L’œuvre Malleus Maleficarum s’applique à codifier des croyances séculaires liées à la démonologie, notamment les sorcières. Cet ouvrage, à l’instar de la bulle papale Summis desiderantes affectibus de 1484, marque le début de la chasse aux sorcières en Europe.
Une œuvre fondatrice de la chasse aux sorcières
Le Malleus Maleficarum a été publié à Strasbourg – la ville ne fait pas encore partie du Royaume de France – entre 1486 et 1487. Il a été par la suite réédité à de nombreuses reprises.
Le Malleus Maleficarum a été rédigé par les dominicains (ordre catholique), Heinrich Kramer Institoris (Henri Institoris) et Jacob Sprenger (Jacques Sprenger). Le premier est un dominicain inquisiteur connu pour avoir participé activement à la chasse aux sorcières de l’Alsace à l’Autriche.
Le second, plus connu que le premier, est docteur en théologie et professeur à la faculté de Cologne. Il devient inquisiteur dans la région rhénane, mais n’aurait que peu participé à cette folle aventure. Il aurait été coauteur du livre Malleus Maleficarum contre son gré (théorie absolument infondée, et aucunement acceptée par le monde scientifique), simplement pour profiter de sa renommée et donc augmenter les ventes du livre.
Contexte de parution de l’ouvrage Malleus Maleficarum
Le pape Innocent VIII (8 en chiffres romains) dirige la publication de la bulle Summis desiderantes affectibus le 5 décembre 1484.
Ce document permet de légitimer le travail des inquisiteurs dans le monde chrétien, mais surtout celui d’Henrich Kramer Institoris, qui est confronté au refus des autorités ecclésiastiques locales en Allemagne.
Contenu de l’ouvrage Malleus Maleficarum
L’ouvrage utilise des documents plus anciens pour créer son discours et appuyer ses thèses. C’est notamment le cas avec le Directorium Inquisitorum, de Nicolas Eymerich publié en 1376 (inquisiteur catalan), ou le Formicarius de Johannes Nider (auteur dominicain allemand) publié en 1435.
La première partie de l’ouvrage se consacre à détailler la nature de la sorcellerie. Elle a surtout pour but de prouver l’existence de la sorcellerie, au travers de 18 questions. Elles évoquent à la fois l’origine de la sorcellerie, les rapports entre les démons et les sorcières ou encore la permission divine. Cette section est à charge contre les femmes, qui sont considérées comme faibles. Cette faiblesse est soulignée par le titre de l’ouvrage maleficarum qui est écrit avec la terminaison au féminin, mais également par les déclarations de l’auteur, qui considèrent que femina dérive de fe + minus, en somme, foi mineure.
« Elle est née menteuse et tous ses mots ne sont qu’aiguillons venimeux… Elle est plus cruelle que la mort car celle-ci est naturelle et ne détruit que le corps ; le péché qui suinte de tous les pores du corps de la femme détruit l’âme en la privant de la grâce et jette le corps dans les abîmes du péché…Toute la sorcellerie vient du désir charnel qui, chez elles, est insatiable. Pour se satisfaire, elles n’hésitent pas à épouser des démons…
Dans la constitution de la première femme, il y eut une faute, car la femme fut faite d’une côte courbe et d’une direction opposée à celle de l’homme. En conséquence c’est un animal imparfait, ainsi la femme ne peut que décevoir.
On s’aperçoit après examen attentif que la plupart des royaumes de ce monde ont été ruinés par des femmes…«
Selon Heinrich Kramer Institoris et Jacob Sprenger dans l’ouvrage de Malleus Maleficarum.
La femme est donc responsable de tous les maux. Satan œuvre pour détruire le monde chrétien par l’intermédiaire des femmes.
Les auteurs donnent plusieurs exemples « historiques » (selon eux) qui prouvent que les femmes sont derrière chaque difficulté du monde. La destruction de la cité de Troie a été provoqué par Hélène, provoquant la mort de milliers de Grecs. Cléopâtre aurait également provoqué la destruction du Royaume des Juifs.
La seconde partie de l’ouvrage a pour but de présenter, sous forme de deux questions, la capacité des sorcières à nuire à la société, mais également les manières de s’en prémunir. Cette partie de l’ouvrage est adressée aux prédicateurs, ceux qui enseignent les choses de Dieu aux non-croyants.
Enfin la troisième partie se déroule sous forme d’un manuel proposé aux juristes, afin d’instruire un procès pour sorcellerie. Ainsi, il est possible d’apprendre la manière de capturer, d’instruire le procès, d’organiser la détention et l’élimination des sorcières.
Cette partie traite aussi de la confiance qu’on peut accorder ou non aux déclarations des témoins, dont les accusations sont souvent proférées par envie ou désir de vengeance. Les auteurs affirment toutefois que les indiscrétions et la rumeur publique sont suffisantes pour conduire une personne devant les tribunaux et qu’une défense trop véhémente d’un avocat prouve que celui-ci est ensorcelé.
Vers une interdiction de l’ouvrage
Initialement couvert par une bulle papale, l’ouvrage est rapidement discrédité par l’Église. Il est même interdit par l’Église catholique peu de temps après sa parution, en 1490. Puis inscrit à l’Index – un catalogue d’ouvrages interdit à la lecture par les catholiques – à partir de 1545.
Malgré tout, le livre connaît une forte popularité. Entre 1487 et 1669, 34 rééditions ont été effectuées. Cette popularité est permise grâce à l’évolution de l’imprimerie, et donc à la diffusion à grande échelle de l’ouvrage dans toute l’Europe.
Quelques liens et sources utiles
Henri Institoris et Jacques Sprenger, Le marteau des sorcières (Malleus Maleficarum) traduction d’Amand Danet, Grenoble, Jérôme Millon, 1990, dans Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1991
Ludwig Fineltain, « La naissance de la psychiatrie à la faveur des procès de sorcellerie et de possession diabolique », Bulletin de psychiatrie, no 7.1, août 1999
Henricus Kramer, Malleus maleficarum, en latin, 2014