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Histoire d’une théorie : la dérive des continents

La théorie de la dérive des continents est un bond en avant pour la géologie, elle a révolutionné notre compréhension de la Terre.
Photographie du géophysicien allemand Alfred Wegener (1880-1930) - Auteur inconnu | Domaine public
Photographie du géophysicien allemand Alfred Wegener (1880-1930) – Auteur inconnu | Domaine public

La théorie de la dérive des continents constitue une avancée majeure dans le domaine de la géologie et dans notre compréhension de la Terre et de son histoire. Cette théorie avance que les continents se déplacent très lentement à la surface de notre planète. Elle fut proposée pour la première fois à la fin du XVIe siècle, mais c’est réellement à partir du XXe siècle qu’elle est développée et popularisée.

Elle a posé de solides bases pour la théorie de la tectonique des plaques, qui aujourd’hui, est inaliénable des connaissances que nous avons de la structure et de la dynamique de la planète Terre.

Une pensée novatrice de l’histoire de la Terre

Approche de l’histoire de terrestre à l’Antiquité

Chez les civilisations antiques, on pouvait déjà distinguer deux visions de la planète Terre. Les Présocratiques étaient des uniformistes dans leur explication de l’histoire de la Terre et de la vie. Cette vision suppose que les changements survenus à la surface de la Terre sont uniformes, excepté lors des variations d’intensité (tempête, tsunami…) et que les forces à l’origine de ces changements sont toujours à l’œuvre aujourd’hui. On peut penser au phénomène d’érosion des côtes par exemple.

De l’autre côté, les Post socratiques étaient des catastrophistes. Ils pensaient que la formation de notre planète résultait d’une série de catastrophes, qui s’étaient déroulées sur une très courte durée, et que la Terre avait ainsi acquis la physionomie qu’on lui connaît aujourd’hui.

Ainsi, depuis Aristote et jusqu’au XIXe siècle, la théorie catastrophiste est celle qui reste la plus ancrée dans les esprits.

Contexte scientifique du XXe siècle et explication de la théorie

Le début du XXe siècle est une période révolutionnaire pour les sciences, avec notamment les travaux de Pierre et Marie Curie sur la radioactivité, de Bohr, Einstein et Heisenberg en mécanique quantique et en géologie, avec le principe de dérive continentale d’Alfred Wegener.

En 1915, le géophysicien allemand publie sa théorie L’origine des continents et des océans. Il énonce ceci : « si des mouvements verticaux sont possibles pour les continents, pourquoi des déplacements horizontaux ne le seraient-ils pas ?« .

À l’époque, la théorie de Wegener a été très critiqué et remettait en cause la « théorie de la pomme cuite » d’Elie de Beaumont, qui était à la mode au début du XXe siècle. Celle-ci mettait en avant que la Terre a d’abord connu une phase de fusion, puis de solidification et de contraction. Ce processus serait à l’origine d’un flétrissement de l’écorce terrestre, telle une pomme cuite. Ces « plis » ou rides de surfaces donnent lieu aux chaînes de montagne et aux bassins océaniques.

Afin d’étayer sa théorie, Alfred Wegener a mis en avant trois grands arguments. Tout d’abord, il fait remarquer que la forme des continents ne relèvent pas du hasard mais semble s’emboîter les unes avec les autres. Par exemple, la pointe est de l’Amérique du Sud, au niveau de la ville brésilienne de Natal paraît s’assembler comme un puzzle avec l’Afrique, entre le Cameroun et la Guinée équatoriale.

Reconstitution moderne d'éléments fossiles communs à plusieurs continents - United States Geological Survey | CC BY SA 4.0
Reconstitution moderne d’éléments fossiles communs à plusieurs continents – United States Geological Survey | CC BY SA 4.0

La figure ci-dessus illustre bien l’argument morphologique et géologique d’Alfred Wegener, en montrant un emboîtement des continents assez convaincant, mais elle introduit également une seconde preuve de la dérive des continents.

Le géophysicien allemand montre que des espèces communes de reptiles et de plantes terrestres, se retrouvent sur plusieurs continents. Cet argument est qualifié de paléologique, soit lié à la science des fossiles, et de paléobiogéographique, c’est-à-dire, lié aux anciennes formes de vie présentes sur Terre.

Cependant, qu’est-ce qui ne disait pas que des ponts terrestres existaient entre les continents et auraient permis à des êtres vivants similaires de vivre sur des continents distants ? Wegener avança un troisième grand argument pour réfuter cette hypothèse.

Les géologues savaient qu’au cours du Permien, soit la période géologique qui s’étend de -299 millions d’années à -251 millions d’années, il y eut un âge glaciaire particulièrement rude. On en retrouve les traces encore aujourd’hui le long de la côte sud de l’Argentine, en Afrique australe, au niveau du sous-continent indien, et enfin, sur quasiment toute la partie sud de l’Australie.

En ce sens, les ponts terrestres n’expliquaient pas ces traces communes de glaciation et fit dire à Alfred Wegener que sans les déplacements continentaux, l’âge glaciaire permien était « un problème insoluble« .

