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Le planisphère Nova Orbis Tabula in Lucem Edita des Hollandais

Le planisphère Nova Orbis Tabula in Lucem Edita a été réalisé par Frederik de Wit aux Provinces-Unies, durant leur âge d'or.
Nova Orbis Tabula in Lucem Edita a été publiée entre 1660 à Amsterdam. Elle a été réalisée par Frederik de Wit. C’est une carte à double hémisphère. Aujourd’hui un exemplaire est conservé à la bibliothèque royale de Belgique - Frederik de Wit | Domaine public
Nova Orbis Tabula in Lucem Edita a été publiée entre 1660 à Amsterdam. Elle a été réalisée par Frederik de Wit. C’est une carte à double hémisphère. Aujourd’hui un exemplaire est conservé à la bibliothèque royale de Belgique – Frederik de Wit | Domaine public

Les Provinces-Unies, un territoire de marins et une puissance maritime indéniable

Un entrepreneur de l’impression de planisphères

La Nova Orbis Tabula in Lucem Edita est le troisième planisphère que nous allons étudier dans notre série d’articles. Ce planisphère a été publié à Amsterdam (Provinces-Unies) en 1662 par Frederik de Wit. L’auteur était un cartographe et graveur néerlandais. Il est plus difficile de connaître les caractéristiques précises de cette carte, ainsi, certaines informations sont manquantes (contrairement aux autres planisphères étudiés).

L’auteur Frederik de Wit a été très prolifique dans son travail de cartographe, il a réalisé de nombreux plans, cartes ou gravures du globe, de l’Europe ou bien des Pays-Bas. Malheureusement, les annotations sur les cartes, comme la date, ne sont que rarement présentes. Frederik de Wit a fondé une entreprise d’imprimerie en 1654. Il connaît une impressionnante renommée internationale avec ses travaux (cartes, plans…).

Les Provinces-Unies à la conquête du monde

Cette période marque également l’âge d’or des Pays-Bas (Provinces-Unies) à l’échelle internationale, entre 1584 et 1702. Les Pays-Bas, grâce à la liberté de culte, attirent de nombreux savants, écrivains, érudits, navigateurs permettant de développer de nombreux pans de l’économie hollandaise. Très vite, les pays voisins commencent à être envieux. Ainsi, en 1652 l’Angleterre lance les hostilités et à la fin du XVIIe siècle la France assène le coup de grâce aux Pays-Bas.

Lors de cette courte période de prospérité, les Hollandais réussissent à construire un véritable monopole commercial sur l’ensemble du globe. Ils créent la Compagnie néerlandaise des Indes orientales en 1602, qui obtient le monopole du commerce néerlandais entre l’Afrique de l’Est, l’Océan Indien, l’Asie et l’Extrême-Orient. À partir de 1621, il y a la création de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales qui obtient le monopole du commerce néerlandais en Afrique de l’Ouest, en Amérique, dans l’Océan Pacifique et dans la partie orientale de la Nouvelle-Guinée.

Ainsi, les Provinces-Unies commercent et importent des biens de luxe de l’ensemble de leurs territoires, mais aussi de leurs colonies dans les quatre coins du monde.

Une carte plus technique, mais surtout plus détaillée

La carte est en couleur et contrairement aux deux planisphères de nos deux articles précédents (carte de Alberto Cantino, carte de Gérard Mercator), elle est représentée avec un double hémisphère, la partie droite représentant l’Europe, l’Asie et l’Océanie et la partie gauche le continent américain. Il y a également la représentation séparée du pôle Nord et du pôle Sud.

En plus de la représentation du globe, il y a la représentation cartographique des signes astrologiques sur la zone supérieure du planisphère. Il n’y a pas de roses des vents, mais des cartouches qui indiquent Polus Arcticus ou Polus Septentrionalis (Pôle Nord) à droite de la carte et Polus Meridonalis ou Polus Antarcticus (Pôle Sud) à gauche de la carte. Il y a également deux petits hémisphères pour chacun des deux pôles permettant d’avoir une vision plus précise de ces territoires. Le Pôle Sud contrairement au Pôle Nord n’est pas encore découvert. Les cartographes et les savants se doutent qu’il y a des terres dans cette zone, mais contrairement aux cartographes antérieurs, Frederik de Wit préfère ne pas apporter le tracé d’un territoire fictif, ou du moins non découvert pour le moment.

