L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

Haudegen, opération secrète allemande au Svalbard

Lors de la Seconde Guerre mondiale, l’archipel du Svalbard voit se dérouler sur son territoire de multiples d’opérations et de combats.
Soldats allemands de l'opération Haudegen au Svalbard. Photo issue des collections de Wilhelm Dege et colorisée par Johannes Dornn - Johannes Dornn | Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International
Soldats allemands de l’opération Haudegen au Svalbard. Photo issue des collections de Wilhelm Dege et colorisée par Johannes Dornn – Johannes Dornn | Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International

Les opérations militaires dans le cercle polaire sont peu connues, et pourtant elles représentent des petits moments d’histoire intéressants, et parfois injustement oubliés. Lors de la Seconde Guerre mondiale, l’archipel du Svalbard voit se dérouler sur son sol, ses eaux et son ciel un nombre non négligeable d’opérations et de combats.

Un combat moins conventionnel y était pratiqué : la « guérilla météorologique » selon les termes de l’Amiral Besnault, c’est-à-dire une course au contrôle des stations météorologiques afin d’avoir un temps d’avance stratégique sur ses ennemis.

Le Svalbard et l’Arctique, quel intérêt stratégique ?

Le Svalbard est un territoire sous souveraineté norvégienne, dont le statut est régi par le Traité de Paris de 1920, faisant de cet archipel un territoire démilitarisé dont l’exploitation n’est pas exclusive aux norvégiens.

Situé dans le cercle polaire, le Svalbard est de facto l’endroit idéal pour les stations météorologiques et satellitaire du fait de sa position septentrionale permettant une observation dégagée de l’espace. En somme, cette position permet notamment de connaitre de manière assez fiable et par avance la météo en Europe, ce qui est essentiel en contexte de guerre pour le bon déroulement des opérations militaires.

Stations météorologiques allemandes au Svalbard lors de la Seconde Guerre mondiale – Sémhur | Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International

Lorsque l’Allemagne envahit la Norvège en 1940, le Svalbard intègre conséquemment le Troisième Reich. Dès lors, l’archipel voit sur son sol, ses eaux et son ciel de nombreux combats se dérouler pour son contrôle. Plus encore que l’intérêt météorologique, le caractère stratégique passe également par sa position sur la trajectoire des convois Alliés de l’Atlantique Nord.

Ceux-ci s’effectuaient entre les États-Unis et l’URSS dans un souci de ravitaillement du front de l’Est. Contrôler le Svalbard, c’était donc influer sur la destination finale de ces convois, dont les sous-marins U-Boots s’occupaient déjà de réduire les effectifs en amont. Enfin, l’archipel servait à l’effort de guerre du fait de sa richesse en gisements de charbon.

Les prémices de l’opération Haudegen au Svalbard

Avant une arrivée plus importante des Allemands sur l’archipel dont on craignait notamment l’exploitation énergétique, l’opération Gauntlet fut lancée pendant l’été 1941 sous impulsion britannique et canadienne aux côtés des forces norvégiennes libres.

L’objectif était d’évacuer les ressortissants occidentaux ainsi que les travailleurs soviétiques, mais surtout de récupérer le plus de charbon possible, avant de détruire le reste. Les Soviétiques – fraîchement attaqués – pressèrent cette impulsion des Alliés afin de mettre la pression sur les Allemands et de fermer un débouché énergétique.

En arrivant sur l’archipel – et ne pouvant plus exploiter massivement le potentiel énergétique de l’île – les Allemands se concentrèrent sur l’exploitation météorologique. Une station météorologique fut installée fin 1941 afin d’aider à la navigation arctique, après une vague d’arrivée d’hommes et de matériel importante. Plusieurs fois les marines Alliées essayèrent de déloger les Allemands présents, sans succès, et parfois même avec de lourdes pertes.

L’opération Fritham en mai 1942 causa la mort d’une dizaine d’hommes et de deux bâtiments. La majorité des combats s’enchaînèrent dans le but de se réapproprier les mines de charbon et de détruire les stations météorologiques construites par chacun entre deux batailles et au gré des escarmouches mutuelles. En septembre 1943, l’opération Zitronella permet aux Allemands de détruire définitivement les dernières stations météorologiques alliées de l’archipel.

Stations météorologique allemande de l'opération Haudegen au Svalbard - Scruffysnake | Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International
Station météorologique allemande de l’opération Haudegen au Svalbard – Scruffysnake | Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International

La mémoire de l’opération Haudegen au Svalbard 

La dernière opération allemande au Svalbard est également la plus célèbre. Baptisée du nom de son commandant, Wilhelm Dege, l’opération Haudegen est lancée par la Kriegsmarine en septembre 1944 dans le but d’établir des bulletins météorologiques à destination des forces armées.

Il fallut à ces hommes près d’un an pour s’entraîner à cette mission secrète en milieu polaire, incluant la pratique de l’alpinisme et du ski, la vie quotidienne et les soins en totale autonomie, l’acclimatation aux nuits polaires et au froid etc., une mission qui pourrait être menée en France par la 27ème Brigade d’Infanterie de Montagne.

Après une année en parfaite autonomie à l’exception des ravitaillements incertains, l’opération se conclut en… septembre 1945, soit quatre mois après la fin de la guerre en Europe. En effet, bien qu’ayant reçu l’annonce de l’armistice allemande de mai, les onze membres de l’équipe stationnée dans la station dût attendre septembre pour être rapatrié sur le continent.

La fin de la guerre coupa court à la communication militaire, et les conditions météorologiques n’aidaient pas ces soldats à communiquer avec leurs supérieurs dont le dernier signe date d’avril 1945, après une tentative de rapatriement aérien jamais aboutie.

Les priorités de chacun en cette fin de guerre les laissèrent seuls sur cet archipel, continuant par conséquent de fournir des bulletins météorologiques, non plus au Reich, mais à l’Europe en paix. Un navire de pêche affrété par la marine norvégienne finit par accoster près de la station après avoir reçu un message provenant de l’unité allemande en août.

Cette dernière se rendit au capitaine norvégien, et ils furent fait prisonnier quelques mois avant de pouvoir retourner en Allemagne. Ces soldats furent les derniers Allemands de l’armée régulière à se rendre en Europe, le 4 septembre 1945. Au-delà de son caractère cocasse, cet événement permet de ne pas oublier les opérations arctiques, dont l’importance fut cruciale pour une bonne partie des opérations continentales bien plus retenues par l’Histoire.

C’est cette mémoire que les hommes de l’opération Haudegen cherchèrent à partager dès la fin de la guerre. W. Dege écrivit des ouvrages sur les opérations allemandes dans l’Arctique, y compris une mémoire de l’opération qu’il dirigea, publiée de manière posthume sous le nom de « War North of 80: The Last German Arctic Weather Station of World War II« .

Les autres membres de l’unité firent de même, et le plus jeune, Siegfried Czapka, âgé de 19 ans au moment du déploiement participa à plusieurs interviews, dont une accordée au magazine allemand Der Spiegel en 2010, où il déclara que « c’était une expérience inoubliable ; nous avions tout sauf de la bière ».

Quelques liens et sources utiles

Dege, Wilhelm, War North of 80: The Last German Arctic Weather Station of World War II, University Press of Colorado, 2004

L’histoire du Svalbard à retrouver sur Svalbard.fr.

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