L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

Lémurie, Mu, Zealandia : les continents engloutis !

Lémurie, Mu, ou encore Zealandia sont des continents imaginaires ou bien nouvellement découverts, qui offrent une nouvelle vision de la Terre
31 octobre : Avant la Bataille des Dunes - Reinier Nooms | Domaine public
31 octobre : Avant la Bataille des Dunes – Reinier Nooms | Domaine public

La force de l’Homme repose sur son imagination et sa grande capacité à créer des histoires grandioses. Dans l’histoire, de nombreuses légendes et mythologies font venir l’Homme ou une civilisation d’un territoire obscur et méconnu de tous. La plus célèbre de ces histoires est celle de Platon avec le récit de l’Atlantide. Initialement purement fictive, l’Atlantide a suscité l’intérêt à plusieurs moments clés de l’histoire humaine, poussant les gens à y croire et à chercher l’Atlantide.

L’Atlantide est la plus connue, mais elle n’est pas la seule. D’autres légendes s’inscrivent dans différents espaces géographiques, d’autres civilisations, et en dehors des cosmologies européennes bien connues. C’est notamment le cas du continent de Lémurie ou de Mu. Quant au continent de Zealandia, appelé Te Riu-a-Māui en langue maori, sa découverte est le fruit de nos avancées technologiques et de notre compréhension de plus en plus poussée de la tectonique des plaques, et il a été révélé dans les années 1990.

Carte fantaisiste de l'Atlantide (1678) d’Athanasius Kircher, Mundus Subterraneus (le nord est en bas) - Athanasius Kircher | Domaine public
Carte fantaisiste de l’Atlantide (1678) d’Athanasius Kircher, Mundus Subterraneus (le nord est en bas) – Athanasius Kircher | Domaine public

Chacune de ces histoires repose donc sur des éléments différents, mais elles sont toutes représentatives du fonctionnement de l’homme et de son évolution.

Le continent de Lémurie dans l’Océan Indien

La distribution des mammifères sur la Terre n’a pas toujours été facile à expliquer. Au XIXe siècle, Philip Lutley Sclater, un zoologiste, a émis l’hypothèse d’un continent aujourd’hui disparu au centre de l’Océan Indien, notamment pour expliquer la présence des lémuriens. Ce continent, nommé Lémurie d’après les animaux étudiés, aurait été autrefois un « pont » entre l’Asie, l’Afrique et l’Océanie, favorisant la dispersion de nombreuses espèces animales.

À cette époque, la théorie de la dérive des continents n’était pas encore connue, et certains spécialistes ont contesté l’hypothèse de Philip Lutley Sclater. C’est le cas notamment d’Alfred Russel Wallace, naturaliste et géographe, qui considérait qu’il était improbable qu’un tel continent englouti se trouve dans l’Océan Indien. Il préférait l’idée que l’Australie et les Indes aient été plus proches à un moment de l’histoire, expliquant ainsi la parenté entre certaines espèces animales.

Cependant, des partisans de l’hypothèse du continent de Lémurie ont émergé à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Parmi eux, le naturaliste allemand Ernst Haeckel a popularisé la notion en mettant en avant la présence de lémuriens à Madagascar et en Malaisie. En France, Jules Hermann a repris cette idée dans son ouvrage posthume intitulé Les Révélations du Grand Océan, publié en 1927.

V) L’Europe. (…) La Doctrine Secrète assigne une durée de quatre à cinq millions d’années à la période qui s’est écoulée entre les débuts de l’évolution finale de la Quatrième Race-Mère, sur les continents Lémuro-Atlantéens, une durée d’un million d’années à la Cinquième Race ou Race Aryenne, jusqu’à nos jours, et une durée d’environ 850.000 ans depuis la submersion de la dernière vaste péninsule de la grande Atlantide.

