L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

Les Casques bleus : Quel bilan après 75 ans d’existence ?

Les soldats de la paix font face à de nombreux obstacles depuis leur création et se heurte notamment aux intérêts personnels des Etats.
Des Casques Bleus lors de l'embarquement pour une opération de la force de la MONUSCO dans l'Ituri - MONUSCO Photos | Creative Commons BY-SA 2.0
Des Casques Bleus lors de l’embarquement pour une opération de la force de la MONUSCO dans l’Ituri – MONUSCO Photos | Creative Commons BY-SA 2.0

Ce lundi 29 mai dernier a été célébré la journée internationale des Casques Bleus. Elle vise à honorer la mémoire de ces militaires ayant perdu la vie au nom de l’idéal de la paix et à ceux qui continuent de porter cet idéal dans les rangs de la force de maintien de la paix de l’ONU.

C’est en décembre 2002 que l’Assemblée générale de l’ONU a décidé de rendre hommage aux soldats de l’ONU chaque année à cette date précise. Il faut dire que cette force militaire est assez unique en son genre et que sa mission est colossale : imposer, rétablir, maintenir et consolider la paix.

Cette année est particulière puisqu’elle marque les 75 ans d’existence de la force de maintien de la paix. Pour marquer cet événement, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a déposé une gerbe en l’honneur des Casques Bleus ayant perdu la vie au cours des 75 dernières années, au siège de l’ONU, à New York. On parle aujourd’hui de plus de 3500 soldats décédés selon l’ONU, portant les valeurs de paix et de stabilité à travers le monde.

Le travail des soldats de l’ONU ne s’est pas simplifié ces dernières années. La complexification des conflits, avec un grand nombre d’acteurs impliqués et de plus en plus d’acteurs non étatiques, la désinformation en temps de guerre ou encore les restrictions dues à la pandémie du Covid-19 depuis 2020 sont autant de nouveaux défis auxquels doivent faire face les Casques Bleus.

Après six mois de mission, des Casques Bleus marocains doivent rester en Ituri à cause des restrictions dues au Covid-19. Des rotations spéciales sont organisés pour leur rapatriement à Agadir - MONUSCO Photos | Creative Commons BY-SA 2.0
Après six mois de mission, des Casques Bleus marocains doivent rester en Ituri à cause des restrictions dues au Covid-19. Des rotations spéciales sont organisés pour leur rapatriement à Agadir – MONUSCO Photos | Creative Commons BY-SA 2.0

La naissance et le bilan compliqué des soldats de la paix au cours du XXe siècle

La force de maintien de la paix a été créée en 1948 en tant qu’observateur militaire de la situation au Moyen-Orient, et particulièrement de l’Accord d’armistice entre Israël et les pays frontaliers. L’intervention des Casques Bleus lors de la crise du Canal de Suez en 1956 marque leur première opération armée. En mars 1978, l’armée israélienne envahit le Sud-Liban dans le cadre de l’opération Litani, le pays étant en guerre contre l’OLP, l’Organisation de Libération de la Palestine. Quelques jours plus tard, l’ONU intervient en s’implantant dans la ville de Tyr et arrête les forces israéliennes. Le déploiement d’une force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) est mis en place.

Cependant, l’intervention onusienne n’a pas réglé la situation et cinq ans plus tard, trois cents soldats meurent au cours de deux attentats à Beyrouth. Les Casques Bleus y sont impuissants. Jusqu’à la fin du XXe siècle, la force de maintien de la paix de l’ONU subit de nombreux échecs et son rôle questionne encore aujourd’hui, comme en témoigne notamment la diminution du budget alloué aux Casques Bleus en 2017 à la demande des Etats-Unis.

En 1995, en Bosnie-Herzégovine, le président de la république de Serbie, Slobodan Milošević, et les forces armées serbes conduisent une opération de nettoyage ethnique du peuple bosniaque. Les Casques Bleus sont déployés mais, pris pour cible, ils ne ripostent pas afin de rester « impartial », conformément au mandat de la mission. Ce n’est qu’avec l’arrivée de l’OTAN que les massacres prennent fin via l’opération Deliberate Force. Le bilan est atroce avec environ 100 000 décès au cours des trois ans de la guerre de Bosnie-Herzégovine, dont la moitié sont des victimes civils.

