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Les messages de la BBC lors du 6 juin 1944

La BBC est depuis l'armistice français un canal essentiel pour la communication des Français libres et des résistants.
Membres du maquis à La Trésorerie (Wimille) en 1944. Le Chant des partisans symbole de la Résistance française - Donald I. Grant, Department of National Defence | Domaine public
Membres du maquis à La Trésorerie (Wimille) en 1944. Le Chant des partisans symbole de la Résistance française – Donald I. Grant, Department of National Defence | Domaine public

Le débarquement le 6 juin 1944 est une opération extraordinaire. Elle repose à la fois sur la puissance des alliés et sur le sabotage des infrastructures françaises. Ainsi, l’opération s’appuie sur l’activation des réseaux de résistance français.

Pour cela, la radio devient un vecteur important de diffusion entre les territoires alliés et les territoires occupés. La BBC est depuis l’armistice français un canal essentiel pour la communication des Français libres et des résistants.

“Les Français parlent aux Français”

En temps de guerre, l’information est précieuse et souvent entre les mains des gouvernements. La BBC offre donc un moyen d’expression pour les Français qui veulent croire à une autre voie possible que la collaboration.

Ces messages, adressés à la résistance, sont cryptiques pour nous autres contemporains. Comment les réseaux de résistance ont-ils pu comprendre ce qu’ils devaient faire ? Pour chaque message envoyé à des réseaux surveillés par les renseignements, la prudence est de mise. Ils étaient tout simplement codés et créés en intelligence entre les hommes des services secrets britanniques et les membres de la France libre, puis distillés aux réseaux de résistants.

Des centaines de messages pour la résistance

À partir de juin 1944, les ondes s’affolent, et les messages sont envoyés par dizaines pour prévenir de l’imminence d’Overlord (l’opération Neptune se concencre exclusivement sur la préparation du débarquement et le débarquement). Dans ces dizaines de messages, très souvent sans queue ni tête, la plupart n’ayant pour mission que de détourner les agents du renseignement allemand, quelques-uns étaient de véritables ordres d’action pour les réseaux de résistance.

L’action n’est pas limitée à la zone d’exécution de l’opération Overlord. L’idée est d’harceler les Allemands dans l’ensemble de la France, à la fois pour rendre la communication difficile, le ravitaillement impossible et la compréhension des événements parcellaire.

Des messages énigmatiques

“Les carottes sont cuites” ; “Les dés sont sur le tapis” ; “Il fait chaud à Suez” ; “La flèche ne percera pas” ; “Ne faites pas de plaisanteries” ; “Le sapin reste toujours vert” ; “Le coq dresse sa crête” : des codes aujourd’hui incompréhensibles, mais qui avaient tant de sens pour les réseaux de résistance. L’un annonçait à tel réseau de lancer des sabotages, un autre d’initier des destructions de ponts, ou encore un autre de détruire les lignes de chemin de fer.

Un complexe réseau d’activation

Ce sont entre 200 et 350 messages qui sont diffusés par la BBC à partir du 1er juin, chaque code ayant pour but d’activer un réseau de résistance. Un tel plan devait être connu par un minimum de personnes. Ainsi, le nombre important de messages répond à cette réalité. Chaque réseau de combattants de la résistance s’activait à l’entente de son code.

Le déroulement des opérations

Le 1er juin, le message « Les carottes sont cuites » signale le début imminent du débarquement et met les combattants en alerte. Le code « Message important pour Nector : la girafe a un long cou » déclenche une guérilla contre les Allemands par le réseau Author.

Le 3 juin, « Le coq chantera trois fois » avertit les groupes dans la Manche de l’approche du D-Day. « Les chants les plus désespérés sont les chants les plus beaux » initie la destruction de lignes de communication par les employés des Postes.

Le 5 juin, veille du débarquement, de nouveaux messages ordonnent aux résistants de passer à l’action. « Blessent mon cœur d’une langueur monotone » informe la Résistance française que le débarquement des Alliés est imminent. Grâce à ces codes diffusés par la BBC, plus de 1 000 actions de sabotage sont réalisées dans la nuit du 5 au 6 juin.

L’importance du poème de Verlaine

La phrase « Les sanglots longs des violons de l’automne », tirée d’un poème de Verlaine, incite le réseau Ventriloquist à saboter des infrastructures en Normandie et Bretagne, répétée les 2, 3 et 4 juin. Ce message a longtemps été considéré comme l’annonce du début de l’opération Overlord, et donc du débarquement allié en France.

Il est diffusé pour la première fois sur la BBC le 1er juin. Il est rapidement intercepté par les Allemands, qui se doutent du lancement d’une opération d’envergure. L’amoncellement de troupes, de navires et d’équipements en Angleterre n’est pas passé inaperçu. Néanmoins, à part la XVe Armée qui se met en état d’alerte, aucune autre force allemande stationnée sur le mur de l’Atlantique en France ne prête attention aux alertes du contre-espionnage.

Découvrez le poème complet de Paul Verlaine :

Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon coeur
D’une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure

Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.

Chanson d’automne, Poèmes saturniens – Paul Verlaine

Ainsi, au début de juin 1944, Radio Londres utilise une strophe modifiée du poème de Verlaine pour ordonner aux saboteurs ferroviaires du réseau VENTRILOQUIST de Philippe de Vomécourt, agent du SOE, de passer à l’action.

Le 1er juin, le message « Les sanglots longs des violons de l’automne » demande aux saboteurs de se préparer. Puis, le 5 juin à 21 h 15, la deuxième partie du message, « Bercent mon cœur d’une langueur monotone », ordonne le début des sabotages. Radio Londres aurait modifié le texte original, influencée par une version chantée par Charles Trenet.

Un flot de codes, pour des armées de l’ombre

L’utilisation de ces codes n’était pas nouvelle, ayant débuté en septembre 1941. Le 14 août 1944, par exemple, des messages comme « Nancy a le torticolis » annoncent le débarquement en Provence. En tout, près de 15 000 messages codés ont été utilisés durant la guerre.

Malheureusement pour la symbolique, le poème de Verlaine n’est pas l’acte annonciateur du débarquement pour la résistance, mais bien un simple code parmi tant d’autres.

Quelques liens et sources utiles

Alice Develey, Claire Conruyt, Les célèbres messages codés qui ont annoncé le Débarquement de Normandie, Le Figaro, 2019

Dorian Grelier, 8-Mai : l’histoire secrète des messages codés de la résistance, Le Figaro, 2023

Matthieu Mugneret, Les messages codés de la BBC qui annoncent le Débarquement de Normandie, Fortitude WW2, 2022

Le jour le plus long, Le Figaro Hors-série, 2024

Jacques Pessis, Les Français parlent aux Français, Omnibus, 2011

Claude Quétel, La Seconde Guerre mondiale, Tempus Perrin, 2018

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