Helena P. Blavatsky, La Doctrine secrète (1888)

Les ouvrages faisant référence à ce continent sont donc très nombreux. Il s’agit notamment d’Isis dévoilée d’Helena Blavatsky, du Bouddhisme ésotérique d’Alfred Percy Sinnett, de la Chronique de l’Akasha de Rudolf Steiner, ou encore de La Lémurie perdue de William Scott-Elliot. Cependant, il est important de noter que ces livres ne doivent pas être pris comme des vérités absolues, ni même comme des ouvrages scientifiques. À cette même période, au début du XXe siècle, le continent de Lémurie a été rapproché et associé à celui de Kumari Kandam.

Extraits de l'Histoire de la création des êtres organisés d'après les lois naturelles en 1877 - Ernst Haeckel (Gallica) | Domaine public
Extraits de l’Histoire de la création des êtres organisés d’après les lois naturelles en 1877 – Ernst Haeckel (Gallica) | Domaine public

Lémurie et Kumari Kandam

Kumari Kandam est un continent légendaire de la tradition tamoule, englouti au sud du cap Comorin, à l’extrémité sud de l’Inde. Cette histoire est racontée dans plusieurs épopées, notamment celle de Silappatikaram, qui décrit la cité engloutie de Puhar.

Le continent fut victime du kadatkol, un déluge, comme l’océan dévorant la terre. Le Tamil Nadu de l’Inde, le Sri Lanka, l’Australie et Madagascar seraient les parties émergées de ce continent disparu.

Des preuves archéologiques ?

L’archéologie présente bien des cités englouties, mais sur le littoral de l’Inde, dans un espace qui était il y a quelques milliers d’années au-dessus des eaux. En effet, l’hypothèse d’un continent dans l’Océan Indien ne correspond à aucune réalité géologique, et toutes les hypothèses ont été infirmées par la science.

L’archéologie permet simplement d’ouvrir notre esprit à l’histoire ancienne de l’Inde, notamment les premiers peuplements. En ce sens, dans l’ancien estuaire du fleuve Sarasvati, une cité vieille de quasiment 5000 ans a été retrouvée sous l’eau, mais cette découverte ne peut pas servir de preuve pour l’existence d’un potentiel continent dans l’Océan Indien.

Le continent de Mu dans l’Océan Pacifique

Chaque océan a le droit à son mystère, qu’il s’agisse de l’île de Frisland en Atlantique, de l’île de Californie dans le Pacifique, ou, comme nous venons de le voir, du continent de Lémurie dans l’Océan Indien. Ces erreurs sont parfois de simples légendes et d’autres fois des erreurs humaines.

Dans le Pacifique, un autre continent englouti est entouré de mystère : le continent de Mu. Il a fait son apparition dans l’esprit d’Augustus le Plongeon, un antiquaire et archéologue américain au cours du XIXe siècle. Pour prouver l’existence de ce continent de Mu, Augustus Le Plongeon fait référence à une traduction du Codex Tro-Cortesianus réalisée par Charles Étienne Brasseur. Il est important de noter que ces traductions sont aujourd’hui considérées comme fausses, car la langue maya n’a été décryptée que plus d’un siècle plus tard.

Carte du continent Mu - James Churchward | Domaine public
Carte du continent de Mu – James Churchward | Domaine public

Le continent de Mu aurait été le berceau d’une civilisation puissante, qui aurait contribué à propager la technologie et l’innovation dans le monde entier. On dit que cette civilisation a joué un rôle dans la construction de grandes pyramides à travers la planète. Toutefois, à l’instar de l’Atlantide, cette civilisation aurait été détruite il y a environ 12 000 ans. Cette histoire présente des similitudes avec de nombreuses théories qui gagnent en popularité de nos jours, notamment celle des anciens astronautes. Il est important de noter que ces idées étaient déjà en vogue au XIXe et au XXe siècle, sous différentes formes.

La naissance du mythe de Mu par James Churchward 

L’existence du continent de Mu a connu une popularité considérable lors de la publication de Continent perdu de Mu en 1926 par James Churchward. Cette période était particulièrement prolifique pour de telles théories. L’année suivante, l’ouvrage précédemment mentionné de Jules Hermann sur le continent de Lémurie a également été publié.

