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La chasse aux sorcières à l’époque moderne en France

La chasse aux sorcières est une période qui marque fortement l’époque moderne, par la recherche d’un bouc émissaire aux maux de la société.
Sorcières jetant un maléfice, tiré du Compendium maleficarum - Derek Smootz | Domaine public
Sorcières jetant un maléfice, tiré du Compendium maleficarum – Derek Smootz | Domaine public

La chasse aux sorcières est une période qui marque fortement l’époque moderne, par la recherche inévitable d’un bouc émissaire aux maux de la société. Celle-ci débute avec la création de l’Inquisition par l’Église catholique au XIIIe siècle.

L’objectif premier de cette institution, qui était d’une certaine manière la police de l’Église, était de convertir de nouveaux individus à la religion catholique et de limiter l’hérésie au sein des peuples sous autorité papale.

La chasse aux sorcières est un évènement important, très représentée dans l’iconographie moderne

C’est au XVe siècle que les pouvoirs de l’Inquisition ont été considérablement augmentés et que la chasse aux sorcières s’institutionnalise. Le 5 décembre 1484, le pape Innocent VIII condamne la sorcellerie avec la Bulle Summis desiderantes affectibus (désireux d’ardeur suprême).

Deux membres de l’Inquisition sont nommés alors par le pape, pour lutter contre la sorcellerie : Jacques Sprenger et Henry Institoris. Ils écrivent et publient le livre Malleux Maleficarum (Le Marteau des sorcières) en 1486.

Le livre fait consensus entre catholiques et protestants et régit la lutte contre les sorcières.

La chasse aux sorcières au cœur de la démonologie

Ces deux événements marquent le début d’une lutte acharnée contre les sorcières. Dès lors des thèmes comme la démonologie prennent plus de place dans les débats philosophiques et religieux. La démonologie désigne l’étude des démons et des croyances inhérentes. Cette pratique prend de l’importance aux prémices de la chasse aux sorcières et se développe considérablement durant cette période.

Les plus hautes autorités ecclésiastiques encouragent l’étude des entités du mal. Cette étude démontre qu’il y a le Bien et le Mal représentés en la personne de Dieu et du Diable, accompagné d’anges suivant la voie du Bien ou du Mal, et faisant office de messager entre les Hommes et le Divin.

Le livre Malleus Maleficarum est le premier ouvrage traitant de démonologie judiciaire.

Exécution de Anne Henricks à Amsterdam en 1571 - Jan Luyken | Domaine public
Exécution de Anne Henricks à Amsterdam en 1571 – Jan Luyken | Domaine public

Extrait du Malleus Maleficarum

« [Malleus Maleficarum] a contribué plus qu’aucun autre avant lui à identifier la magie populaire comme une forme d’hérésie joignant ainsi un crime civil à un crime religieux et incitant les tribunaux laïcs à la répression. D’autre part, jamais auparavant on n’avait dit aussi nettement que la secte diabolique est essentiellement constituée de femmes ».

Selon les dires de Jean Delumeau dans son livre La Grande répression de la sorcellerie, la peur en Occident XIVe/XVIIIesiècles

Ce monde magique s’intègre dans une société qui a de l’imagination. Selon les idées de Robert Muchembled dans son livre La Sorcière au village, XVe – XVIIIe siècle, la société du Moyen Âge est hanté par une crainte continuelle d’un malheur qui se présage. Cet état de fait n’est pas non plus sans raison, il faut rappeler que la période est marquée par la crainte de la faim, de la misère, du froid, des animaux sauvages, des guerres, des épidémies etc.

Ces malheurs bien réels mais dont les origines étaient associées à des croyances où se croisaient démons, loups garous, les fées, les licornes, etc. Dans l’Europe des années 1600, hormis l’Italie du Nord et les régions de Flandres et Hollande qui sont urbanisées, le reste de la population est constitué de paysans. Dans ce millénaire sous domination chrétienne, l’imaginaire collectif est cohérent et diffus dans l’Europe, quelque soit la localisation.

Malgré le prosélytisme chrétien en Europe, il y a toujours des rites païens et des croyances païennes, dans les monstres et les démons. Les zones rurales, majoritaires à cette période, sont le terreau fertile des histoires folkloriques et à la naissance du mythe, de la peur et la chasse des sorcières.

De plus, pendant une longue période ces croyances païennes étaient incorporées dans la trame chrétienne, afin de galvaniser tous les individus sous la même croyance en considérant ces pratiques comme de « l’ignorance », ou des « traditions indéracinables ». Les deux documents que nous allons étudier, sont témoins d’une période trouble et sanguinaire pour les sorciers et sorcières.

Une documentation à charge contre les sorcières

Le premier document voit son histoire se dérouler en 1658 en Franche-Comté, territoire qui à l’époque n’est pas encore un territoire de la France. Le second document se déroule en 1652 à Rieux-en-Cambrésis dans les Flandres, ainsi les deux documents racontent des faits qui ne se sont pas déroulés techniquement en France (en parallèle dans les Treize colonies se déroule les procès des sorcières de Salem).

La France fait acte de clémence envers la sorcellerie contrairement à ses voisins européens. Les extraits présentés sont tirés de l’ouvrage de Robert Muchembled, La Sorcière au village XVe-XVIIIe siècle publié en 1979. C’est est un historien moderniste français né en 1944. Les extraits que nous allons commenter sont des comptes rendus, datant, pour le premier de 1658 et pour le second de 1652. Ils ont pour but de définir la capacité ou non de la femme étudiée à être une sorcière. Bien qu’ils aient le même but nous avons ici deux scènes bien différentes.

Dans Le premier document la suspecte est visitée par trois maîtres-chirurgiens qui viennent l’ausculter, en lui plantant des aiguilles dans la tête. Dans le deuxième document, Susanne Goudry subit un interrogatoire, dans lequel elle nie tout d’abord le fait d’être une sorcière, puis dans une seconde partie avoue avoir pactisé avec le diable. Ainsi les deux documents, révèlent une réalité bien barbare de l’époque moderne : la chasse aux sorcières

Question que nous pouvons nous poser : Comment la société, mais également le pouvoir royal et religieux utilisent les sorcières comme bouc émissaire pour condamner tous les maux de la société ? 

Quelques liens et sources utiles

Garnot Benoît, Société, Culture et genres de vie dans la France moderne XVI-XVIIIe, Hachette, 1991

Garnot Benoît, Justice et société en France aux XVIe, XVIIe, et XVIIIe siècles, Ophrys, 2000

Robert Muchembled, Le roi et la sorcière : l’Europe des bûchers, XVe-XVIIIe siècle, Desclée, 1993

Jacob Rogozinski, « L’aveu de la vérité. Torture et confession dans la chasse aux sorcières », Les Temps Modernes, 2013

Basil Liddell HSallmann, Jean-Michel. « Carlo Ginzburg, Le sabbat des sorcières ». Annales, 1995

Sallmann, Jean-Michel. « Carlo Ginzburg, Le sabbat des sorcières ». Annales, 1995

Français, J, L’Église et La Sorcellerie : Précis Historique Suivi Des Documents Officiels, Des Textes Principaux et d’un Procès Inédit / Par J. Français, 1910

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