L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

La neuvième guerre d’Italie, un affrontement européen !

La neuvième guerre d’Italie (1542-1546) s’inscrit dans le conflit des guerres d’Italie qui anime la France et l’Espagne.
Charles Quint trônant sur ses ennemis vaincus (de gauche à droite) : le sultan Soliman, le pape Clément VII, François Ier, le duc de Clèves, le duc de Saxe et le landgrave de Hesse. - Simonzio Lupi / Domaine public
Charles Quint trônant sur ses ennemis vaincus (de gauche à droite) : le sultan Soliman, le pape Clément VII, François Ier, le duc de Clèves, le duc de Saxe et le landgrave de Hesse. – Simonzio Lupi / Domaine public

La neuvième guerre d’Italie (1542-1546) s’inscrit dans le conflit des guerres d’Italie qui animent la France et l’Espagne entre la fin du XVe siècle et le XVIe siècle.

S’affrontent des belligérants puissants, François Ier pour le royaume de France et Charles Quint pour l’empire espagnol, voulant étendre leur hégémonie et leur contrôle sur les territoires italiens.

Une énième guerre d’Italie

La question territoriale

L’empire espagnol et la France se disputent plusieurs possessions territoriales en Italie comme le duché de Milan. Lorsque les revendications s’intensifient, les deux puissances se déclarent la guerre.

La Huitième Guerres d’Italie (1536-1538) se termine avec la paix de Nice signé le 18 juin 1538. Le traité prévoit une organisation des conquêtes territoriales de la guerre. La France garde une partie du Piémont, la Bresse et le Bugey, alors que l’Espagne dirige le Milanais et les deux tiers du duché de Savoie. Ainsi, les territoires revendiqués par François Ier restent aux mains de l’Espagne, ce qui maintient des tensions.

Malgré la paix, les négociations continuent donc entre les deux puissances qui s’invitent à discuter d’un possible accord comme en 1539. Toutefois, aucune décision n’est généralement prise.

Un enjeu politique

Au-delà des enjeux territoriaux, les actions diplomatiques jouent un rôle crucial dans le déclenchement de la Guerre. Durant l’été 1541, Antoine de Rincon, l’ambassadeur français auprès de l’empire ottoman est assassiné alors que les deux puissances se rapprochaient. François Ier accuse Charles Quint d’avoir participé, mais ce dernier nie toute implication.

De plus, Charles Quint, en tant qu’empereur catholique s’engage dans la guerre contre l’islam. C’est dans ce contexte que se déroule le siège d’Alger en septembre 1541. François Ier, malgré ses liens avec Soliman le Magnifique, ne peut désormais plus intervenir, car cela remettrait en cause le combat de la chrétienté contre les musulmans. Le roi français fait donc la promesse de ne pas déclarer de guerre.

Cependant, début 1542, le nouvel ambassadeur français auprès des Turcs Antoine Escalin des Aimars, ramène au roi de France la promesse du sultan de venir en aide aux Français en cas de guerre contre Charles Quint. La reprise de combat est donc à nouveau envisageable pour François Ier qui est moins isolé.

C’est en juillet 1542 que le roi de France déclare finalement la guerre sous couvert de diverses revendications, principalement celle du duché de Milan et le meurtre de Antoine de Ricond dont la fonction d’ambassadeur était sacrée.

Une guerre d’alliance

Au début du conflit, la guerre ne concerne que l’empereur d’Espagne et le roi de France. Mais pour renforcer leurs importances, les deux camps essaient de rallier à leur cause les autres puissances de l’époque, elles-mêmes en conflit avec leurs adversaires.

L’alliance franco-ottomane

La première alliance franco-ottomane est actée en 1536 avec « la capitulation » entre le roi français François Ier et le souverain turc Soliman le Magnifique. Cette alliance est mise en place d’après le roi de France pour protéger les chrétiens en terres ottomanes et donc musulmanes. Toutefois, le principal intérêt est de créer une alliance contre la maison des Habsbourg dont Charles Quint est l’héritier.

Le roi de France exploite les désaccords maritimes pour le contrôle de la Méditerranée, entre les Turcs (méditerranée orientale) et les Espagnols (méditerranée occidentale). Ainsi, les années 1540 sont l’occasion pour les deux souverains de réaffirmer leur alliance alors que des désaccords montent avec leur ennemi commun, Charles Quint.

L’objectif de la France est d’obtenir un soutien supplémentaire solide contre la puissance des Habsbourg. Il s’agit ici de la continuité d’une politique diplomatique avantageuse et particulière avec un empire puissant et influant.

Cette alliance permet aux Ottomans de continuer leur avancée territoriale de l’empire en Hongrie puisque Charles Quint se concentre sur l’Ouest de l’Europe.

Siège de la flotte ottomane et française devant les remparts de la ville de Nice – 1543 | Domain public
Siège de la flotte ottomane et française devant les remparts de la ville de Nice – 1543 | Domaine public

Avec la participation de l’empire ottoman à la guerre, des combats se développent en Méditerranée.

