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Les traités de Westphalie en 1648, tournant majeur pour l’Europe

1648, le tournant dans l'histoire de l'Europe et de la diplomatie, qui permet de comprendre les relations internationales jusqu'à nos jours.
La Ratification du traité de Münster, 15 juin 1648 - Gerard ter Borch | Domaine public
La Ratification du traité de Münster, 15 juin 1648 – Gerard ter Borch | Domaine public

Avant les traités de Westphalie, en janvier et octobre 1648, l’Europe est déséquilibrée par les guerres de Trente Ans et de Quatre-Vingts Ans, impliquant alors une multitude d’acteurs. Entre 1618 et 1648, éclate un conflit – religieux à l’origine – entre le Saint-Empire romain germanique catholique et les princes protestants composant cette entité. Parallèlement, dès 1568, les Provinces-Unies luttent pour leur indépendance envers les Habsbourg d’Espagne.

À partir de 1635, ce conflit se fusionne à la quête de liberté religieuse des princes protestants et la guerre devient alors continentale, avec d’une part les Habsbourg d’Espagne et les États Pontificaux favorables au Saint-Empire, et d’autre part la Suède, les Provinces-Unies et la France soutenant la cause protestante. Ce congrès met donc fin à deux conflits européens majeurs, remodelant en grande partie l’équilibre européen, notion majeure des relations internationales modernes.

L’Europe de 1648, c’est un paroxysme, entre paix et conflits. L’Europe de 1648 n’est plus seulement continentale avec les États cités précédemment : elle est dorénavant mondiale. 1648 est un tournant dans l’histoire européenne et diplomatique, permettant de comprendre les relations internationales jusqu’à nos jours.

1648, une année de paix relative en Europe

Les paix de Westphalie

Officiellement ouvertes en 1644 et signées en 1648, les paix de Westphalie sont approuvées dès 1641 par le Saint-Empire romain germanique, la France et la Suède, marquant déjà les lignes directrices du congrès entre le grand perdant et les deux grands vainqueurs.

Après quatre années de négociations, les souverains et représentants des États européens – à l’exception de la Russie, de l’Angleterre et de l’Empire Ottoman – sont convoqués respectivement à Münster pour les puissances catholiques, et à Osnabrück pour les puissances protestantes.

À Münster, les négociations sont faites entre la France et le Saint-Empire romain germanique, ainsi qu’entre l’Espagne et les Provinces-Unies. À Osnabruck, la Suède et les princes protestants du Saint-Empire romain germanique discutent. Les pourparlers ayant lieu pendant la guerre, traiter est difficile, mais l’Empereur Ferdinand III signe finalement les textes le 24 octobre 1648, mettant fin à la guerre entre son Empire et le camp franco-suédois.

Dix mois plus tôt, l’Espagne signait l’indépendance des Provinces-Unies lors du traité de Münster. Ces paix de Westphalie affaiblissent les Habsbourg en maintenant la division religieuse et en renforçant le pouvoir des princes allemands (autonomie de guerre, d’alliance et de religion) en dépit du pouvoir impérial.

De nouvelles frontières pour les vainqueurs

Les vainqueurs redessinent alors l’Europe à leur avantage. Les traités de Westphalie obligent le Saint-Empire à céder des territoires aux vainqueurs – sur les 350 États le composant – et à reconnaître l’indépendance de certains territoires. 

Par ces traités, la France gagne trois évêchés (Toul, Metz, Verdun) et une grande partie de l’Alsace, à l’exception de Mulhouse et de Strasbourg. De son côté, la Suède obtient la Poméranie Occidentale et son port de Stettin, ainsi qu’une partie des archevêchés de Brême et de Verden qui lui valent un accès stratégique à l’embouchure des grands fleuves allemands et une place à la diète d’Empire.

Certains Etats allemands se voient attribuer un gain territorial, comme le Brandebourg avec la Poméranie orientale, la Saxe avec les Lusaces ou encore la Bavière avec le Haut-Palatinat.

Carte simplifiée de l'Europe après la paix de Westphalie en 1648 - Rake (pseudo Wikipédia) | Creative Commons BY-SA 3.0
Carte simplifiée de l’Europe après la paix de Westphalie en 1648 – Rake (pseudo Wikipédia) | Creative Commons BY-SA 3.0

Pour clore cette réorganisation du Saint-Empire, la France et la Suède notamment avaient le devoir du fait des traités de surveiller l’application de ces derniers dans tout le territoire impérial : même si des frontières réelles sont posées, les vainqueurs avaient le droit de regard et d’intervention légitime sur toutes les affaires de l’Empire.

L’aspect religieux au cœur des traités

L’autre point révolutionnaire de Westphalie c’est l’aspect religieux avec cette sortie de la Respublica christiana. Les mesures prises lors de ces traités sont lourdes de conséquences pour la Papauté : le calvinisme est officiellement reconnu et le principe Cujus regio, ejus religio devient le principe prédominant dans l’Europe de 1648.

