablir Jacques II, alors catholique et non protestant, sur le trône d’Angleterre, une ambition qui passe nécessairement par la maîtrise des mers.

En effet sur le plan maritime, les Provinces-Unies et l’Angleterre, disposant de flottes puissantes, mènent des opérations pour contrecarrer les ambitions navales françaises. Pour Louis XIV, le contrôle des mers est essentiel à ses ambitions, notamment pour soutenir les Stuart et menacer les routes commerciales de ses ennemis. C’est dans ce cadre qu’intervient la bataille de La Hougue

La flotte française

En 1692, Louis XIV ordonne la préparation d’une flotte pour appuyer une expédition militaire. La marine française, dirigée par l’amiral Anne Hilarion de Tourville, est désignée pour mener cette mission.

Depuis Richelieu sous Louis XIII, puis avec Colbert sous le règne du Roi Soleil, la marine française connut une importante mutation.

En effet Colbert, Secrétaire d’état chargé de la Marine, restaura, entre 1661 et 1683 la flotte française créée par le cardinal. Le ministre de la Marine entama dans les années 60-70 la guerre des tarifs envers les Hollandais. Mais celui qui doit affronter les Hollandais dans la guerre de la Ligue d’Augsbourg est son fils, Seignelay, qui lui succède à son poste.

Toute fois durant ces années la situation de la marine française devient plus difficile, en effet en 1672, les escadres française pouvaient s’appuyer sur l’aide des Anglais face aux Hollandais.

Portrait de Tourville, l'un des principaux chefs de la flotte de guerre de Louis XIV avec une petite représentation de la bataille de La Hougue en 1692 - Le Beau P. A. | Domaine Public
Portrait de Tourville, l’un des principaux chefs de la flotte de guerre de Louis XIV avec une petite représentation de la bataille de La Hougue en 1692 – Le Beau P. A. | Domaine Public

Mais en 1688 les Britanniques et leur Royal Navy se liguent avec les Provinces Unis, Louis XVI doit ainsi faire face à deux des trois grandes puissances maritimes de son temps.

Cette alliance affronta ainsi la flotte française lors de la bataille de la Hougue. Cependant, des vents contraires et une coordination imparfaite retardent la réunion des différentes escadres françaises, laissant Tourville seul face à la flotte combinée anglo-hollandaise, nettement supérieure en nombre. Malgré cette situation désavantageuse, Louis XIV donne l’ordre à Tourville de livrer bataille dès qu’il rencontrera l’ennemi.

Le combat sur mer

Le 29 mai 1692, au large de Barfleur, Tourville, avec 44 navires de ligne, engage courageusement la flotte ennemie, composé d’Anglais et d’Hollandais, possédant 88 navires de lignes et ayant une grande expérience de la Manche.

Au large de Barfleur : la bataille de Tourville

La marine française, bien que largement inférieure en nombre, combataient. Les combats sont acharnés, et malgré les pertes humaines et matérielles, aucun vaisseau français n’est coulé. Tourville, fidèle à l’ordre du roi, prononce la célèbre phrase :

« Messieurs, le roi nous donne l’ordre de nous faire battre pour son service »

Le soir du 31 mai, douze vaisseaux jetèrent l’ancre dans la rade de La Hougue. Le même jour, Tourville souhaitait organiser une défense de la rade à l’aide de chaloupes et de batteries. C’est pourquoi ils décident de faire échouer six vaisseaux près de l’île de Tatihou et six autres dans le port de La Hougue, afin de leurrer les Anglais.

Le 2 juin, les Anglais attaquèrent la rade, mais ils font face à la stratégie de l’Amiral. Tourville, déterminé, monte sur le canot de L’Ambitieux et tente de repousser cette attaque anglaise avec quinze chaloupes. Cependant, le 3 juin, les douze vaisseaux sont incendiés par la flotte anglaise.

Une partie de la flotte réussit tout de même à rejoindre Saint-Malo et Brest. Cet événement met cependant fin aux espoirs de Jean II. L’amiral anglais, Russel, écrivit à Tourville pour le « féliciter sur l’extrême valeur qu’il avait fait voir en l’attaquant avec tant d’intrépidité et en combattant si vaillamment, quoique avec des forces si inégales ». De son côté, Louis XIV déclara :

« Je n’ai rien à me reprocher ; je ne commande point au vent, j’ai fait ce qui dépendait de moi. Dieu a fait le reste. »

Malgré la défaite, le roi accorde à Tourville une gratification de 20 000 livres et le nomma maréchal de France.

Les conséquences

Sur le plan stratégique, cette bataille marque un tournant dans la guerre maritime. La perte de douze navires affaiblit la flotte française, mais elle pousse également la France à adopter une nouvelle approche.

Plutôt que de se lancer dans des affrontements d’escadre coûteux et risqués, la marine française se concentre désormais sur la guerre de course. Cette stratégie, menée par des corsaires tels que Jean Bart et René Duguay-Trouin, s’avère particulièrement efficace pour harceler les navires marchands ennemis et maintenir une pression constante sur leurs routes commerciales.

Pour les Stuarts, la bataille de La Hougue sonne le glas de leurs espoirs de restauration.

Un épisode marquant pour les Français

La bataille de La Hougue reste un épisode marquant de l’histoire maritime française.

Elle illustre non seulement la bravoure des français, mais aussi les défis stratégiques et logistiques auxquels ils étaient confrontés à la fin du XVIIe siècle. Si cette bataille est une défaite sur le plan militaire, elle marque également une transition vers une stratégie navale différente, qui s’appuiera sur la guerre de course et l’exploitation des talents de corsaires.

Enfin, cet épisode met en lumière les ambitions et les limites de la politique étrangère de Louis XIV, tout en soulignant le rôle crucial de la maitrise des mers.

Quelques liens et sources utiles

BÉLY.L., « Chapitre XXVII. De la volonté de conquête au rêve impérial (1679-1700) » dans : La France au XVIIe siècle Puissance de l’État, contrôle de la société, Paris, Presses Universitaires de France, 2009

BLANCHET.D., Histoire moderne et contemporaine de 1610 à nos jours, Belin et fils, Paris, 1887

MONAQUE.R., « Le Roi-Soleil et la mer. » dans : Une histoire de la marine de guerre française, Paris, Perrin, Pour l’Histoire, 2016

VERGE-FRANCESCHI., La marine française au XVIIIe-siècle, SEDES, Paris, 1996

WELSHINGER.H., La séance historique de l’Institut de France : lundi 26 octobre 1914, Paris, 1914

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