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Le Transsibérien : un projet hors-norme et un rêve touristique

Le Transsibérien est le réseau ferroviaire le plus grand du monde. Il est un des symboles de la puissance russe.
Le chemin de fer transsibérien, illustration de Frédéric de Haenen, 1913 - Internet Archive Book Images | Domaine public
Le chemin de fer transsibérien, illustration de Frédéric de Haenen, 1913 – Internet Archive Book Images | Domaine public

Le Transsibérien est le réseau ferroviaire le plus grand du monde. Ce sont 9288 kilomètres de ligne de chemin de fer qui relie Moscou à l’Asie orientale, traversant plus de 990 gares dont celles de multiples grandes villes telles que Krasnoïarsk, Oulan-Bator, Pékin ou Vladivostok, qui sont souvent qualifiées de palais.

Le Transsibérien a joué un rôle majeur dans l’histoire de la Russie et il est encore aujourd’hui un moyen de transport quotidien pour les Russes. Cet axe ferroviaire est aussi une offre touristique pour les étrangers qui souhaitent voyager à bord des trains de ce légendaire chemin de fer. Que ce soit dans la littérature, le cinéma ou la musique, le Transsibérien est un sujet artistique récurrent qui représente souvent l’aventure ou le rêve.

Carte du trajet du Transsibérien - Espace transsibérien | Lien vers le site
Carte du trajet du Transsibérien – Espace transsibérien | Lien vers le site

L’histoire d’un projet démesuré

C’est au XVIIIe siècle que les dirigeants russes s’intéressent réellement à la Sibérie. Des expéditions scientifiques et militaires sont menées vers l’Est et l’idée de relier Saint-Pétersbourg à Pékin apparaît au sein de l’empire à la fin du siècle.

’hostilité et l’immensité de la région fait qu’il était difficile d’obtenir des informations sur celle-ci, et donc de la coloniser.

L’émergence d’un intérêt pour la Sibérie

Le concept d’une voie ferrée transsibérienne vient du comte Mouraviev-Amourski, gouverneur général de la Sibérie orientale de 1847 à 1861. Un de ses officiers, le capitaine Romanov, étudia le projet mais celui-ci se heurta au rejet des décideurs du Kremlin.

Ce n’est que vingt ans plus tard que l’idée suscite l’intérêt du gouvernement, et, entre 1883 et 1885, un premier tronçon est construit dans le prolongement de la ligne d’Ekaterinbourg à Tioumen.

Les travaux sont alors lancés à la fois depuis Vladivostok, tout à l’est, et depuis Tioumen, côté continental, en Sibérie de l’Ouest. Il est prévu que les deux axes de construction se rejoignent comme l’avaient fait les Américains avec le chemin de fer Transcontinental, à la fin du XIXe siècle. La construction est officiellement lancée le 31 mai 1891 depuis Vladivostok.

Les raisons de la construction du Transsibérien

Le Transsibérien revêt plusieurs objectifs pour l’empire russe du tsar Nicolas II. D’abord économique, lié à l’exploitation des ressources souterraines en Sibérie, le fer et la houille notamment. Également, il s’agissait de faciliter le développement des villes situées à proximité du chemin de fer.

Ensuite, la liaison ferroviaire remplit un rôle stratégique de dissuasion d’éventuelles conquêtes de la Sibérie par la Chine. En effet, la présence militaire chinoise dans la région du Baïkal inquiétait Nicolas II, ce qui impulsa le projet afin d’assurer la mainmise russe sur la région.

Enfin, le Transsibérien avait un écho politique et géopolitique puisqu’il apparaissait comme un moyen pour le pouvoir russe de montrer sa puissance par l’étendue de son empire et d’affirmer sa présence en Asie orientale. De plus, le prestige que représentait le Transsibérien auprès de Paris ou de Londres notamment, amorça un rapprochement du pays avec des villes occidentales influentes.

Un des projets les plus ambitieux du monde

Le projet du Transsibérien est l’un des projets les plus ambitieux du monde. D’abord, dompter la région sibérienne n’est pas chose aisée. En effet, le climat de la région est l’un des plus rudes au monde, lié à sa forte amplitude thermique avec des températures estivales pouvant dépasser les 35°C et avec des hivers descendant jusqu’à -60°C.