C’est dans la lignée des princes luthériens de la paix d’Augsbourg en 1555 que les princes calvinistes se sont révoltés contre l’Empereur catholique lors de la guerre de Trente Ans, prônant le principe de liberté de culte. Selon ce dernier, l’autorité souveraine choisit la religion appliquée à son territoire et ses habitants. Le prince peut changer de religion même si elle est autre que celle de l’Empereur, et si les habitants ne sont pas d’accord, ils ont alors le droit de quitter le territoire sans représailles.

En théorie ce principe est le grand absolu, mais dans les faits, de nombreux conflits religieux persistent en Europe. En ressort une Europe des Princes affranchie de l’autorité du Pape qui n’a désormais plus qu’un rôle hautement symbolique.

Des conflits toujours nombreux et polymorphes en 1648

Des conflits religieux toujours importants en Europe

1648 est certes une année de paix à l’échelle européenne, mais en regardant au cas par cas, les pays continuent d’être touchés par des conflits de toutes sortes. Malgré la politique religieuse des paix de Westphalie, la tolérance n’est pas d’actualité dans les différents États européens et les tensions religieuses sont toujours très présentes en leur sein.

Les cas de conflits religieux sont multiples et plus ou moins violents. En Irlande, une guerre civile fait rage depuis 1642 entre les catholiques irlandais et les colons protestants anglicans et calvinistes. Les traités ne règlent en aucun cas la question, notamment de par l’absence de l’Angleterre au congrès.

De l’autre côté de l’Europe, les Habsbourg d’Autriche mettent de côté leurs ambitions d’expansion sur le territoire Ottoman temporairement : les États du Saint-Empire doivent faire face à « l’hérésie » protestante calviniste désormais reconnue par Westphalie et la conversion des princes à ce culte.

Une Europe sous tension, un peuple révolté

En dehors des conflits de religion, une tension se fait ressentir à travers toute l’Europe où de nombreuses révoltes/contestations éclatent et se poursuivent. En Europe occidentale, la France souffre de la guerre contre l’Espagne sur les plans économiques (impôts) et politiques (impopularité de Mazarin). Le mécontentement grimpe et en août 1648, le Parlement se dresse contre la politique fiscale de Mazarin : c’est le début de la Fronde parlementaire. Même si en apparence elle y ressemble, la Fronde est plus une somme de mécontentements que de révolte.

Outre-Manche, l’Angleterre connaît bel et bien des révoltes, avec la deuxième guerre civile entre 1648 et 1649 opposants les royalistes absolutistes soutenant Charles Ier, et les parlementaires libéraux dirigés par Cromwell. Deuxième temps de cette révolution après la première guerre civile de 1642 à 1646, elle fût très sanglante avec plusieurs milliers de morts.

En Europe orientale, le royaume de Pologne subit la révolte des cosaques Zaporogues qui incitent les paysans ukrainiens à se révolter en même temps qu’eux contre la noblesse polonaise pour obtenir leur indépendance. La révolte se transforma en véritable guerre d’indépendance avec batailles et pogroms, ébranlant tout le royaume.

Des conflits bilatéraux toujours d’actualité

En parallèle des révoltes et révolutions, les conflits bilatéraux sont, malgré les paix de Westphalie, toujours nombreux.

Traités de Westhphalie, Osnabruck 1648 | Domaine public
Traités de Westhphalie, Osnabruck 1648 | Domaine public

Prenons l’Espagne des Habsbourg. Encore en 1648 jusqu’au traité de Münster, elle combattait les Provinces-Unies et leur volonté d’indépendance. Le traité signé, elle continue la guerre sur deux fronts : la France et le Portugal. Contre la France de Mazarin, de la régente Anne d’Autriche et du jeune roi Louis XIV, l’Espagne poursuit la lutte en profitant de la Fronde qui déstabilise le royaume.

Cette guerre d’expansion territoriale reste malgré tout en faveur de la France étant donné la faiblesse et l’épuisement d’une Espagne en guerre depuis le début de la guerre de Trente Ans et son implication dans différents fronts : 1648 marque la fin de la prééminence de l’Espagne en Europe et le début de celle de la France. De plus, la monarchie espagnole fait face à la guerre d’indépendance portugaise. Le roi d’Espagne étant commun aux deux monarchies, le Portugal n’est pas indépendant. Dans l’élan de l’indépendance hollandaise, les insurrections s’amplifient et mettent à mal l’Espagne.

L’Europe se lance à la conquête du monde

État de l’Europe colonial en 1648

À partir de 1492, la première mondialisation est en route avec, à sa tête, deux pays européens qui deviennent à ce moment deux puissances mondiales : l’Espagne et le Portugal. Mais dès le XVIIe siècle, les autres États européens se lancent à la conquête de nouveaux territoires et remettent en cause la prééminence ibérique dans le monde, les jugeant alors illégitimes. Ce qui est pointé du doigt ce sont les traités de Tordesillas et de Saragosse, qui partagent alors le monde sous l’influence du Pape. Mais l’autorité religieuse – et donc le Pape – étant relayée au second plan, chacun estime alors pouvoir étendre son territoire pour bénéficier des avantages des possessions ibériques, et ce sans l’accord d’une autorité supérieure que la Nation.

