L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

Le printemps arabe : la révolution des peuples du Maghreb

Le printemps arabe a été perçu rétrospectivement comme une révolte, une indignation nationale et citoyenne d’envergure.
Banderole sur la place Tahrir : "Le peuple demande le retrait du régime" - Popo le Chien (pseudo Wikipédia) | Domaine public
Banderole sur la place Tahrir : « Le peuple demande le retrait du régime » – Popo le Chien (pseudo Wikipédia) | Domaine public

La vague de sédition arabe se déclenche le 17 décembre 2010. Lorsqu’un citoyen tunisien, outré par la maltraitance de la police, décide de s’immoler publiquement dans la grande stupéfaction du public. C’est alors que les peuples arabes, en commençant par la Tunisie, déclenchent la grande révolution dans le dessein de changer le régime jugé très autoritaire et dictateur, le printemps arabe.

Loin d’être une simple manifestation où le peuple revendique des droits alors bafoués, le printemps arabe a été perçu rétrospectivement comme une révolte, une indignation nationale et citoyenne d’envergure. Après des années de souffrance, le peuple rompt le silence et estime que seule la chute du régime peut mettre fin à des années de résignation, d’injustice et d’humiliation.

Le déclenchement de la révolution en Tunisie

Des manifestants chantent l’hymne national et appellent à la dissolution du parti au pouvoir devant leur siège, dans le centre de Tunis – Tunisian Revolution RCD | Creative Commons Attribution 2.0

Le suicide de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid était à l’origine de l’indignation des Tunisiens. Longtemps assujettie à un régime autoritaire et immuable, la Tunisie est une république qui, à l’instar de ses voisines, a eu le même chef d’État pendant 23 ans. Avec un tel régime politique qui prédomine la gouvernance du pays à chaque mandat, les Tunisiens étaient privés de tout droit de contestation du régime.

Faute de démocratie, de liberté d’expression et d’une équitable répartition des richesses, le mouvement populaire était un moyen infaillible pour espérer le changement. Les manifestations ont duré quatre semaines successives durant lesquelles le peuple a revendiqué ses droits. Au tout début, la révolte a été accueillie par une répression violente. Pourtant, l’obstination du peuple et leur union à l’échelle nationale, suivie d’une grève générale, a permis de maintenir le sentiment de révolte au sein du peuple, et de faire apparaître les premiers signes d’affaiblissement du régime.

Ben Ali n’avait donc pas beaucoup de choix que de réagir au plus vite. Espérant calmer les tensions, il promet la création de 300 000 emplois et de ne plus se présenter aux prochaines élections présidentielles. Dans l’indifférence totale, les Tunisiens poursuivent les manifestations et, pire encore, au lieu de les calmer, ces déclarations augmentent les tensions. Le lendemain de sa déclaration, une grosse manifestation a eu lieu à la capitale. Le soir même on annonce la démission du président Zine El-Abidine Ben Ali.  

Le pays est en ébullition, ce mois de janvier 2011 s’annonce calamiteux pour les Tunisiens. D’abord la fuite du président Ben Ali le 14 janvier, puis le chaos national qu’a généré son départ. Entre un peuple insurgé, un gouvernement tenace et l’armée qui rentre dans le jeu se déclarant garante de la révolution.  Les affrontements durent un trimestre durant lequel les Tunisiens revendiquent l’abolition totale du gouvernement en place et exigent que celui-ci fasse peau neuve. Le 7 mars 2011, leurs contestations portent leurs fruits, un nouveau gouvernement provisoire avec une nouvelle composition ministérielle se met en place.

L’insurrection générale du monde arabe

À l’instar des Tunisiens, les Égyptiens, les Libyens, les Algériens, les Marocains et les Syriens s’adonnent à la tâche. Tous estiment que l’heure du changement a sonné pour mettre fin à des années de prédation. La population arabe ne se laisse plus embobiner par des promesses de changement. Les discours politiques ne sont désormais que des leurres qui ne découragent en rien l’indignation populaire. Pour cette raison, le printemps arabe a mis fin à la vie politique des présidents restés au pouvoir des décennies sous la casquette d’un parti monopolisant tout le pouvoir.

Le chômage, l’insuffisance de logements, la précarité alimentaire ou encore le népotisme ajoutant à cela une régence autoritaire, la population arabe ne trouve d’autres solutions que de proclamer la justice sociale et la démocratie. Le peuple sort alors à l’unisson revendiquer ses droits tout en estimant que pour y aboutir, il faut d’abord exiger la chute du régime en cours.

L’effet domino n’épargne pas le Maroc, l’Algérie, le Yémen, la Syrie et bien d’autres nations arabes. Les monarchies comme les républiques ont tous subi le printemps arabe, les revendications étaient les mêmes, mais dans des circonstances différentes. L’histoire a gardé un épilogue propre à chaque pays.

La révolution égyptienne

Les Égyptiens inaugurent à leur tour une série de manifestations qui commencent le 25 janvier 2011 à la Place Tahrir de la capitale. Le 11 février de la même année, on annonce déjà la démission du président Hosni Moubarak. Après le départ du président, le pays subit une autre vague de contestation. À l’instar de la Tunisie, la démission du chef-d’État génère un chaos considérable dans l’ensemble du pays, difficile donc de trancher sur la transition du pouvoir, c’est l’armée qui en prend la charge.  

