L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

Le siège de Metz (1552), la bataille pour les Trois Evêchés

Le Saint-Empire Romain Germanique est composé d’évêchés de langue romaine comme Metz, point stratégique à acquérir pour la France.
La levée du siège de Metz, en 1553 – Lucien-Étienne Mélingue | Domaine public
La levée du siège de Metz, en 1553 – Lucien-Étienne Mélingue | Domaine public

Le Saint-Empire Romain Germanique (SERG) est composé d’évêchés de langue romaine : Metz, Verdun et Toul. Ces évêchés sont des provinces du Saint-Empire Romain Germanique, mais restent libres et, sont donc en capacité de nouer des alliances.

Ces territoires, dont la ville de Metz en particulier, sont des points stratégiques importants à acquérir pour la France.

Metz, une ville bloquée entre les différends européens

Nouer des alliances pour se protéger des guerres

Ancienne capitale du royaume Franc d’Austrasie, Metz est, depuis le Moyen Age, un territoire entre deux camps considérablement convoités. La ville subit de nombreux sièges qui la fragilisent et augmentent l’insécurité, comme en 1444, à la fin de la guerre de Cent Ans, lorsque Charles VII et René d’Anjou assiègent la ville, sans grand succès.

La république messine décline donc à partir de la fin du XVe, la rendant encore plus vulnérable aux attaques. Pour pallier ce déclin et se protéger d’autres attaques, la cité créée des alliances, notamment avec le duc de Lorraine en 1533.

Durant la premier moitié du XVIe siècle, Charles Quint impose de nombreuses réformes dans le Saint-Empire romain Germanique pour tenter d’imposer son empire universel, mais surtout, à partir de 1517, pour garder le catholicisme comme confession principale. Les princes allemands des évêchés, guère satisfaits des réformes qu’ils n’ont pas voulues, proposent de « donner » leurs villes au roi de France en échange du soutien contre Charles Quint.

Une cité subissant une pression religieuse

Dans une volonté de réduire les oppositions au sein du SERG, un texte de concorde entre protestants et catholiques est rédigé en 1541 : l’intérim de Ratisbonne. Or, la Cour de Rome, Luther et le Concile de Trente sont en désaccord avec l’intérim qui est mis de coté.

Les différends religieux persistent au sein du Saint-Empire Romain Germanique et avec la reprise des guerres d’Italie, les protestants prennent en puissance. Charles Quint voit son pays se scinder et met en place un traité avec la France pour régler le problème allemand.

Toutefois, l’empereur n’applique pas entièrement le traité et les princes allemands font appel à la France et Henri II. Ce dernier décide de les soutenir officiellement en mars 1551. C’est dans ce cadre que les princes des évêchés passent un nouveau traité avec la France qui est ratifié par Henri II le 15 octobre 1551. Ce traité de Chambord (janvier 1552) donne au roi de France le vicariat sur les Évêchés. L’évêque de Metz est donc choisi par le roi de France alors que Charles Quint a des difficultés à imposer le catholicisme dans son empire.

Metz, un territoire à posséder pour affirmer son pouvoir

Le voyage d’Austrasie, une provocation d’Henri II

En 1551, les tensions reprennent entre la France et le SERG. La France ne convoite pas seulement les territoires italiens, mais elle souhaite acquérir les terres des Trois Evêchés qui sont des possessions impériales. Henri II profite de son alliance avec les princes protestants pour organiser une expédition militaire, dirigée par le connétable Anne de Montmorency.

Le 10 avril, l’avant-garde française arrive à Metz dont l’ouverture se fait avec facilité. Le lendemain, le roi rencontre le maître échevin de Mets Jacques de Gournay. Quelques jours plus tard, avec l’aide de certains échevins francophiles, malgré le désaccord de certains Messins, la ville est récupérée par la France. Le roi fait son entrée solennelle dans la ville sous les acclamations des maîtres échevins. Après la prise de Metz, le roi de France continue sa chevauchée vers Verdun qu’il occupe le 20 mai avec de rentrer en France. Le voyage d’Austrasie s’achève donc avec la prise des Trois Evêchés par la France.

Réaffirmer la position du Saint-Empire Romain Germanique en Europe

Au milieu du XVIe, le pouvoir hégémonique de Charles Quint est remis en cause dans l’Europe de l’Ouest : de nombreuses révoltes éclatent, dont celle de Sienne qui est appuyée par le roi de France.

L’autorité de l’empereur est également remise en question en Allemagne avec la révolte des princes protestants qui refusent le modèle d’empire catholique universel. À ces difficultés, s’ajoutent les conquêtes du roi de France avec sa chevauchée que Charles Quint considère comme une déclaration de guerre. Son objectif est donc de restaurer sa pleine autorité dans le Saint-Empire Romain Germanique et de se débarrasser de tous ses ennemis.

Pour ce faire, l’empereur décide de négocier avec les princes allemands afin de pacifier le territoire. Il signe donc la paix de Passau en août 1552 par laquelle il concède aux protestants une liberté de conscience en plus de choisir les assesseurs de la chambre impériale de Spire au sein des deux religions. En échange, il exige une dissolution de l’armée des princes et une rupture de l’alliance avec Henri II. Pour assurer ses arrières, Charles Quint ratifie également un traité avec la Suisse pour s’assurer de sa neutralité.