Ce sont principalement des condamnés ainsi que des déportés politiques russes qui ont construits la voie de chemin de fer dans ces conditions climatiques hostiles, avec près de 15 000 Chinois, Japonais et Coréens venant combler le besoin de main d’œuvre de ce projet démesuré.

Pour autant, il est inconcevable, dans cette Russie impériale où l’orthodoxie a une influence très forte, que les ouvriers n’aient pas accès à un édifice religieux. Ainsi, sur ordre du tsar Alexandre III, fut construite une voiture chapelle sur la ligne de chemin de fer qui se déplaçait d’un chantier à un autre.

Le rapprochement franco-russe

Les coûts financiers pour la construction du Transsibérien sont considérables. Un crédit de sept millions de roubles est débloqué lors du lancement de la construction, qui n’aurait probablement pas été attribué sans l’implication du tsar Alexandre II en personne dans la réalisation du projet.

Mais ces fonds ne sont pas suffisants. L’empire décide alors de se tourner vers la France. Après la défaite de Napoléon III à Sedan en 1870, le pays se retrouve isolé diplomatiquement. En 1888, une alliance franco-russe est établie et elle ne cesse de se renforcer jusqu’au règne du tsar Nicolas II, fils d’Alexandre III. Étant en pleine modernisation, la capacité financière de la France était intéressante pour la Russie et briser son isolement diplomatique en Europe était nécessaire pour la France.

Le projet des Russes est pris au sérieux par les Français, qui achètent des actions du Transsibérien. Et en août 1898, la Compagnie Internationale des Wagons-Lits, société belge qui est aussi à l’origine du très célèbre Orient-Express, invite Marius Dujardin et Albert Thomas, respectivement écrivain et homme politique français, dans une excursion pour venir découvrir la mise en service du tronçon en Sibérie Occidentale, de Moscou à Tomsk, d’une longueur de 3000 kilomètres.

Au début du XXe siècle, le Transsibérien s’est considérablement développé : 9300 kilomètres de voies ferrées sont construits. À l’époque, la liaison s’effectue en un peu moins de sept jours, les locomotives allant à 56 km/h en moyenne. C’est un record pour l’époque. Ces dernières étaient alimentées par le bois présent en quantité importante dans les forêts sibériennes. Le 5 octobre 1916, l’axe Moscou-Vladivostok est achevé. Ce chantier aura duré 26 ans et impliqué environ 90 000 ouvriers.

Après plusieurs années de service, le Transsibérien dépasse le cadre national. En effet, plusieurs branches sont aménagées : Le Transmongolien, construit entre 1949 et 1961, reliant Moscou à Pékin en passant par Oulan-Bator, capitale de la Mongolie et le Transmandchourien, qui relie également Moscou à Pékin mais en passant par Harbin, en Chine. Ainsi, le Transsibérien devient un axe ferroviaire reliant l’Europe à l’Asie.

Affiche publicitaire de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits lors de l'Exposition de Paris 1900 promouvant un voyage à bord du Transsibérien - Ochoa y Madrazo, Rafael de | Domaine Public
Affiche publicitaire de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits lors de l’Exposition de Paris 1900 promouvant un voyage à bord du Transsibérien – Ochoa y Madrazo, Rafael de | Domaine Public

Le Transsibérien, acteur des guerres mondiales du XXe siècle

Pendant la Grande Guerre, le Transsibérien contribue au ravitaillement du pays. Après la révolution russe d’octobre 1917, il revient en piteux état entre les mains des bolchéviques qui restent maîtres de leur territoire après le retrait des japonais en 1922.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, le chemin de fer joue un rôle dans le déploiement de l’Armée rouge contre les Japonais en 1939. Et, lorsque Adolf Hitler rompt le pacte germano-soviétique en lançant une offensive contre l’Union Soviétique le 22 juin 1941, le Transsibérien joue un rôle dans l’échec de cette invasion, appelée opération Barbarossa.