On sait aujourd’hui qu’il y a 250 millions d’années, existait la Pangée, un supercontinent qui regroupait l’ensemble des continents que l’on connaît aujourd’hui. Elle était agglomérée près du pôle sud, ce qui explique la localisation des traces glaciaires du Permien.

Vers la tectonique des plaques

Améliorations des connaissances terrestres à partir des années 20

Malgré les preuves avancées par Alfred Wegener, sa théorie fut rejetée par la communauté scientifique. La raison la plus forte de cette décision était l’absence d’explication solide quant au moteur du déplacement des continents. Il faut attendre un demi-siècle pour que cette énigme géologique soit résolue.

Wegener meurt en 1930, et jusqu’en 1950, on continue d’enseigner la théorie de la « pomme cuite » en géologie. Cependant, depuis les années 1920, de nouvelles connaissances émergent. Grâce au développement de la sismologie, la compréhension de la structure interne du globe terrestre s’améliore.

Également, des progrès sont fait en géochimie et en océanographie avec l’exploration des fonds océaniques. Toutefois, deux découvertes sont déterminantes dans l’élaboration de la théorie de la tectonique des plaques. Elles concernent le magnétisme des roches et le champ magnétique terrestre.

On observe d’abord que les roches possèdent une mémoire magnétique. Celles-ci enregistrent les caractéristiques spatiales du champ magnétique terrestre existant au moment de leur formation. Or, depuis les années 1950, nous sommes capables de déterminer l’âge des roches.

En effet, en 1953 le géochimiste Clair Patterson a montré que l’on pouvait dater l’âge d’une roche à partir de la quantité d’éléments radioactifs qu’elle possède. De là, nous sommes en capacité de savoir si la direction du champ magnétique terrestre a évolué au cours des temps géologiques.

Le géophysicien français Bernard Brunhes a ainsi fait la découverte que la direction du champ magnétique terrestre s’est totalement inversée au cours du temps. Les enregistrements géologiques, tels que ceux trouvés dans les roches volcaniques, ont révélé des périodes au cours desquelles le champ magnétique a été orienté dans la direction opposée à celle observée aujourd’hui.

Qu’est ce qui fait bouger les continents ?

D’un autre côté, des travaux de cartographie des fonds marins révèlent des anomalies magnétiques. On constate qu’une même polarité (normale ou inversée) se retrouve parallèlement et symétriquement aux dorsales océaniques, soient à des zones de reliefs sous-marins élevées.

L’explication a ce phénomène est le renouvellement des fonds marins océanique, aussi appelé le « tapis roulant » océanique, que l’on doit au géologue américain Harry Hess. Au niveau des dorsales océaniques, le magma remonte du manteau terrestre – pour une raison toujours inconnue aujourd’hui – vers la surface.

Ce magma se solidifie et forme de nouvelles plaques océaniques, sur une très longue période de temps. Les nouvelles plaques s’écartent alors de la dorsale et flottent en quelque sorte sur le manteau, devenu mobile par la chaleur interne en provenance du noyau terrestre.

Âge du plancher océanique à la surface de la Terre - Ocien was big | Domaine public
Âge du plancher océanique à la surface de la Terre – Ocien was big | Domaine public

La carte ci-dessus met bien en évidence la localisation des dorsales océaniques (en rouge vif), et par conséquent montre les limites des différentes plaques tectoniques qui restent, certes, approximatives ici.

Sept plaques représentent 95 % de la surface de la Terre, les autres sont plus difficiles à comptabiliser et ne font pas consensus. Le géodynamicien français Xavier le Pichon est le premier à proposer un modèle cinématique global de ce processus en 1968.

Les principales explications fournies par la tectonique des plaques sont la formation et la disparition d’océans, la création des chaînes de montagnes – appelée scientifiquement, l’orogénèse – les mécanismes et localisation des séismes et des volcans, les activités sismiques à proximité des dorsales – on peut penser au célèbre exemple de la faille de San Andreas, en Californie – et le cycle de formation et de destruction des plaques.

Conclusion

L’histoire de la théorie de la dérive des continents illustre la façon dont la science progresse, de la controverse initiale à l’acceptation générale.

Cette théorie a posé les fondements de la tectonique des plaques, qui a transformé notre vision de la Terre en tant que planète dynamique en constante évolution, ouvrant la voie à de nouvelles découvertes et à une compréhension plus approfondie des processus qui façonnent notre planète.

Enfin, le contexte de ce bond en avant pour la géologie fondamentale montre que de telles découvertes se font progressivement et grâce aux travaux de différents chercheurs. La théorie de la tectonique des plaques est ainsi le fruit d’un collectif, néanmoins, non dénuée de rivalités et de concurrences.

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Quelques liens et sources utiles

Segala, M. (2012). Alfred Wegener et la dérive des continents. BibNum. https://doi.org/10.4000/bibnum.500

Lelong, B. (2003). La tectonique des plaques. Bulletin Mensuel De La Societe Linneenne De Lyon72(4), 126‑127. https://doi.org/10.3406/linly.2003.13454

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