Dans son livre, Churchward affirme que des inscriptions découvertes en Inde et au Mexique, écrites dans le dialecte sacré de Mu qu’un sage asiatique lui aurait enseigné, attestent que ce continent était le berceau de toutes les civilisations, bien avant l’émergence de l’Atlantide.

Après avoir quitté l’Inde, Churchward prétend avoir poursuivi ses recherches à la recherche d’autres preuves tangibles de l’existence de Mu, explorant des régions telles que le Tibet, l’Égypte, la Nouvelle-Zélande et l’île de Pâques. Il affirme avoir découvert de nombreux écrits gravés dans ce dialecte sacré de Mu.

Quelles sources pour attester cette théorie ?

Pour soutenir l’idée d’un continent englouti, James Churchward et plus tard Louis-Claude Vincent se sont appuyés sur le riche patrimoine archéologique des îles du Pacifique. Ils citent notamment les imposantes statues de l’île de Pâques et les vestiges de l’île de Pohnpei, argumentant que, lors de leur découverte, les habitants de ces îles ne possédaient ni les moyens techniques ni les connaissances nécessaires pour construire de tels édifices.

De plus, nombre de ces communautés évoquent une vaste terre qui aurait été engloutie suite à une grande catastrophe. Ils parlent d’une civilisation avancée qui y aurait résidé, mais dont le souvenir des monuments s’est estompé avec le temps.

Ce continent perdu aurait été situé autrefois dans une grande partie des océans Pacifique et Indien et aurait été anéanti par des séismes et des éruptions volcaniques. L’Australie, l’Océanie et l’Île de Pâques en seraient les seuls restes. Selon la mythologie aztèque, une civilisation importante aurait également habité un tel continent. Ce continent de Mu est souvent décrit comme le premier foyer de l’humanité.

Néanmoins, aucune trace archéologique ni aucune vérité géologique ne permet de confirmer l’existence réelle de ce continent. Il reste donc au stade du mythe.

Le continent de Zealandia

Ce continent englouti diffère des deux précédents : celui-ci n’est ni une légende ni un mythe, mais bien une réalité géologique.

Il y a 90 millions d’années, l’évolution géologique a façonné l’histoire de ce continent. À cette époque, le Gondwana dominait l’hémisphère sud. En se fragmentant progressivement, il a donné naissance à des territoires distincts : l’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Inde, l’Antarctique, l’Australie et Zealandia. Au fil du temps, un rift s’est formé, séparant progressivement l’Australie de ce qui deviendrait Zealandia. Ce détachement a entraîné la création d’une nouvelle croûte océanique dans la mer de Tasman, achevée il y a 50 millions d’années, poussant une portion de Zealandia sous l’eau. Entre 50 et 35 millions d’années, certaines régions de Zealandia se sont élevées, donnant naissance à des îles, dont la Nouvelle-Calédonie et la Nouvelle-Zélande qui ont adopté leurs contours actuels.

L’idée d’un « continent submergé » peut paraître contradictoire, car un continent est généralement perçu comme une grande masse de terre au-dessus du niveau de la mer. Cependant, pour les géologues, la distinction se fait selon la nature de la croûte : continentale ou océanique. Hugues Bauer, un expert du BRGM, souligne qu’un continent est défini par sa composition rocheuse, principalement granitique, ayant une épaisseur moyenne de 30 à 45 km. À l’inverse, la croûte océanique est plus fine et dense, composée de basalte. Selon lui, Zealandia, avec sa vaste étendue de croûte granitique, est indubitablement un continent, bien qu’en grande partie sous l’eau.

Quelques liens et sources utiles

Maya Wei-hass, « Une partie de l’ancien supercontinent Zealandia a été découverte en Nouvelle-Zélande », National Geographic, 2023

Céline Lison, « Zealandia, quel est ce continent englouti ? », Ça m’intéresse, 2022

Ernst Haeckel, Histoire de la création des êtres organisés d’après les lois naturelles, 1877

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