L’histoire du Nil remonte à des millénaires. Témoin de nombreuses civilisations, le fleuve a depuis toujours joué le rôle de canal de distribution et de commerce au temps de l’Égypte ancienne. Il demeure un vecteur incontournable du développement économique des pays riverains.
L’agriculture, l’énergie hydraulique, voire même le tourisme font du Nil une source significative de retombées économiques au fil du temps. Actuellement, le Nil fait face à la surexploitation et au réchauffement climatique. Le niveau du bassin diminue progressivement, suscitant une inquiétude croissante parmi les pays riverains.
Né de la confluence du Nil Blanc et du Nil Bleu, le Nil s’affirme comme l’un des plus grands fleuves du monde. La superficie de son bassin est de plus de 3 100 000 kilomètres carrés. Le Nil parcourt une distance impressionnante de 6 671 kilomètres, débutant son voyage en Éthiopie, traversant le Soudan pour son premier tronçon, et atteignant enfin l’Égypte. Quant au deuxième cours d’eau, il traverse plusieurs pays, dont l’Ouganda, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie, le Burundi, la République Démocratique du Congo, le Soudan, pour finalement rejoindre l’Égypte.
Le Nil dans le passé
« Le Nil, cette merveilleuse rivière, le plus grand don de l’Égypte. »
Platon, philosophe grec
L’Égypte antique est connue par son histoire légendaire, marquée par l’éclosion de toute une civilisation qui n’aurait pas vu le jour sans le fleuve mythique du Nil. La prospérité de l’Égypte pharaonique est intimement liée à ce cours d’eau, avec ses différents enjeux stratégiques et économiques pour le pays et pour une grande partie de l’Afrique de l’Est.
Les sources mythiques du Nil
Au fil du temps, les explorateurs ne peuvent s’empêcher de rechercher les sources alimentant le Nil. Depuis l’Antiquité, ce fleuve mythique ne cesse de susciter la curiosité des géographes et des historiens cherchant à lever le voile sur l’amont d’un fleuve qui a tant intrigué l’humanité.
C’est au niveau d’une faille en plein cœur de l’Afrique de l’Est que jaillit l’eau du Nil. Les chevauchements des plaques tectoniques, qui ont donné naissance aux hauts plateaux rwandais, sont à l’origine de ce fleuve.
Cependant, le mystère entourant la source du fleuve persiste. Une quête a été lancée par Neil McGrigor, Cam McLeay, et Garth MaxIntyre en 2005.
Poursuivant la trace de l’un des plus grands fleuves au monde, les trois explorateurs ont mis le cap sur l’amont du cours d’eau depuis l’Égypte. Un périple périlleux qui les a conduits jusqu’aux plus hauts plateaux rwandais, dans le parc national de Nyungwe. Leur découverte a également permis de mettre à jour la longueur du Nil qui est passée de 6 671 kilomètres à 6 718 kilomètres.
Comme ils s’en doutaient, le Nil se nourrit d’une multitude de cours d’eau. Tout d’abord, le Nil Blanc prend naissance au lac Victoria, le plus vaste lac d’Afrique, lui-même alimenté par la rivière Nzoia. Le lac Victoria reçoit également les eaux des rivières Nyando et Sondu-Miriu au Kenya. Tout ce labyrinthe hydrologique converge en un seul cours d’eau, le Nil Blanc, qui retrouve le Nil Bleu à Khartoum, au Soudan, où ils forment finalement le fleuve du Nil.
Quant au Nil Bleu, parmi ses principales sources figure le lac Tana, situé dans les plus hauts plateaux éthiopiens. Ce lac est à l’origine de nombreuses rivières, dont le Sobat et le Baro, qui contribuent également au débit du Nil Bleu. La rivière Abbay est une composante essentielle dans la formation du Nil. On l’appelle également le Grand Nil, car elle est la principale émissaire du lac Tana.
Le Nil, une source de la vie
Depuis l’Antiquité, le Nil joue un rôle vital, il a longtemps servi l’humanité et a répondu à ses besoins croissants au fil du temps. Le développement de l’activité agricole le long du Nil a favorisé la domestication dans les parages du fleuve qui fournit inlassablement l’eau depuis environ 30 millions d’années.
Alors que l’Égypte n’était qu’une étendue de désert, le Nil a apporté la vie dans cette région aride. Ce cours d’eau a été la source d’un espoir de vie possible, incitant quelques nomades à y trouver refuge. Selon la mythologie égyptienne, l’Égypte n’aurait pas vu le jour sans l’eau (le Nil) et les « Dieux ». Représentée par le chaos, l’eau a depuis toujours été essentielle et primordiale, comme l’atteste l’histoire à travers les différents mythes et légendes égyptiennes.
