Au XVIIe siècle, les Pays-Bas entrent dans la période la plus remarquable de leur histoire, un siècle d’or : hégémonie économique et maritime, croissance démographique, prospérité culturelle et artistique, expansion territoriale…
L’histoire moderne de l’Europe est ainsi marquée à l’époque par la superpuissance néerlandaise. Cette période a largement contribué à façonner l’identité nationale des Pays-Bas et a été porteuse, du point de vue artistique, de productions aujourd’hui célèbres dans le monde entier, tel que la fameuse huile sur toile La Laitière, réalisée par Johannes Vermeer en 1658.
La naissance du premier État souverain néerlandais
À partir de 1556, la maison des Habsbourg hérite des provinces historiques qui composent les Pays-Bas de l’époque, soient les actuels Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg réunis. En passant sous le joug de la monarchie espagnole des Habsbourg, la tension monte au sein de la population néerlandaise.
En effet, d’importantes taxes sont imposées aux ménages par le législateur et de nombreux prêts à des compagnies financières néerlandaises servent à financer les guerres récurrentes de l’Espagne avec la France. De plus, le protestantisme, initié par Martin Luther au début du siècle, se diffuse aux Pays-Bas et est alors fortement réprimé par la monarchie espagnole, qui s’avère être historiquement catholique.
La forte présence de protestants dans le nord du pays conduit alors les Provinces-Unies, soit les sept provinces qui constituent les actuels Pays-Bas, à se soulever contre le roi d’Espagne Philippe II. Cette révolte donna lieu à la terrible guerre de Quatre-Vingts Ans, entre 1568 et 1648, qui prit fin par la reconnaissance internationale de l’indépendance des Provinces-Unies par le traité de Münster.
L’essor de la superpuissance néerlandaise
Déjà durant la guerre d’indépendance, les grands centres urbains, et particulièrement Amsterdam, ont connu un important développement économique et commercial grâce à une forte concentration de capitaux économiques et financiers dans l’espace.
Il faut en effet rappeler que les Pays-Bas possèdent une forte densité de population, du fait de leur petite taille, mais aussi le taux d’urbanisation le plus élevé au début du XVIe siècle qui s’élevait déjà à 50 %, ce qui correspond à un habitant sur deux vivant en ville.
Une concentration de capitaux, source de richesse
Ce phénomène de concentration des richesses fut également accompagné par l’arrivée de protestants depuis l’ensemble du continent européen, persécutés dans leur pays d’origine et trouvant leur place dans les Provinces-Unies qui adoptèrent alors une politique de tolérance religieuse.
De plus, les grandes fortunes des Pays-Bas du sud ont aussi immigré vers les Provinces-Unies, pays dont l’activité économique est en plein essor. Ces vagues migratoires alimentaient la croissance des villes néerlandaises puisqu’elles apportaient capital, savoir-faire ou encore réseau d’affaires.
Également, la concentration de capitaux a favorisé le développement de nombreuses innovations dans divers domaines. Au niveau financier, la bourse d’Amsterdam, fondé en 1611, est la bourse de valeurs la plus ancienne au monde, créée pour répondre aux besoins de financement de la Compagnie des Indes Orientales (dont l’origine est développée quelques lignes ci-dessous) par la négociation d’actions, c’est-à-dire un titre de propriété délivré par une société permettant d’avoir un pouvoir de décision au sein de celle-ci et de toucher un revenu appelé le dividende. De plus, une « banque de change » fut créée afin de faciliter les échanges de monnaie.
Un urbanisme en avance sur son temps
Ces flux de populations génèrent un boom démographique, particulièrement à Amsterdam, où le nombre d’habitants passe de 50 000 à 210 000 au cours du XVIIe siècle. La capitale néerlandaise subit alors de grandes transformations pour répondre à une telle croissance : des quartiers sont développés à l’ouest de la vieille ville mais la construction de la première partie du quartier Grachtengordel est le principal chantier urbain du début du XVIIe siècle.
Également, trois des quatre canaux principaux de la ville sont creusés : le Herengracht, le Prinsengracht et le Keizersgracht. Le Grachtengordel ainsi que les canaux concentriques d’Amsterdam sont des aménagements aujourd’hui classé patrimoine mondial de l’UNESCO, ce qui montre notamment un urbanisme précurseur dans ce que l’on appelait au XVIIe siècle la ville la plus riche du monde.
Un empire colonial et une puissance maritime
Au début du XVIIe siècle, des marchands amstellodamois décident de fonder la Compagnie des Indes Orientales (1602) – considérée comme la première grande firme transnationale (FTN) de l’Histoire – ainsi que la Compagnie des Indes Occidentales (1621), afin de développer le commerce et d’étendre le territoire néerlandais au-delà du continent européen.