Un an auparavant, le génocide rwandais avait fait près de 800 000 victimes et l’intervention des Casques Bleus s’est heurtée à la décision du Conseil de Sécurité de l’ONU qui a souhaité éviter d’intervenir dans l’un des plus grands génocide du siècle. Puisque, en effet, l’action des soldats de la paix reste soumise à la volonté politique des seize pays qui siègent à l’organe exécutif, dont les plus influents sont les membres permanents du Conseil, soit les États-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France. Ainsi, durant la guerre froide, l’ONU n’a pu intervenir dans aucun conflit touchant aux intérêts des superpuissances américaine ou soviétique, paralysée par leur droit de véto.

La renaissance des Casques Bleus post-guerre froide

La fin de la guerre froide marque une augmentation significative des opérations de maintien de la paix, le Conseil de Sécurité étant libéré de 40 ans de recours fréquent au véto des membres permanents. Entre 1987 et 1994, le nombre d’opérations en cours passe de 5 à 17 et le budget accordé à celles-ci est de 230 millions de dollars en 1987 contre 3,6 milliards en 1994.

En cette fin du XXe siècle, les nouveaux conflits sont majoritairement intra-étatiques. Il s’agit alors pour la force de maintien de la paix d’intervenir dans plusieurs domaines : cela peut aller d’opérations de déminage jusqu’à la prise en charge temporaire de l’administration d’un pays tout entier. Cet élargissement des missions de l’ONU conduit inévitablement à une hausse et une diversification du personnel au sein de l’organisation. Par exemple, des spécialistes des droits de l’homme ou encore des administrateurs de processus électoraux rejoignent la force de maintien de la paix. Ainsi, entre 1987 et 2017, l’effectif moyen de personnels par opération passe de 2224 à 7401.

L’intervention de l’ONU au Cambodge en 1993 est l’un des premiers succès post-guerre froide de la force de maintien de la paix. L’APRONUC, Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge, consistait à faire respecter les engagements pris dans les accords de paix de Paris signés en octobre 1991 pour mettre fin à la guerre civile entre l’État cambodgien et une coalition de mouvements politiques nationalistes. En moins de deux ans d’intervention, les factions rivales sont désarmées, les réfugiés de la guerre civile sont rapatriés et des élections libres avec un réel multipartisme sont mises en place dans le pays.

En matière de protection des civils, de nouvelles résolutions ont été prises par le Conseil de Sécurité au début des années 2000 pour ne plus jamais voir un soldat de la paix démuni face à des violences faites aux populations. Il a ainsi été décidé d’autoriser les Casques Bleus à utiliser leurs armes dans le cas d’une protection de civils sous menace immédiate de violence. Également, des armements plus lourds tels que des blindés ou des hélicoptères sont utilisés pour des opérations offensives locales contre des groupes armés.

Blindés de l'armée ghanéenne réservés aux opérations de maintien de la paix - Gouvernement ghanéen | Domaine public
Blindés de l’armée ghanéenne réservés aux opérations de maintien de la paix – Gouvernement ghanéen | Domaine public

Conclusion

Depuis la création de la force de maintien de la paix, plus de 70 opérations ont été menées à travers le monde. L’ONU s’est toujours heurtée aux intérêts des grandes puissances. Encore à l’heure d’aujourd’hui, le déploiement des Casques Bleus en Ukraine fait sens mais ils ne peuvent intervenir qu’une fois le conflit terminé puisque leur rôle est le maintien de la paix.

Quoi qu’il en soit, le 25 février 2022, la Russie a mis son véto à une résolution du Conseil de Sécurité qui exigeait le retrait des troupes russes du territoire ukrainien. On peut supposer que le pays est prêt à s’opposer de la même façon pour une intervention des Casques Bleus à la fin de la guerre. Ainsi, il est souhaitable que l’efficacité et que la considération de la force de maintien de la paix se renforce auprès des États à l’avenir, afin d’assurer la sécurité internationale dans les meilleures conditions possibles.

Quelques sources et liens utiles

Liégeois Michel, « Quel avenir pour les Casques bleus et le maintien de la paix ? », Politique étrangère, 2013/3 (Automne), p. 65-78. DOI : 10.3917/pe.133.0065. URL : https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2013-3-page-65.htm

Droits de l’Homme et humanitaire (1968-1979)  – Faiseurs de paix. (s. d.). Faiseurs de paix. https://sites.ina.fr/nobel-de-la-paix/focus/chapitre/4

Articles similaires

Cartes interactives

Voyagez dans l'histoire grâce à des cartes interactives à la sauce Revue Histoire ! Découvrez les sur notre page dédiée.

Coup de cœur de la rédac'

Le livre essentiel pour maîtriser toute la période contemporaine !

En somme un outil de révision idéal, il est composé de cartes, schémas, tableaux statistiques, documents sources et plans de dissertations pour préparer et réussir les concours.

Articles populaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *