La Triple Alliance – aussi appelée la Grande Alliance – était composée de l’empire brésilien mené par Pedro II, de l’Argentine de Bartolomé Mitre et de l’Uruguay de Venancio Flores. Elle s’est constituée en cinq ans, après de formidables efforts et d’importants prêts britanniques pour vaincre une seule nation, le Paraguay, un pays paysan qui voulait se moderniser sans perdre son autonomie.
Il est sans doute utile de contextualiser la réalité du Paraguay. Déjà attaqué en vue de mettre fin à ce que la Triple Alliance appelait la tyrannie du président Francisco Solano López, on estime que le Paraguay a perdu entre 70 et 90 % de ses hommes sur cette période.
La guerre de la Triple Alliance, qui s’est déroulée entre 1865 et 1870, est la guerre qui a fait le plus grand nombre de victimes dans l’histoire de l’Amérique latine. Elle est considérée par de nombreux historiens comme étant le génocide du Paraguay, en raison de ses conséquences économiques et démographiques, de la perte de 25 % de ses terres, et de l’importante indemnité payée à la Grande Alliance.
Le rôle de la femme paraguayenne dans la guerre la plus sanglante d’Amérique latine
Lors des précédents conflits contre les envahisseurs, les femmes paraguayennes ont toujours agi et été présentes, que ce soit en tant qu’infirmières, lavandières ou cuisinières. Cela contrairement à d’autres pays où tous ces rôles, dans le contexte de la guerre, étaient assumés par les combattants masculins eux-mêmes.
Les femmes entrent dans la guerre
Il est arrivé un moment en 1867 où les femmes de la société, des classes moyennes et supérieures, ont voulu sortir et briser le schéma de la femme domestique. Celui de la femme exclusivement chargée de prendre soin de ses parents âgés, de sa fratrie, de ses enfants et de son conjoint.
Elles ont donc convoqué les premières réunions et assemblées de femmes pour discuter et réfléchir des prochaines actions, ainsi qu’à la manière dont elles pourraient contribuer à la défense du pays pendant la guerre.
Ces réunions n’étaient pas seulement composées de femmes de haut statut, mais aussi de femmes issues des milieux ruraux et des classes inférieures de la société de l’époque.
Ces réunions sont bien loin du romantisme ou d’une rencontre dans un contexte religieux, où elles auraient pu se réunir pour prier pour leurs familles, pour le pays – compte tenu de l’importance de la religion catholique dans la culture paraguayenne. Les femmes ont déclaré qu’elles avaient perdu leurs maris et leurs enfants, et elles ont demandé la permission de faire don de leurs biens pour porter les couleurs nationales, d’offrir leurs bras pour travailler, si nécessaire, de donner leur vie et d’espérer que Dieu leur donne la foudre pour anéantir et mettre fin à l’alliance qui menace le pays.
Le symbolisme des bijoux dans ce soutien féminin
Le fait de donner des bijoux pour financer la grande guerre du point de vue de la femme paraguayenne est un acte extrêmement significatif. Pour certains, il peut être considéré comme superflu ou décoratif, cependant il convient de mentionner le contexte de l’époque. La femme, bien que faisant partie de la culture du travail, ne pouvait culturellement pas posséder de biens ; tous les biens étaient au nom de son mari, de son père, etc. Par conséquent, le fruit de leur travail et de leurs efforts quotidiens était consacré aux bijoux, leurs seuls biens propres et de valeur.
Tout un symbole en Amérique du Sud
Pour conclure cet article à propos du rôle des femmes dans le financement de la guerre de la triple alliance, je tiens à souligner qu’en cédant leurs bijoux, leurs uniques possessions, elles ont posé un acte politique. Un acte politique pour briser la structure culturelle, et affirmer leur conviction que pour elles, la patrie passait avant tout.
C’est pourquoi le Paraguay célèbre la journée de la femme paraguayenne le 24 février, pour commémorer la première assemblée de femmes sur le continent américain (24-28 février 1867, Asunción, Paraguay).
Quelques liens et sources utiles
Un webinaire a exploré le rôle des femmes paraguayennes à travers l’histoire du pays – Université nationale d’Asunción (UNA).
Las mujeres y la Guerra contra la triple alianza – ABC Diario Digital.
Quintana Villasboa Noelia. (2018). La mujer paraguaya durante la guerra de la triple alianza.
Élisée Reclus, La guerre du Paraguay: un conflit géopolitique raconté par le célèbre géographe Élisée Reclus (1830-1905), Books on Demand, 2021