Le château de Chenonceau, édifié en 1513, a vécu à travers le regard de nombreuses femmes, qui l’ont transformé durant des siècles. Chacune apportera sa pierre à l’édifice, dont une certaine « Reine blanche » qui laissera derrière elle une célèbre chambre sombre entre les murs de ce château. L’histoire de Louise de Lorraine est à la fois romantique et tragique !
Une rencontre fortuite et bouleversante
Louise de Lorraine-Vaudémont naît en 1553, elle fait partie d’une branche de la célèbre maison de Lorraine, dynastie souveraine fondamentale durant plusieurs siècles.
Alors issue de la haute noblesse, elle a la chance de pouvoir rencontrer le Roi de Pologne Henri Ier lorsqu’il rend visite à sa sœur et son époux le duc, en France. En effet, le beau-frère du souverain polonais se trouve également être le cousin de la jeune Louise. Elle est donc introduite lors d’une fête organisée en l’honneur du déplacement de sa majesté, par son cousin le duc Charles III de Lorraine.
Le roi Henri Ier remarque la présence de la princesse Louise de Lorraine et semble charmé. Il est pourtant épris d’une autre femme depuis de longues années, Marie de Clèves, princesse de Condé, qu’il souhaite épouser. Les deux amants entretiennent une relation suscitant une profonde jalousie de la part du prince de Condé, Henri Ier de Bourbon, époux de la princesse Marie. Malheureusement, celle-ci meurt très jeune en donnant naissance l’année suivante et le roi Henri Ier sombre dans un terrible chagrin.
Henri Ier est issu de l’union du roi de France Henri II et de Catherine de Médicis.
Étant le quatrième fils du couple royal, il n’est pas destiné à régner, pourtant à la mort de son frère Charles IX en 1574, il devient roi de France sous le nom d’Henri III.
Accédant alors subitement au trône en 1575, il doit absolument trouver une femme à épouser, pour pouvoir assurer une descendance à la couronne. Mais suite à la perte de sa bien-aimée, Marie de Clèves, et après avoir refusé de nombreuses propositions de mariage faites par sa mère, avec différentes prétendantes, même étrangères, il repense à sa rencontre avec la belle et douce Louise et décide de l’épouser.
La surprise est totale lors de l’annonce de cette demande, mais il épouse tout de même la princesse Louise de Lorraine-Vaudémont, le 15 février 1575.
Un mariage d’amour, et non politique
À cette époque, la grande majorité des unions sont des mariages forcés, arrangés. Ce n’est pas le cas de ce mariage royal ; Henri III n’a pas choisi sa femme pour des raisons politiques mais personnelles, il garde en mémoire l’image d’une jeune femme calme, tendre et humble qui lui rappelle brièvement sa défunte Marie de Clèves.
De plus, Louise voue un amour profond à son mari dès le début de la relation, et une grande intimité s’installe rapidement au sein du couple, ce qui surprend d’ailleurs Catherine de Médicis et la cour.
Mais à leur plus grand regret, malgré de multiples tentatives et de nombreux examens, cures, pèlerinages et prières, ils ne réussiront jamais à avoir d’enfants.
Par respect et par amour pour sa femme, le roi se montre même très discret lors de ses rendez-vous privés avec ses maîtresses ; il ne désigne d’ailleurs aucune maîtresse officielle après son mariage. Il laisse à Louise une place importante dans sa vie personnelle ainsi qu’à la Cour et dans certaines décisions politiques. Elle est souvent décrite comme une bonne reine, fidèle et dévouée à son époux, mais surtout à l’écoute de son peuple.
Le couple royal ne se sépare que très rarement et passe bien plus de temps ensemble que le veut l’étiquette ; promenades, voyages, discussions… Ce mariage restera heureux et le couple fort et uni, même face aux obstacles et à la mort.
La chambre noire de la reine Louise
En 1589, le roi Henri III est assassiné par le moine Jacques Clément à Saint-Cloud, ce qui lui coute aussi la vie puisqu’il est tué par les gardes du roi. Ce régicide est mené au nom des guerres de religion, considérables à cette époque, opposant catholiques et protestants. Pour ce fanatique faisant partie de la Ligue catholique, Henri III doit mourir car il est l’ennemi du catholicisme. Il souhaite aussi empêcher la succession par un roi protestant, mais avant de mourir, Henri III désigne Henri de Navarre comme successeur. Ce dernier monte sur le trône sous le nom d’Henri IV, qui passera à Angers, lors de la signature de l’Édit de Nantes.
À la mort de son époux, Louise se réfugie au château de Chenonceau qu’elle reçoit alors en héritage. Elle y vit pendant 11 ans, espérant pouvoir faire son deuil en se plongeant dans le recueillement et les prières. Malheureusement, elle ne se remettra jamais de la perte brutale de son bien-aimé et ne pardonne pas cet acte. Elle adopte donc une garde-robe blanche, ce qui lui vaut le surnom de « Reine blanche » ou encore « Dame blanche de Chenonceau ». En effet, contrairement à aujourd’hui, la couleur du deuil royal était le blanc, couleur que la Reine Louise ne quitte plus jusqu’à sa propre mort.
À Chenonceau, dans « le château des dames », sa chambre reste célèbre pour être recouverte de motifs funéraires, de symboles de deuil, ainsi que de tissus sombres. On y trouve par exemple des croix religieuses, des pelles, des plumes, mais aussi les initiales des deux amants entrelacées comme pour nier cette violente séparation. De nombreux détails et souvenirs de son époux y sont aussi installés. Il est toujours possible de visiter la chambre noire de la reine blanche aujourd’hui, et c’est un lieu dont on se souvient de par son histoire et sa particularité…
Même après la mort d’Henri III, Louise lui voue tout son temps et son amour, elle tente de protéger son honneur et sa mémoire face au nouveau roi et au Pape.
Elle décide de soutenir le projet de construction d’un couvent des Capucines à Bourges et souhaite y être inhumée. La reine Louise de Lorraine-Vaudémont décède en 1601 à Moulins. Ce projet ne sera donc pas réalisé de son vivant, mais en 1608 elle sera inhumée au Couvent des Capucines nouvellement fondé à Paris. Celui-ci est détruit pendant la construction de la place Vendôme presque un siècle plus tard. Oublié dans sa crypte pendant de longues années, son tombeau est finalement retrouvé et déplacé dans un cimetière en 1805 avant d’être de nouveau déplacé dans la basilique de Saint-Denis où elle repose toujours depuis 1817.
Quelques liens et sources utiles
Elisabeth Reynaud, Louise de Lorraine : La reine blanche de Chenonceau, Ramsay, 2011
Clémence Robert, Théophile Dinocourt, Hte Boisgard, Louise de Lorraine, Hachette Livre BNF, 2021
Marie Beleyme, Louise de Lorraine: une reine de France au Père-Lachaise, 2017 [lien].
3 Responses
Très intéressant. Je viens de visiter Chenonceaux. J’ai pu voir la chambre de la reine Louise. Rares étaient les pariages d’amour à cette époque ce qui en fait une histoire d’autant plus émouvante.
Merci pour votre message et votre retour d’expérience sur cette visite 🙂
Superbe article bravo !