La France, les Provinces-Unies, l’Angleterre, la Suède, la Russie et bien d’autres entament leur conquête du monde. Les empires coloniaux se forment en Amérique, sur le littoral africain, en Insulinde ou encore en Inde. Les territoires espagnols et portugais sont convoités par les nouveaux arrivés dans la course au monde. L’affaiblissement de l’Espagne par les guerres puis les traités de Westphalie, ainsi que les territoires portugais désormais sous la domination de la monarchie espagnole, est une occasion rêvée pour acquérir des territoires et étendre sa domination. Les colonies et territoires non découverts d’Amérique furent donc les premiers à attirer les nouveaux colons.

Le retournement de conjoncture en Amérique

Dominée depuis deux siècles par les Espagnols et les Portugais, l’Amérique change peu à peu de maîtres : les Français, les Anglais et les Hollandais – désormais indépendants – se partagent l’Amérique du Nord ainsi que l’Amérique Centrale et les Caraïbes.

Le cas des Antilles illustre parfaitement ce changement pour l’année qui nous concerne. Bien que l’Espagne ait colonisée les Antilles en 1492, les événements passés l’ont considérablement affaiblie. Son armée et sa flotte maritime – soit occupée en Europe, soit détruite – délaissent alors cette partie de l’empire, suscitant l’intérêt de nouveaux arrivants.

En 1648 encore, ces États continuent leur expansion dans les Antilles avec pour la France l’occupation (partage de Saint-Martin avec les hollandais) ou l’achat d’îles (en Guadeloupe l’île de Marie-Galante).

L’exemple de la Hollande et de son empire coloniale naissant

Les Provinces-Unies en 1648 sont maîtresses d’un empire colonial très récent mais s’étendant déjà tout autour du monde. Ayant dépassé leur maître espagnol lors de l’indépendance officielle obtenue lors du traité de Münster, les Provinces-Unies ont entamé leur âge d’or : elles sont les puissances maritimes et économiques dominantes en Europe.

En Amérique, elles contrôlent des îles des Caraïbes et des territoires brésiliens jusqu’alors portugais (Nouvelle-Hollande) dont ces derniers luttent pour les reconquérir. En Afrique, elles possèdent des comptoirs en Mauritanie, au Sénégal, au Bénin ou plus récemment en Angola où elles récupèrent des comptoirs au Portugal.

Enfin, en Asie, sa domination est assurée par la célèbre Compagnie néerlandaise des Indes orientales. Les Provinces-Unies se voient reconnaître par les Espagnols lors du traité de Münster des territoires à Malacca ou en Inde mais elles vont conquérir des comptoirs en Insulinde après la renonciation de l’Espagne à continuer son expansion sur ce territoire.

Les Provinces-Unies sont le parfait exemple de ce qu’incarnent les nouvelles relations internationales à partir de 1648 : l’État a su tirer avantage de la diplomatie à Westphalie en devenant indépendante et en étendant son territoire par les colonies pour montrer sa puissance rayonnante dans le monde et montrer sa domination sur les autres.

Pour en savoir plus sur leur vision du monde, découvrez notre article : Le planisphère Nova Orbis Tabula in Lucem Edita des Hollandais.

Conclusion

1648 est bel et bien un tournant majeur dans l’histoire de l’Europe et de sa diplomatie. Comme bien d’autres années, 1648 marque un temps partagé entre conflits et paix. Mais c’est aussi et surtout l’année où les rôles s’inversent : une « année zéro » semble démarrer dans la diplomatie européenne.

Malgré les paix de Westphalie, le continent est traversé par les conflits religieux, d’indépendance, de liberté ou encore d’expansion, marquant cette césure déjà visible au Congrès : les souverains agissent pour leur propre compte, pour leur État et leur domination sur les autres. La religion est passée au second plan car on ne combat plus contre les « hérétiques » (Iustus bellum) mais contre ces concurrents. Cette concurrence se retrouve désormais à une échelle nouvelle pour un certain nombre d’États : le Monde.

Quelques références sur le sujet

BALARD Michel (Dir.), Le XVIIe siècle (1620-1740), Hachette, Paris, 2005.

BELY Lucien, Les relations internationales en Europe (XVIIe – XVIIIe siècles), PUF, Paris, 2001.

GANTET Claire, La Paix De Westphalie, 1648 Une Histoire Sociale, XVIIe-XVIIIe Siècles, Belin, Paris, 2001.

LEBRUN François, L’Europe et le monde (XVIe-XVIIIe), Armand Colin, Paris, 2002.

LEBRUN François, Le 17e siècle, Armand Colin, Paris, 2003.

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