Les chemins de fer russes se caractérisent notamment par des voies plus larges qu’en Europe. L’écartement est plus grand de onze centimètres, ce qui explique les grandes dimensions des trains de cette région du monde. Les envahisseurs n’avaient pas pris en compte ce détail, ce qui mit hors d’état de nuire les trains blindés et les canons sur rail allemands. C’est un des facteurs de l’échec militaire de l’Allemagne nazie en Russie.

Le rôle économique du Transsibérien

Le Transsibérien a été un vecteur du peuplement et de la mise en valeur de la région sibérienne. En effet, le chemin de fer a très largement contribué au développement des villes situées à proximité.

C’est le cas de la ville de Novossibirsk, qui est aujourd’hui la troisième ville de Russie avec plus d’un million cinq cent mille habitants. Elle a été créée en 1893, tout près de la voie ferrée.

Un chemin de fer fonction du développement des villes de Sibérie

La gare centrale de Novossibirsk est aujourd’hui la plus grande parmi toutes celles se trouvant sur le trajet du Transsibérien. Elle est également l’un des lieux les plus visités de la ville. De plus, tous les trains de la ligne transsibérienne passent par Novossibirsk, ce qui en fait un des arrêts majeurs du réseau ferroviaire le plus grand du monde.

Gare centrale de Novossibirsk - A.Savin | Free Art License
Gare centrale de Novossibirsk – A.Savin | Free Art License

Depuis la chute de l’URSS et l’ouverture de la Russie au tourisme international, de nombreuses personnes arrivent massivement par le chemin de fer, étant le moyen de transport le plus populaire pour se rendre dans la première ville de Sibérie. En 2010, Novossibirsk fut visitée par près de 65 700 touristes, et en 2013, c’était 73 000 touristes qui s’y étaient rendus. Malgré un attrait touristique bien réel, ces statistiques produites par l’État russe sont à prendre avec précaution.

Il faut dire que la ville a beaucoup investi pour le tourisme. En 2011, on recensait 124 hôtels pouvant accueillir 7500 personnes quotidiennement. Restaurants, bars, Théâtre d’opéra et de ballets : le dynamisme et l’offre de Novossibirsk sont très attractifs pour les touristes étrangers.

Le long de la rive occidentale du lac Baïkal, l’économie de Listvianka a été revitalisé par le Transsibérien. Passage obligé de la région, le village de pêcheurs accueille environ 300 000 touristes chaque année. Au début des années 2000, des entreprises spécialisées dans le secteur du tourisme, subventionnées par l’État, s’implantent sur le territoire. Par conséquent, villas, cafés, restaurants, marchés de poisson ou encore location de bateaux ont été conçus pour développer l’offre touristique à Listvianka.

Le rayonnement international du Transsibérien par les récits des voyageurs

Les paysages traversés, le charme de la locomotive, le confort et le luxe sont autant d’éléments qui font l’attractivité touristique du Transsibérien. C’est également ce pourquoi les voyages sur ce chemin de fer génèrent aussi de très nombreux récits.

Et particulièrement en France, contribuant à promouvoir cette offre touristique chez la clientèle francophone. On peut citer par exemple le très célèbre poème de Blaise Cendrars, La prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France, écrit en 1913, ou encore L’Alcool et la nostalgie publié par Mathias Enard en 2010.

Passer huit jours à bord de ces trains pour parcourir près de 9300 kilomètres est en effet une expérience unique. Les premiers transsibériens avaient déjà des wagons adaptés à la pratique sportive ou à la photographie pour les voyageurs. Aujourd’hui, il existe différentes classes pour voyager à bord des trains, réparties dans trois wagons distincts. Le prix du billet va de 224 euros pour la classe la plus modeste jusqu’à 689 euros pour la première. D’après les voyageurs, le wagon restaurant, présent dans chacun des trains, est un espace central qui rythme la vie à bord du Transsibérien.

Quelques liens et sources utiles

Girod, V. (s. d.-b). Le Transsibérien, une épopée russe [Vidéo]. Europe 1.

Andreeva-Jourdain, E. (2013, 15 décembre). Le Transsibérien, vecteur de la mise en tourisme des destinations enclavées. le cas de la Russie.

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