Les Provinces-Unies acquièrent de conquête en conquête des territoires en Amérique et en Afrique mais se concentrent surtout dans les Indes Orientales, où ils possèdent notamment l’actuelle Indonésie. Ils y fondent en 1619 Batavia, la capitale des Indes néerlandaises, qui fut renommée Jakarta lors de l’indépendance indonésienne. À son apogée, les Pays-Bas deviennent ainsi le deuxième empire colonial du monde après l’Empire britannique.
La Compagnie des Indes Orientales fondent un monopole commercial néerlandais avec l’Océan Indien et l’Extrême-Orient. Des comptoirs sont installés au Japon, à Taïwan, au Sri Lanka et en Afrique du Sud. De plus, les Provinces Unis affirment leur hégémonie commerciale en dominant le commerce des épices et des produits de luxe, qui étaient à l’époque la soie et la porcelaine notamment.
Un rayonnement artistique, culturel et scientifique
Le Siècle d’or hollandais désigne également une période d’effervescence pour l’histoire de la peinture. En effet, de nombreuses peintures hollandaises du XVIIe siècle sont aujourd’hui mondialement connues. Rembrandt, Johannes Vermeer, Jacob Van Ruisdael ainsi que Frans Van Mieris, pour ne citer qu’eux, ont marqué l’histoire de l’art par leur génie artistique mais également par la richesse de leurs témoignages historiques à travers leurs tableaux.
Par exemple, le petit tableau Femme à sa toilette peint en 1678 par Frans Van Mieris, où l’on aperçoit une jeune femme en train de se parer à sa coiffure, est assistée d’une jeune fille noire, qui est selon toute apparence sa servante. L’artiste néerlandais témoigne ainsi de la pratique de l’esclavage aux Pays-Bas au XVIIe siècle.
C’est la prospérité économique et la politique libertaire qui régnait dans le pays qui permit d’attirer nombre d’artistes et d’intellectuels de toute l’Europe. Les domaines de la peinture donc, mais aussi de l’optique, de la géographie et de la cartographie sont révolutionnés au XVIIe siècle par les Néerlandais. La cartographie nautique est plus précisément développée, à travers des guides, des cartes marines et des atlas décrivant les mers du globe.
Le déclin des Provinces-Unies
La puissance de l’empire néerlandais et son emprise sur le commerce international suscitèrent la jalousie de ses voisins, particulièrement l’Angleterre et la France, soucieux d’étendre leurs dominations sur les mers. En conséquence, trois guerres navales anglo-néerlandaises se succèdent entre 1652 et 1674.
Les Provinces-Unis sortent affaiblis de ces conflits tandis que les Anglais affirment leur puissance maritime en Europe du Nord. L’année 1672 est même retenue sous le nom de « rampjaar » qui signifie année catastrophique en néerlandais. Un dicton du pays décrit alors la situation « redeloos, radeloos, reddeloos » qui veut dire « Sans tête, sans espoir, sans salut« .
De son côté, pour des raisons politico-religieuses qui viennent s’ajouter à celles évoquées ci-dessus, le jeune monarque Louis XIV décide d’envahir les Pays-Bas en 1674 et provoque ce que l’on nomme aujourd’hui la guerre de Hollande. De multiples guerres opposant toujours la France et les Provinces-Unies au sein de différentes alliances eurent lieu par la suite telles que la guerre des Réunions, la guerre de la Ligue d’Augsbourg ou encore la guerre de Succession d’Espagne.
Tous ces conflits mènent à un déclin généralisé des Pays-Bas. La situation commerciale néerlandaise de premier plan en Méditerranée et en Amérique s’efface au profit des Anglais. En Asie, malgré la présence de la Compagnie des Indes Orientales, la France et l’Angleterre renforce leur position en Inde et dépasse ainsi les Provinces-Unies.
Ce bouleversement économique entraîne la paupérisation des habitants et la stagnation de la population néerlandaise au début du XVIIIe siècle, contrairement à ses voisins qui connaissent une explosion démographique. Le pays cesse alors d’être attractif pour les populations étrangères et les ouvriers qualifiés qui y résident émigrent ailleurs en Europe où leurs compétences sont très recherchées.
Quelques sources et liens utiles
Allain, T., Nijenhuis-Bescher, A. & Thomas, R. (2019). Introduction. Dans : , T. Allain, A. Nijenhuis-Bescher & R. Thomas (Dir), Les Provinces-Unies à l’époque moderne: De la Révolte à la République batave (pp. 5-7). Paris: Armand Colin.
Jean-Marie Desport. Quelques remarques à propos de l’Amsterdam du Siècle d’or. Expressions, 1999,
Spécial Histoire-Géographie, 13, pp.91-107. ffhal-02406135f
Épisodes d’Histoire. (2023, 24 janvier). Comment la superpuissance hollandaise s’est-elle effondrée ? [Vidéo].