Durant l’été 1543, une flotte franco-ottomane met l’ancre à Nice et des troupes débarquent sur les territoires du duc de Savoie. Ce n’est qu’un mois après le début du siège, le 8 septembre, que la flotte est menacée par l’arrivée d’une armée de secours et impériale et est obligée de partir.

Charles Quint et Henri VIII

Dès le début des guerres d’Italie, Charles Quint possède une armée puissante venant de son héritage des Habsbourg d’Autriche et Habsbourg d’Espagne. Toutefois, les alliances formées par la France poussent le souverain d’Espagne à lui aussi trouver un accord avec une autre grande puissance.

L’Angleterre est une grande puissance européenne de l’époque, qui représente pour la monarchie espagnole un potentiel allié important. En effet, le conflit avec la France est resté présent depuis la guerre de Cent Ans. Henri VIII veut reprendre une chevauchée en France en 1543, mais il fait face à une résistance française.

Pour pallier leurs difficultés face à la résistance qu’oppose la France, les deux souverains créent une alliance pour attaquer conjointement la France par la Normandie et la Champagne. Les Anglais et les Espagnols combattent donc ensemble et tentent d’envahir la France notamment avec le siège de Boulogne ou de Saint-Dizier dont ils sortent victorieux.

Charles Quint utilise donc les désaccords franco-anglais pour les tirer à son avantage.

Néanmoins, l’alliance est fragile et éphémère, car l’Angleterre d’Henri VIII est anglicane, et donc non-conforme à l’Église catholique que défend Charles Quint.

Une paix difficile

Trêve de Crépy-en-Laonnois (1544)

Après seulement deux ans de combats, la guerre se fait ressentir du côté des belligérants. C’est la neuvième guerre d’Italie depuis 1494, qui s’additionne aux autres affrontements. Les pays manquent d’argent, de vivres ; ils subissent les désertions et la mauvaise saison approche. L’empire d’Espagne et le royaume de France décident de conclure la trêve de Crépy en Laonnois.

La trêve prévoit que le statu quo de 1538 soit restauré.

Ainsi, Charles Quint abandonne ses revendications sur le duché de Bourgogne et François Ier fait de même pour le royaume de Naples, des Flandres et l’Artois.

Pour s’assurer du respect de la trêve et donc le cadre de la diplomatie du siècle, un mariage est organisé entre Charles II d’Orléans (fils cadet de François Ier) et Anne d’Autrice (nièce de Charles Quint).

Une condition supplémentaire est ajoutée par les Espagnols : que François Ier promette de lutter avec Charles Quint contre les Ottomans, ses alliés.

Ratification par Charles Quint du traité de Crépy-en-Laonnois conclu avec François Ier - 22 septembre 1544 | Domaine public
Ratification par Charles Quint du traité de Crépy-en-Laonnois conclu avec François Ier – 22 septembre 1544 | Domaine public

Mais un an plus tard, Charles II meurt. Ajouté à cela, le non-respect des clauses du contrat concernant les territoires que chacun devait récupérer rend le traité caduc.

Le traité est également rejeté par Henri VIII tout comme Soliman le Magnifique qui s’estiment trahis par leurs alliés.

Traité d’Ardres (1546)

En janvier 1546, le roi d’Angleterre envoie de nouvelles troupes à Calais. Cette tentative n’aboutit pas, montrant un essoufflement des combats.

Dès septembre 1545, les souverains sont confrontés à une impasse : la guerre s’éternise sans de grands résultats. Chaque pays envoie donc ses diplomates pour essayer d’améliorer la situation.

Le 7 juin 1546, après plusieurs négociations, le traité d’Ardres est signé entre la France et l’Angleterre. Ce dernier conclue que la Bourgogne reste une possession anglaise jusqu’en 1554, date à laquelle la France rachèterait le territoire. Calais de son côté resterait une possession anglaise.

Avec ce traité, le pape remet en avant la réconciliation religieuse. Il encourage les rois catholiques à convaincre le roi anglais de renouer avec Rome. La paix entre Charles Quint et François Ier quant à elle se fait selon les termes de la trêve de Crépy en Laonnois.

Ratification du traité d'Ardes par Henry VIII - 1546 | Domaine public
Ratification du traité d’Ardes par Henry VIII – 1546 | Domaine public

La neuvième guerre d’Italie est importante dans l’Europe du XVIe. Elle montre l’importance du jeu des alliances (à découvrir, ce même jeu des alliances avant la Première Guerre mondiale), et cela, en dépit des religions affirmés des alliés. Les deux pays catholiques concluent des accords avec un pays musulman et un pays anglican pourtant combattus par la papauté au nom de qui les puissances disent parfois agir.

Quelques liens et sources utiles

Cottret Bernard, « 20. Une fin de règne difficile », in Les Tudors, Paris : Perrin, 2022, p. 327‑335,

Gouguenheim Sylvain et Dumielle Isabelle, « La Renaissance (1494-1610) », in Histoire de la France en 365 dates, Paris : Perrin, 2018, p. 51‑69

Hélie Jérôme, « Chapitre 3. Charles Quint, François Ier et Soliman : la lutte pour l’hégémonie », in Les relations internationales dans l’Europe moderne, Paris : Armand Colin, 2019, vol. 2 e éd., p. 45‑64

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