Désormais, l’enjeu pour Charles Quint est de récupérer Metz, lieu stratégique pour sa position entre la Flandre et la Franche-Comté. Au-delà, il s’agit pour l’empereur de se venger de la guerre déclarée par Henri II, mais aussi de punir la ville pour son infidélité envers l’Empire.

Un siège préparé par les Français : garder Metz

La préparation d’un siège sur Metz par Charles Quint est connue dans toute l’Europe depuis la chevauchée d’Henri II. Cela permet aux Français de se préparer et d’organiser la ville. François de Guise est désigné comme favori par l’opinion publique pour défendre Metz. Il prend possession de la ville le 18 août, accompagné par un auxiliaire de guerre italien, Pierre Strozzi, spécialisé dans les sièges.

La défense de la Metz est facilitée par la nature et la disposition de la ville. Toutefois, début octobre avec l’approche de Charles Quint, le duc de Guise décide d’améliorer la protection de la ville. Il fait dans un premier temps sortir tous ceux considérés comme non-apte à combattre.

Lettre de Montmorency demandant des renforts contre Charles Quint – Anne de Montmorency | Domaine public
Lettre de Montmorency demandant des renforts contre Charles Quint – Anne de Montmorency | Domaine public

Il demande le nettoyage de la ville et interdit de faire sonner les cloches sans son autorisation. Pour prévenir des points vulnérables, il décide d’abattre toutes les constructions nuisibles à la défense : cinq faubourgs et une quarantaine d’édifices religieux sont détruits et les tombes royales à l’intérieur des basiliques sont déplacées.

En parallèle, le duc de Guise fait construire un boulevard d’artillerie et fait creuser un fossé au bord de la Seille.

Il répartit les quartiers entre les différents officiers pour plus d’efficacité, et fait récolter des provisions pour la population restantes. En novembre 1552 au début du siège, 7 000 hommes occupent Metz dont 1000 pionniers et 700 cavaliers.

Bloquer Metz : la vengeance de Charles Quint

Alors qu’Henri II envoie le duc de Guise protéger la ville, Charles Quint part pour Metz dès le 1er septembre. À la fin du mois d’octobre, ses troupes sont à Boulay au nord de Metz.

C’est début novembre qu’il renforce son armée pour le siège avec l’artillerie impériale et une centaine de canons.

Il fait également appel aux armées de ses alliés et territoires conquis. Lors du siège sont présentes des troupes italiennes, allemandes, tchèques, espagnoles, ainsi que des mercenaires. Elles encerclent la ville en ne laissant aucune brèche pour passer.

Plan de Metz assiégé par Charles V – Sébastien Leclerc | Domaine public
Plan de Metz assiégé par Charles V – Sébastien Leclerc | Domaine public

Le bombardement de Metz commence une fois les troupes en place et à l’abri des attaques. Ce n’est qu’à la fin du mois que les tirs font de vrais dommages sur le côté Ouest, mais l’organisation efficace des assiégés leur permet de réparer rapidement les attaques.

Une victoire française en territoire allemand

Grâce à la défense du duc de Guise, Metz résiste fortement aux attaques. Les bombardements restent le principal problème à l’intérieur, toutefois les provisions faites sont suffisantes pour tenir plusieurs mois de siège.

La fin des hostilités ne vient pas d’une fragilité de la ville, mais d’un manque de moyens des troupes de Charles Quint. Les conditions du combat sont difficiles tant bien psychologiquement, avec l’enchaînement des échecs, que physiquement, avec le froid et la faim. Les maladies ravagent les troupes avec la disette et le typhus qui se propagent.

Ces conditions augmentent le nombre de désertions si bien que l’armée perd la moitié de ses effectifs. Charles Quint se ruinent dans ce siège qui lui coûte des hommes, des munitions et des vivres. Le siège est levé en janvier 1533 face à la résistance de Metz. Les malades et blessés sont diplomatiquement épargnés. À la fin du siège, l’empereur garde officiellement sa souveraineté sur Metz, mais une garnison française permanente est envoyée.

Cependant, les combats entre la France et le SERG ne sont pas terminés, le conflit de Metz est l’une des raisons de la reprise des Guerres d’Italie, les combats se déplacent vers la péninsule. La convention de Vaucelles du 5 février 1555 garantit à la France la possession des évêchés. La paix de Cateau-Cambrésis en 1559 actes cette possession.

Quelques sources et liens utiles

D’AMICO Juan Carlos et Danet Alexandra, « 32. Échec des derniers grands projets politiques », in Charles Quint, Paris : Perrin, 2022, p. 535‑553

FEBVRE Lucien, « Un chapitre d’histoire politique et diplomatique. La réunion de Metz à la France (1552-1648). », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, vol. 3, nᵒ 13, Persée

FENELON Bertrand de Salignac de la Motte, Le siège de Metz par l’empereur Charles V, en l’an 1552: où l’on voit comme monsieur de Guise et plusieurs grands seigneurs de France, qui étoient dans ladite ville ce sont comportés à la deffence de la place, P. Collignon, 1665, 188 p.

GANTELET Martial, L’absolutisme au miroir de la guerre: Le roi et Metz (1552-1661), Presses universitaires de Rennes, 2019, 452 p.

GIRAUD Charles, « LA FRANCE ET LES PRINCES ALLEMANDS AU XVI e SIÈCLE: LE SIÉGE DE METZ EN 1552 », Revue des Deux Mondes (1829-1971), vol. 90, nᵒ 2, Revue des Deux Mondes, 1870, p. 240‑271.

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