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Melita Norwood : traîtresse ou militante pour la paix ?

Melita Norwood est une espionne soviétique au sein du service secret britannique, dont l'existence est révélée 50 ans plus tard.
Guerre soviétique en Afghanistan : Les agents de l'escouade spéciale du KGB, dirigés par Igor Morozov, descendent de la crête de la montagne - Oficersky Romans | Creative Commons BY 3.0
Guerre soviétique en Afghanistan : Les agents de l’escouade spéciale du KGB, dirigés par Igor Morozov, descendent de la crête de la montagne – Oficersky Romans | Creative Commons BY 3.0

Fille d’un militant communiste letton et d’une mère britannique, Melita devient elle-même une sympathisante du communisme et une espionne de l’Union Soviétique au sein des services secrets britanniques. Elle réussit à garder ce secret pendant plus de 50 ans.

Enfance de Melita Norwood et son parcours avant le KGB

Née le 25 mars 1912 à Dorset (en Angleterre), Melita Norwood (nom de naissance, Melita Sirnis) est très influencée dès son enfance par le communisme de par l’implication de ses deux parents dans ce mouvement.

Son père travaille pour Leo Tolstoy (un auteur russe très connu dont les idées ont inspiré les socialistes et communistes) dans son pays natal avant son exil en Angleterre où il rejoint ensuite un groupe marxiste dénommé Fédération Démocratique sociale. Quant à Melita, elle réussit à obtenir une bourse pour faire ses études secondaires à Itcheon School et intègre Southampton University College.

Néanmoins, elle abandonne ses études universitaires une année plus tard et rejoint des mouvements antifascistes en Allemagne. En 1932, elle revient en Angleterre et rejoint le Parti travailliste Indépendant.
Il est à noter que même au cours de ses courtes études à l’Université, Melita est très influencée par le mouvement communiste et fréquente des étudiants identifiés plus tard comme étant des espions de l’Union Soviétique.

Recrutement au sein du KGB et missions

En 1932, Melita travaille en tant que secrétaire au sein de l’association de recherche sur les métaux non-ferrés. Bien que sa dénomination ne le suggère pas, il s’agit d’une institution affiliée au service secret britannique et chargée de recherches sur les armes nucléaires.

Au cours de cette période, Melita se marie avec Hilary Nussbaum (qui adopte le nom Norwood plus tard) et rejoint le parti communiste britannique en 1934 selon certains auteurs comme Christopher Andrew. C’est ainsi qu’elle est recrutée au sein du service secret soviétique à travers son ami Andrew Rothstein, avec le pseudonyme « Hola » comme nom de code. Bizarrement, bien que les membres du groupe dont elle fait partie sont identifiés et arrêtés par le service secret britannique (MI5) en 1938, Melita Norwood n’est même pas suspectée par ce dernier.

Après quelques mois d’inactivité, Norwood reprend ses activités d’espionnage au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Grâce à son nouveau poste de secrétaire du directeur du projet britannique portant sur les bombes atomiques, Melita obtient un accès direct à des informations sensibles et importantes sur l’état des recherches sur l’Uranium. Ces informations transmises au service secret soviétique lui permettent de faire avancer ses propres recherches sur les bombes atomiques et de tester des prototypes de ces dernières et ce, 4 ans plus tôt que prévu par les Britanniques et les Américains.

Les contributions de Melita Norwood au service secret soviétique sont considérées par les soviétiques eux-mêmes parmi les plus importantes, efficaces, pertinentes et constantes pendant des décennies. Il est important de noter que Milita ne reçoit aucun centime pour les informations qu’elle contribue aux soviétiques, bien que ces derniers lui proposent un paiement pour ses services. Norwood assure, lors d’une conférence de presse des décennies plus tard, que loin de vouloir tirer un gain personnel, ses actions avaient pour objectif principal d’empêcher les Britanniques et les Américains d’avoir le monopole des armes nucléaires. Melita craint que ces derniers, se sentant invincibles avec leurs armes nucléaires, risquent de déclencher une guerre nucléaire mortelle pour des millions d’individus.

Melita Norwood argumente que ses contributions au service secret soviétique permettent d’atteindre un statu quo entre les forces britanniques, américaines et soviétiques les empêchant ainsi de s’attaquer les uns les autres, étant donné qu’ils possèdent tous les mêmes armes nucléaires.

Révélation du secret

Melita Norwood reste active au sein du service secret soviétique jusqu’à sa retraite en 1973, après avoir occupé des postes différents au sein du service secret britannique. Elle rejoint également un mouvement luttant pour le désarmement nucléaire en 1958.

Même après sa retraite, son implication avec le service secret soviétique reste inconnu et ce, jusqu’à la divulgation de milliers de documents relatifs aux espions soviétiques en Angleterre en 1992 suite à la défection d’un espion et archiviste du KGB. Il s’agit de Vassili Mitrokhine qui révèle l’existence de l’agent Hola (nom de code de Melita Norwood) au service secret britannique. Néanmoins, le public n’apprend cette histoire qu’en 1999 lorsque les archives de Mitrokhine sont publiées par l’historien Christopher Andrews dans le journal Times.

Âgée de 87 ans à l’époque, le gouvernement britannique décide de ne pas poursuivre Melita Norwood en justice vu son âge avancé. Néanmoins, face à l’insistance des médias campant devant sa demeure, Norwood propose une conférence de presse pour raconter son histoire et expliquer ses actions. Cette dernière déclare avoir « fait ce qu’elle a fait pas pour gagner de l’argent, mais pour empêcher la destruction d’un nouveau système ayant fourni aux individus ordinaires la possibilité d’accéder à la nourriture et au transport à des prix abordables, ainsi qu’à une bonne éducation et à un service de santé ».

Suite à cette révélation qui suscite l’intérêt des médias et du public pendant des mois, Melita Norwood reprend sa vie normale jusqu’à son décès en 2005 dans sa maison. Ainsi, à l’exception d’articles, de livres et de films inspirés de l’histoire de Norwood baptisée « grand-mère espionne », la révélation du secret n’a pas de réels impacts sur la vie de Norwood, ni sur le pays lui-même. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que son implication dans le KGB date de plusieurs décennies et que ce conflit n’est plus d’actualité. Néanmoins, les informations qu’elle a communiquées à l’Union soviétique pendant des décennies ont certainement changé le cours de l’histoire.

Quelques liens et sources utiles

BBC News. Grandmother: I was right to spy (20 Septembre 1999).

Christopher Andrew & Vassili Mitrokhnine (2000). The Mitrokhine Archive: The KGB in Europe and The West.

David Burke (2008). The Spy Who Came In From the Co-op: Melita Norwood and the Ending of Cold War Espionage (NED-New edition). Boydell & Brewer.

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