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Le Mercure François : un périodique sous Louis XIII

Le Mercure François, périodique du XVIIe, joue un rôle de compilation à l'époque. Retour sur sa genèse, son rôle et sa disparition.
Première page du Mercure François de 1616 | Googles Books
Première page du Mercure François de 1616 | Googles Books

Le XVIIe siècle voit l’émergence de nombreuses publications périodiques, que cela soit en France, avec la Gazette de Renaudot, mais aussi en Europe, avec la Gazette d’Amsterdam pour ne citer qu’un des nombreux exemples. Ici, notre attention se porte sur le Mercure François.

Genèse du Mercure François

En 1611 paraît la première édition du Mercure François, ou La suitte de L’Histoire de la Paix. Commençant l’an M. DC. V. pour suitte du septenaire du D. CAYER, & finissant au sacre du Tres-Chrestien Roy de France & de Navarre LOYS XIII. Le principe de cette publication est le suivant : une compilation de textes ayant déjà connu une première publication, que cela soit une décision royale (édits, ordonnances…), un fait divers ou bien un libelle… Ce n’est donc pas pour trouver des évènements inédits que les contemporains se penchaient sur le Mercure François. Pourtant, de 1611 à 1648, vingt-cinq volumes sont imprimés, couvrant une période chronologique allant de 1605 à 1644 (soit 25 volumes en 35 ans).

Ceux à l’origine de cette publication sont deux frères : Jean et Estienne Richer, issus d’une famille catholique, loyale à la monarchie et implantée dans le monde du livre parisien. Pour comprendre ce qui les motive à organiser une telle publication, il faut rappeler le contexte d’alors.

Un pouvoir royal affaibli

Le 14 mai 1610, le roi Henri IV est assassiné par François Ravaillac. La France connaît alors un second régicide, après celui de Henri III en 1589 qui plonge le royaume dans une « Grande Peur » pour reprendre le terme de Michel Cassan dans son ouvrage La Grande peur de 1610.

La France sortait alors des guerres de Religion avec l’édit de Nantes de 1598 et l’assassinat du roi fait planer l’inquiétude d’un retour des conflits. De plus, le dauphin, Louis XIII, n’est pas en âge de régner. Cela signifie la mise en place d’une régence, dont Marie de Médicis prend la tête. Mais qui dit régence dit aussi affaiblissement du pouvoir royal. C’est donc plein d’incertitudes que commence la décennie 1610.

Portrait de Louis XIII dans le Mercure François de 1624 | Googles Books
Portrait de Louis XIII dans le Mercure François de 1624 | Googles Books

Marqué par ce contexte, les frères Richer se mettent en quête de canaliser le danger que font planer les évènements susdits.

D’abord, ce périodique est le fruit d’une inspiration que le titre nous renseigne plus haut en signifiant que c’est la « suitte du septenaire du D. CAYER ». Il est fait référence à Pierre Victor Palma Cayet qui était à l’initiative de la publication d’une Chronologie septénaire de l’histoire de la paix entre les rois de France et d’Espagne, qui couvre une période allant de 1598 à 1604.

Il est aussi l’auteur d’une Chronologie novenaire, contenant l’histoire de la guerre, sous le règne du très-chrestien Roy de France et de Navarre, Henri IV. Le travail de Cayet sert de repère au Mercure François et celui-ci est comme une continuité.

Une publication aux objectifs ambitieux

L’objectif de la publication est donc, dans un premier temps, d’insister sur la légitimité du règne de Henri IV pour ensuite montrer que Louis XIII et la régence le sont aussi. Virginie Cerdeira, qui a profondément analysé le Mercure François, part du principe que Jean Richer participe au « mouvement de canalisation de la parole après le régicide ». L’objectif du Mercure est de répondre à ces peurs provoquées par l’assassinat du roi, tout en participant à la pacification du royaume.

Des ambitions dont il est cependant difficile de juger de l’efficacité. La question de la réception du Mercure François est assez compliquée à aborder et on ne sait pas si son influence politique a été importante. Étant donné qu’il est une publication sous format d’un livre in-8°, assez épais, ce n’est pas une publication qui était criée dans les rues, de la même façon qu’un occasionnel. Si pour l’occasionnel, le fait de le crier suffisait à connaître le principal de son contenu, ici c’est chose impossible.

C’est une publication qui se vend autrement et qui ne touche qu’un public particulier, comme des parlementaires. Le Mercure semble peu propice à se diffuser dans des sphères plus populaires.

Le Mercure François et le pouvoir royal

On a tendance à vouloir faire du Mercure François un outil de propagande royal, qui obligatoirement est à la botte du roi. Or, ce n’est pas vraiment la réalité. Pour comprendre l’attitude de la monarchie envers le Mercure il faut remonter à un incident diplomatique. Dans une de ces publications, un commentaire maladroit laisse sous-entendre que la ville impériale de Cologne est favorable à l’assassinat du roi de France. Cela aboutit alors à une réaction française et une décision de justice qui est censée suspendre la publication du Mercure François. Pourtant, il n’en est rien et la publication continue.