Ce chevauchement du pouvoir engendre à son tour une série de révolutions où le peuple exprime son mécontentement. Les Frères musulmans tentent alors de les séduire s’appuyant sur les préceptes de l’islam. Présumée religion officielle de l’Égypte, 90% de la population est musulmane, les islamistes ont bien su attirer la foule.

L’un des manifestants tenant certaines des balles de l’armée, debout devant un véhicule de l’armée en feu Place Tahrir – Egypte – 09 avril 2011 – J. Rashad | Creative Commons Attribution 3.0

Le Parti de la liberté et de la justice remporte les élections présidentielles. C’est un parti politique typiquement islamiste, représenté par Mohamed Morsi qui finit par s’approprier le pouvoir pour être nommé officiellement président de la République le 30 juin 2012. Un règne qui dura une année seulement avant qu’il ne soit renversé par un coup d’État au début de l’été 2013. Le 3 juillet 2013, le chef d’état-major déclare la destitution du Président Morsi. Les prochaines élections présidentielles ont eu lieu en 2014, Abdel Fattah al-Sissi les remporte avec 96.9% de suffrages. L’arrivée d’un nouveau président avec un passif militaire redonne à l’armée ce pouvoir extrême qu’elle avait en quelque sorte perdu sous le règne du président islamiste déchu.

La guerre civile en Libye

C’est de Banghazi que les contestations en Libye ont commencé. Le colonel Mouammar Kadhafi est au pouvoir depuis 1969, il est alors visé directement par l’indignation du peuple qui réclame violemment son départ. Des revendications auxquelles le président du pays répond par la répression. Menaçant d’éradiquer les rebelles et mettre fin à l’insurrection, les confrontations entre le peuple et l’armée finissent par générer des milliers de morts. Human Rights Watch publie dans son bilan du 20 février 300 morts et 1000 blessées et ce n’est que le début de la répression.

La ténacité de Mouammar Kadhafi et son intransigeance quant à la question de céder le pouvoir, mettent le pays dans un capharnaüm sanglant. Les Occidentaux, représentés par Washington, Londres et Paris, lancent une offensive contre le régime libyen. Les forces rebelles, quant à elles, soutenues par l’OTAN poursuivent la rébellion en direction de la capitale. Les troupes de Kadhafi s’affaiblissent de plus en plus face à la détermination des rebelles qui agissent désormais sous les directifs du Conseil National de Transition. Le CNT est une autorité politique de transition créée à l’époque pour commander et diriger les combattants contre le régime.

Les enfants des communautés libyennes rebelles s’expriment à travers l’art – Magharebia | Creative Commons Attribution 2.0

Le 20 octobre 2011, le monde se réveille sur la nouvelle de persécution de Mouammar Kadhafi. Après huit mois d’insurrection, la révolution libyenne se scelle par la mort tant voulue du chef-d’État libyen. Tout comme l’Égypte, la Libye s’est enfoncée davantage dans l’anarchie et le chao après la chute de Kadhafi. Des confrontations armées se sont déclenchées, aux médias on parle déjà d’une guerre civile. Les clans se sont vite formés, en deux groupes rivaux, le Gouvernement d’Union Nationale sous le commandement de Fayez Al-Sarraj s’oppose à l’Armée Nationale Libyenne dirigée par le maréchal Khalifa Haftar.

Quatre ans après la mort de Kadhafi et le pays n’a toujours pas trouvé un semblant de stabilité. Ceci a poussé plusieurs puissances étrangères à intégrer la Libye pour trouver un arrangement entre les deux autorités. Cependant, l’implication des pays étrangers n’a fait qu’empirer le conflit car d’un côté des pays comme la Russie et l’Arabie Saoudite soutiennent l’ANL (l’Armée Nationale Libyenne) et de l’autre côté la Turquie vient à l’aide du GNA (Gouvernement d’Union Nationale). Le chaos politique embourbe toujours le pays, selon la CIA 800 000 libyens ont quitté la Libye.

Graffitis suite à la révolution des jasmins – Tunis – « Gloire à Mohamed Bouazizi » écrit en arabe | Creative Commons Zero, Public Domain Dedication

L’hégémonie imposée par un régime autoritaire et répressif était la raison qui a uni toute la population arabe sous les mêmes revendications de dignité et de parité entre toutes les tranches sociales. Cela a commencé en Tunisie puis s’est propagé sur les pays voisins pour enfin rassembler toute la population arabe sous le seul et même cri : « Le peuple veut faire chuter le régime ! ».

Quelques liens et sources utiles

Bichara Khader, Le «printemps arabe » : un premier bilan, alternatives sud, vol, 19-2012 / 7

Tahar Ben Jelloun, Printemps arabe : bilan mitigé, IeMed, QM 20/21: MEDITERRANEAN SCENARIOS

Olivier Paquette, La Libye : une révolution différente, Perspective Monde, Univ. de Sherbrooke, Canada, mars 2011

Delphine Pagès-El Karoui & Leila Vigna, Les racines de la « révolution du 25 janvier » en Égypte : une réflexion géographique, Open Edition Journals, 2011

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