Le Nil a donc été associé à la vie et à la fertilité, et cela depuis le VIe millénaire avant J-C., lorsque des bergers nomades ont commencé à migrer dans la vallée du Nil. Les premières colonies agricoles ont émergé, en particulier dans le Delta du Nil. Dans une vallée de plus en plus peuplée, trois régions riveraines distinctes ont émergé : la Haute-Égypte le long du fleuve et la Basse-Égypte. Ce n’est que plus tard dans l’histoire que la civilisation égyptienne commence à être abordée.
La domestication, qui a pris racine dans la vallée du Nil, a conduit à l’émergence d’un savoir-faire agricole que les habitants ont progressivement développé. Dans un climat généreusement pluvial en été et sec en hiver, les locaux ont dû organiser la gestion des terres en matière d’irrigation. L’épanouissement de la vie le long du Nil a réanimé cette portion de terre, et les premiers occupants étaient loin de se douter qu’une civilisation légendaire allait voir le jour après eux. Les vestiges de cette civilisation continuent d’émerveiller le monde jusqu’à ce jour.
Un chemin fluvial
Le Nil est sans doute une source de vie mais il est également une voie de communication. Cet échange avec les pays voisins a facilité l’essor du développement économique à son état embryonnaire. Le transport s’ajoute à l’agriculture et fondent la vie le long du fleuve. Les déplacements des personnes et des marchandises ont émergé et ont fait émerger une industrie de navigation fluviale fulgurante et inédite.
De nombreuses embarcations, telles que les navires à voiles, les barques ou les bateaux à rames, ont fortement contribué au développement de l’Égypte antique. Les villes de Memphis et de Thèbes ont vu le jour grâce à ces moyens de transport, facilitant ainsi l’échange et le commerce avec le reste de la région. Une connexion entre les villes égyptiennes n’aurait pas été possible sans cette voie navigable. Les denrées alimentaires, les matériaux de construction, voire même les énormes blocs de pierre, ont été transportés par les célèbres barques égyptiennes, un périple joliment illustré par les fresques pharaoniques.
Le Nil à l’agonie ?
L’histoire du Nil continue de fasciner le monde et suscite toujours la curiosité des explorateurs et des géographes en raison de son passé mythique et de sa richesse naturelle qui met l’accent sur la simple question de « la vie ». Dans un monde confronté aux défis du changement climatique, le Nil s’inscrit dans des enjeux environnementaux d’ampleur.
L’exploitation humaine, de son côté, menace la richesse hydraulique du Nil. Les récoltes agricoles sont de plus en plus amoindries, mettant en péril la survie de millions d’Africains. La prospérité autrefois vantée par les pays riverains est aujourd’hui effritée par la surexploitation et le réchauffement climatique qui s’y ajoute, des fléaux qui confrontent le Nil à des défis majeurs.
La demande en eau est en constante croissance, tandis que le débit du Nil varie de manière imprévisible entre inondation et sécheresse. Pour la consommation domestique, l’irrigation ou encore la production d’énergie, les États concernés s’efforcent de trouver des solutions opérationnelles permettant la régulation et la distribution équitable de l’eau.
Le Grand barrage de la Renaissance
Le GERD « Grand Ethiopian Renaissance Dam », est un immense barrage qui sera progressivement construit sur le Nil Bleu en Éthiopie, à la lisière du pays juste avant le Soudan. Le barrage doit retenir 74 milliards de mètres cubes, devenant ainsi le plus grand barrage d’Afrique. Ce projet prometteur bénéficie d’un budget d’investissement de 4,8 milliards de dollars, financé par le gouvernement éthiopien et la société Salini Impregilo.
Pour l’Éthiopie, il s’agit d’une ambition que le gouvernement souhaite inscrire dans son histoire en symbolisant la nation. Cependant, pour les pays voisins, c’est une initiative qui ne passe pas inaperçue, car en tant que pays situés en aval du Nil, l’Égypte et le Soudan manifestent leur mécontentement.
En l’absence d’un accord trilatéral, l’Égypte n’a pas cessé de faire pression sur l’Éthiopie pour l’arrêt des travaux. L’affaire a même été discutée devant la Ligue Arabe et le Conseil de sécurité de l’ONU, qui ne se sont pas prononcés sur la question, cédant ce rôle à l’Union africaine, une entité mieux habilitée à décider de ce type de dossier selon l’ONU.
En 2023, les tensions entre l’Égypte et l’Éthiopie s’intensifient lorsque cette dernière annonce la fin du remplissage du barrage en septembre. L’Égypte manifeste une fois de plus son inquiétude et condamne ouvertement le projet GERD, le qualifiant de décision unilatérale et illégale. De son côté, l’Éthiopie rejette ces revendications et poursuit la mise en œuvre du barrage.
Quelques liens et sources utiles :
France 24, Le Nil en crise, face au réchauffement climatique et à la surexploitation, novembre 2022
Rédaction « ça m’intéresse », Le Nil, aux origines de l’empire égyptien, décembre 2022
Jean-François Augereau et Pierre Le Hir « Le Monde », L’éternelle quête des sources du Nil, avril 2006