Cela s’explique notamment par l’intervention du pouvoir royal pour « sauver » la publication. Cet incident montre bien que le Mercure François a une influence sur l’opinion publique et, plus encore, qu’il peut avoir un rôle dans la politique royale pour communiquer. Avec la mort du roi, la nécessité de mieux contrôler l’opinion publique pour le pouvoir royal est hautement nécessaire. Au nom de l’utilité publique, et à condition d’éviter de tels incidents, le pouvoir soutient la publication du Mercure François si celui-ci ne s’oppose pas à la politique menée par le roi. Cette collaboration est de plus en plus importante au fur et à mesure, et surtout avec Richelieu.

Homme d’une grande lucidité, il prend conscience rapidement de la nécessité de contrôler l’opinion publique de gérer la demande sociale d’information. Pour cela, il protège la Gazette de Renaudot dans les années 1630, mais avant cela il aide le Mercure François : il corrige certaines publications, donne des textes à rajouter dans le recueil… Néanmoins, la collaboration n’est pas plus intense. Le Mercure n’est pas un outil de propagande important, c’est une publication qui veut perdurer et qui a des relations cordiales avec le pouvoir royal, sans aller plus loin.

La spécificité du Mercure François

Qu’est-ce qui peut faire la spécificité du Mercure François ? Ce n’est pas forcément dans ses publications qu’on les trouve. Ce sont des textes qui, certes, couvrent la France entière et même les pays européens, mais qui ont déjà été publiés : rien de neuf ne sort des presses des frères Richer.

Première page du Mercure François de 1611 | Domaine public
Première page du Mercure François de 1611 | Domaine public

L’originalité du Mercure François, c’est Virginie Cerdeira qui en parle le mieux dans sa publication intitulée Histoire immédiate et raison d’État : Le Mercure François sous Louis XIII.

Elle considère le Mercure François comme une « compilation périodique poursuivant le dessein d’écrire l’histoire ». Les auteurs du Mercure choisissent certains documents à compiler, plutôt que d’autres, car ils estiment qu’ils ont une valeur pour le dessin qu’ils poursuivent.

En ce sens, ils participent à l’invisibilisation d’autres informations : le choix de certaines publications à inclure dans le recueil vient discriminer d’autres qui ont une forte de chance de tomber dans l’oubli ou bien d’être détruites.

Ainsi, le périodique vient écrire l’histoire car il laisse comme seul regard sur une époque ce qui est conforme aux ambitions de la monarchie. Tout ce qui peut s’y opposer ne s’y trouve pas et donc rend impossible leur connaissance. En d’autres termes, c’est une histoire politique du temps présent qui a pour but de renseigner les futurs lecteurs d’une façon bien précise.

Par exemple, pendant la « Journée des Dupes » en 1630, durant laquelle Louis XIII choisit le camp de Richelieu au lieu de choisir sa mère, le Mercure François est du côté du cardinal. Le recueil met en avant des documents favorables à sa politique et justifie l’éloignement de Marie de Médicis par une conjuration anti-étatique.

Vers la fin du Mercure François

Le Mercure François est donc un témoin important de la politique menée dans le royaume. Il se fait le porte-voix des décisions royales et nous renseigne à la fois sur la politique intérieure et extérieure. Pendant la guerre de Trente Ans par exemple, il n’est pas rare de voir de nombreuses pages dédiées à des batailles, des décisions, toutes en lien avec ces évènements.

Néanmoins, si ce sont les frères Richer qui dirigent de la publication du périodique dans un premier temps, cela change au cours du siècle. D’autres personnages émergent comme Olivier de Varennes ou bien Théophraste Renaudot. Celui-ci parvient effectivement à réunir sous son autorité à la fois la Gazette, qui est sa création, mais aussi à récupérer le Mercure François. Cette reprise de Renaudot rime alors avec des publications moins importantes, plus irrégulières. On peut estimer que Renaudot s’aborde plus ou moins le Mercure François, qui malgré tout constitue une sorte de concurrence, afin de privilégier la Gazette. Quoi qu’il en soit, le dernier numéro est publié en 1648.

Le Mercure François n’est donc pas un périodique comme un autre. Sa façon de procéder – la compilation sur une longue durée – n’est pas dénuée de logique, tout au contraire. Sans piocher bêtement des documents au hasard, l’objectif est de créer un récit qui vient soutenir la société et la monarchie, sa reconstruction dans la paix. C’est une « histoire du temps présent » qui cherche à édifier ses lecteurs politiquement. Comme le remarque Virginie Cerdeira, une éthique de vérité guide les auteurs du Mercure. Cependant il faut bien garder à l’esprit que le principe de neutralité n’est pas l’objectif : la vérité politique est avant tout située.

Quelques liens et sources utiles

CERDEIRA Virginie, Histoire immédiate et raison d’État. Le Mercure François sous Louis XIII, Paris, Classiques Garnier, coll. « Histoire des Temps modernes », 2021.

CHARTIER Roger et MARTIN Henri-Jean (dir), Histoire de l’édition française. Tome 1 : Le livre conquérant, du Moyen Âge au milieu du XVIIe siècle, Paris, Fayard, coll. « Nouvelles Études Historiques », 1989.

SGARD Jean (dir.), Dictionnaire des journaux, 1600-1789, Paris Oxford, Universitas Voltaire Foundation, 1991.

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