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Ces femmes à l’ombre de la NASA

Qui sont Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson, ces femmes dans l'ombre des plus importantes missions spatiales de la NASA ?
Katherine Johnson, assististant à la première de "Hidden Figures" après une réception où elle a été honorée, le 1er décembre 2016, au Virginia Air and Space Center à Hampton, en Virginie | Domaine public.
Katherine Johnson, assististant à la première de « Hidden Figures » après une réception où elle a été honorée, le 1er décembre 2016, au Virginia Air and Space Center à Hampton, en Virginie | Domaine public.

De la conquête spatiale, l’histoire retient les noms des plus grands astronautes : Neil Armstrong, Buzz Aldrin, Youri Gagarine… Ces figures historiques cachent néanmoins des armées de scientifiques, de mathématiciens et d’ingénieurs sans qui le premier pas sur la lune serait probablement resté à l’état de fantasme.

Aujourd’hui, nous avons choisi de vous raconter l’incroyable histoire de trois de ces figures de l’ombre de la NASA : Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson.

L’histoire de trois mathématiciennes noires dans une Amérique puritaine

En 1962, aux États-Unis, les lois Jim Crow, sont toujours en vigueur, limitant ainsi tous les aspects de la vie sociale, professionnelle, économique et politique des Afro-Américains. Plus précisément ce sont un ensemble de lois en place dans certains États pour entraver les libertés et droits constitutionnels des Afro-Américains (en vigueur de 1877 à 1964).

La ségrégation raciale se propage dans les services publics et les lieux de rassemblement. Sous le principe « Separate but equal » (séparés, mais égaux), les Afro-Américains ne peuvent pas accéder aux mêmes toilettes que les Blancs, par exemple. Toutes les interactions sociales entre Afro-Américains et Blancs sont limitées, et strictement encadrées.

C’est dans ce contexte particulièrement raciste qu’interviennent nos trois protagonistes. Toutes trois Afro-Américaines, Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson font partie d’un groupe de calculatrices humaines travaillant au campus du Centre de recherche Langley, l’un des plus anciens centres de recherche de la NASA.

Ordinateurs humains de la NASA (Mary Jackson est à droite), 1950 | Domaine public.
Ordinateurs humains de la NASA (Mary Jackson est à droite), 1950 | Domaine public.

La Guerre froide bat son plein et la NASA est en retard dans la conquête de l’espace. Les Russes ont envoyé le premier satellite artificiel de la Terre, Spoutnik 1, en 1957, ainsi que leur premier astronaute dans l’espace, Youri Gagarine, en 1961.

Le directeur du Space Task Group (le groupe de travail et de recherche sur l’espace de la NASA) de l’époque, Al Harrison, attend de ses effectifs qu’ils redoublent d’efforts pour surpasser et écraser les chances des Soviétiques dans l’espace.

Trouver sa place à la NASA en tant que femme noire

L’intelligence exceptionnelle de Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson ne suffit pas, dans un premier temps, à briser les barrières de la ségrégation et du sexisme au sein de la NASA.

Katherine Johnson est la première femme Afro-Américaine à rejoindre le Space Task Group après avoir été convoquée par Al Harrison. Malgré son talent exceptionnel, elle n’a pas le même niveau d’autorisation que ses collègues blancs, ce qui la contraint à travailler avec des données partiellement masquées.

Dorothy Vaughan, quant à elle, dirigeait le groupe de calculatrices humaines, mais ses demandes répétées de reconnaissance officielle de sa fonction ont été systématiquement rejetées par sa hiérarchie. Les prouesses intellectuelles de ces femmes sont presque constamment méprisées par leurs supérieurs hiérarchiques, qui signent les rapports à leur place, par exemple.

Cependant, leur lutte n’est pas vaine. Au fil de leurs succès, Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson commencent à se faire une place auprès de leurs collègues. Par exemple, lorsque les calculatrices humaines sont remplacées par des ordinateurs IBM 7090, aucun des techniciens IBM ne sait les faire fonctionner. C’est Dorothy Vaughan qui, en s’intéressant au langage de programmation, parvient à faire fonctionner l’ordinateur. Ce succès lui donne le droit de programmer et de former d’autres femmes.

Mary Jackson, en train de travailler au centre de la NASA de Langley, 1977 | Domaine public.
Mary Jackson, en train de travailler au centre de la NASA de Langley, 1977 | Domaine public.

Reconnaissance de ces femmes par le travail !

Le travail acharné de nos trois protagonistes finit par être reconnu par leurs collègues de la NASA. Par exemple, Katherine Johnson commence à assister aux réunions de planification des lancements de fusées, ce qui lui permet de participer au lancement de Friendship 7, une mission spatiale au cours de laquelle l’astronaute John Glenn doit effectuer un vol orbital.

Pour l’anecdote, juste avant le lancement, des divergences sont observées dans les calculs, et c’est à Katherine Johnson que John Glenn demande de revoir les calculs pour valider ou invalider la mission.

Plus tard, elle participe à la mission Apollo. En 2015, elle reçoit la médaille de la Liberté des mains de Barack Obama. Mary Jackson parvient finalement à obtenir un diplôme d’ingénieur, qui lui était refusé en raison de sa couleur de peau.

La reconnaissance du travail acharné de ces femmes par l’opinion publique mettra du temps à arriver. Elles restent dans l’ombre des plus grands de la NASA, bien qu’elles en fassent partie intégrante. C’est le réalisateur Théodore Melfi qui leur rend un vibrant hommage à travers le film « Hidden Figures » (Les Figures de l’ombre), sorti en 2017.

Le film a permis de mettre en lumière le travail acharné de ces femmes. Enfin, l’opinion publique a pris conscience de leur contribution essentielle à la conquête spatiale. Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson ont été saluées comme des héroïnes, des pionnières qui ont repoussé les limites imposées par la ségrégation raciale et le sexisme.

Leur histoire nous rappelle que derrière chaque grand exploit se cache souvent une multitude de personnes talentueuses et dévouées. Ces scientifiques, mathématiciens et ingénieurs qui travaillent dans l’ombre sont les véritables piliers de la réussite. Ils méritent d’être reconnus et célébrés pour leur contribution exceptionnelle.

La NASA a depuis lors pris des mesures pour promouvoir la diversité et l’égalité au sein de ses équipes. Des programmes ont été mis en place pour encourager les jeunes filles et les minorités à poursuivre des carrières scientifiques et techniques. Pour en savoir plus, lisez notre article sur l’histoire des femmes dans l’espace !

Quelques liens et sources utiles

Margot Lee Shetterly, Hidden Figures, Harper Collins, 2016.

Theodore Melfi, Hidden Figures, 2017.

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