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Slave Patrols : agents de la répression raciale aux États-Unis

La slave patrol est une milice américaine qui fut établie dans le but de contrôler les esclaves et les populations de couleur.
Slave Patrol - Frederic B. Schell | Domaine public
Slave Patrol – Frederic B. Schell | Domaine public

Instaurées tôt dans l’histoire des États-Unis, bien avant l’indépendance du pays, les slave patrols agissaient comme milice pour les populations blanches. Ces patrouilles avaient pour but de garder sous contrôle les esclaves et les communautés non-blanches. Et pourtant, une partie des forces de l’ordre américaine découle de ces patrouilles de répression raciale, à l’instar de la brigade canine.

Étant donné le passé esclavagiste de la nation américaine, cela apparaît comme une évidence que des mesures de répression furent mises en vigueur contre une possible révolte des esclaves. Pourtant, les faits autour de l’esclavage sont fréquemment enfouis dans les méandres du passé. L’importance de ces slave patrols dans les futures répressions raciales et dans l’élaboration du système policier américain est néanmoins majeure.

Qu’est-ce que les slave patrols

La première slave patrol a été mise en place en 1704 en Caroline du Sud pour empêcher les esclaves de s’échapper. Cette milice de répression des esclaves ne tarda pas à se propager aux autres colonies américaines existantes. Ces 13 premières colonies, toutes situées sur la côte Est du pays, constituent aujourd’hui 13 des 50 États américains. En effet, plus les plantations grandissaient et plus les colonies redoutaient l’éventualité d’une fuite ou d’une révolte d’esclaves.

Ces patrouilles étaient généralement des groupes de jeunes hommes blancs issus de familles esclavagistes ou bien provenants d’un milieu fermier de classe populaire. Ces patrouilles ont renforcé le sentiment de solidarité entre les propriétaires de plantations et les petits agriculteurs américains. Ils étaient unis par leur volonté commune de garder les populations non blanches sous contrôle.

Photographie d'un quartier d'esclaves à Oakland - National Park Service | Domaine public
Photographie d’un quartier d’esclaves à Oakland – National Park Service | Domaine public

Une partie des tâches assignées à ces patrouilles consistait à fouiller et saisir les quartiers d’esclaves. Les slave patrols se devaient aussi de faire en sorte que les esclaves ne se rassemblent pas. Et finalement, ils devaient patrouiller à proximité des plantations, généralement au niveau des routes. Lors de ces patrouilles, les slave patrols devaient également vérifier si les esclaves qu’ils croisaient avaient un permis de passage écrit par leur exploitant.

À partir de 1783, après la révolution américaine, les plantations furent confrontées à une hausse des fuites d’esclaves. Cela s’explique par la dissolution d’un nombre conséquent de plantations dans le nord des colonies américaines. De fait, de nombreux esclaves étaient soit libérés soit vendus par leurs exploitants. S’ils étaient vendus, les esclaves allaient dans le sud profond des États-Unis où les conditions d’exploitation étaient connues pour être rudes. Ces esclaves vendus tentaient alors de s’enfuir pour éviter d’être envoyé dans un endroit pire encore que celui qu’ils avaient connu jusque-là.

Une nouvelle tâche fut alors confiée aux slave patrols, celle d’empêcher les esclaves de s’échapper. Si les esclaves venaient tout de même à s’échapper, alors, les slave patrols se devaient de les retrouver. Les slave patrols étaient assignées à la surveillance des communautés noires libres qui commençaient à voir le jour au cas où elles se soulèveraient contre la suprématie blanche.

Cette répression des populations de couleur a subsisté dans le temps en passant de l’esclavage à la ségrégation. En effet, l’existence même de ces slave patrols donnait une légitimité aux populations blanches et donc au corps de police américain d’appliquer la ségrégation des populations de couleur, et ce même après l’abolition de l’esclavage. Mais cela a fait bien plus que donner une légitimité à la police américaine dans l’exécution des lois ségrégationnistes. Le corps policier américain est en partie construit sur le modèle de la slave patrol.

L’origine esclavagiste du corps de police américain

C’est entre 1838 et 1842 dans l’actuelle capitale des États-Unis que la première jonction entre les slave patrols et la police se fait. En 1838, la ville de Washington établit elle aussi une patrouille urbaine constituée de citoyens volontaires. En 1842, cette patrouille de citoyens volontaires devient une patrouille nocturne et fait désormais partie du corps policier. Cette patrouille de police nocturne avait pour tâche principale de s’assurer que le couvre-feu instauré pour les personnes de couleur était bien respecté. Bien entendu, de nos jours il n’y a plus de couvre-feu. Les patrouilles de police nocturnes ne sont donc plus là pour garder sous contrôle les populations non blanches. Cependant, leur origine même prouve le lien entre la répression raciale et le système de police américain.

On peut aussi prendre l’exemple de la brigade canine américain qui semble s’inspirer des slave patrols. En effet, les slave patrols étaient assistées de chiens de chasse, le plus souvent des chiens de Saint-Hubert, pour intimider les esclaves et s’assurer qu’ils ne tentent pas de se rebeller. Les chiens permettaient également aux slave patrols de trouver les esclaves en fuite plus rapidement grâce à leur talent de pisteur. Et il semblerait que les slave patrols furent les premiers à s’aider de chiens pour mieux contrôler et intimider ainsi que pour pister des suspects aux États-Unis.

L’accès public aux archives du poste de police de Ferguson en 2015 a semblé corroborer l’origine esclavagiste de quelques services de police américains. C’est pourquoi l’origine esclavagiste de la brigade canine américaine, la K-9 (pour jouer sur la sonorité du mot « canine »), fait l’œuvre de quelques désaccords aux États-Unis. De fait, les slave patrols et leurs chiens, les « negros dogs« , semblent effectivement être les ancêtres de la brigade canine américaine.

Cette oppression légalisée des personnes de couleur découlant de cette patrouille de répression des esclaves n’est toujours pas parfaitement éradiquée aux États-Unis. En effet, les archives du poste de police de Ferguson ont également révélé que les populations de couleur étaient encore récemment les victimes principales de violences policières injustifiées.

Quelques sources et liens utiles :

Spruill, Larry H., “Slave Patrols, “Packs of Negro Dogs” and Policing Black Communities.”  Phylon, Vol. 53, No. 1, 2016, pp. 42-66.

Hadden, Sally E., Slave Patrols: Law and Violence in Virginia and the Carolinas. Cambridge, Harvard University Press, 2001.

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