Il y a également deux petits hémisphères au centre bas de la carte qui représentent le système solaire sous deux formes, celui de Ptolémée, plaçant la Terre au centre du système solaire, et celui de Copernic avec le soleil au centre du système solaire et la Terre qui tourne autour. Cette représentation pourrait également expliquer la différence des deux hémisphères supérieurs représentant les signes astrologiques, avec l’hémisphère gauche représentant les signes astrologiques avec le système de Ptolémée et l’hémisphère droit avec le système de Copernic.

Enfin, les quatre éléments : la terre, le feu, l’eau et l’air sont représentés sur le planisphère. Ces représentations sont de style mythologique, correspondant à la redécouverte des œuvres antiques grecques et romaines, symbole de la Renaissance et de l’époque moderne. Des monstres et des hommes sont utilisés pour symboliser ces éléments. L’élément eau est représenté sous la forme d’un navire contemporain – à la réalisation de la carte.

Nous retrouvons sur le planisphère le Tropique du Cancer, le Tropique du Capricorne, le Cercle Polaire et également l’Équateur. Ils sont représentés en respectant la rotondité de la Terre.

Une source de la géopolitique du XVIIe siècle

L’auteur a intégré les frontières des différents pays de l’époque, et leurs zones d’influences en Europe, en Afrique, en Asie ou en Amérique. Cette représentation permet de se rendre compte de la répartition des terres connues. Il existe des territoires sans propriétaires, comme l’Ouest de l’Amérique du Nord. De nombreuses îles ont fait leur apparition dans les océans du globe. Les limites du monde semblent relativement repérables, avec l’Est de la Russie, le Sud de l’Océanie avec la pointe de l’Australie (Hollandia Nova), le Nord de l’Europe, autour du Groenland, le Sud de l’Amérique du Sud et le Nord-Ouest de l’Amérique. Il y a bien moins de détails et même un manque d’information qui semble volontaire, préférant ne pas ajouter de superflu. Il y a à la manière des portulans le nom des ports et des villes, mais cette fois ce sont seulement les ports et les villes les plus importants.

L’hémisphère de droite nous présente d’importants détails, bien plus que dans les cartes précédentes. Nous pouvons remarquer la présence de l’Australie sous le nom de Hollandia Nova. Les différentes îles de l’Océanie sont également davantage détaillées. C’est aussi le cas de l’Amérique dans le planisphère de gauche, mais des erreurs sont toujours présentes, comme la représentation du Brésil, et l’île de Californie. Il y a la disparition des ajouts ésotériques ou fictifs que nous pouvions retrouver dans les cartes précédentes.

Nova Orbis Tabula in Lucem Edita a été publiée entre 1660 à Amsterdam. Elle a été réalisée par Frederik de Wit. C’est une carte à double hémisphère. Aujourd’hui un exemplaire est conservé à la bibliothèque royale de Belgique. - études des planisphères
Nova Orbis Tabula in Lucem Edita a été publiée entre 1660 à Amsterdam. Elle a été réalisée par Frederik de Wit. C’est une carte à double hémisphère. Aujourd’hui un exemplaire est conservé à la bibliothèque royale de Belgique. – études des planisphères [version haute qualité du planisphère].

Quelques liens et sources pour comprendre l’histoire des planisphères à l’époque moderne

Auteur inconnu, Carta da navigar per le Isole nouam tr [ovate] in le parte de l’India: dono Alberto Cantino al S. Duca Hercole., Bibliothèque Estence de Modène, Italie, 1502

GerardusMercator, Nova et Aucta Orbis Terrae Descriptio ad Usum Navigantium Emendate Accommodata, Duisburg, 1569, BnF

Frederik de Wit, Nova Orbis Tabula in Lucem Edita, Amsterdam, entre 1660 et 1680, Bibliothèque royale de Belgique

Guillaume Delisle, Mappemonde a l’usage du Roy, Paris, 1720, BnF

PELLETIER, Monique. Science et cartographie au Siècle des lumières In : Cartographie de la France et du monde de la Renaissance au Siècle des lumières. Paris : Éditions de la Bibliothèque nationale de France, 2002

KABAKOVA Galina, « Baba Yaga dans les louboks », Revue Sciences/Lettres, 2016

TOLIAS Georges, « Représentations de l’espace, fin du Moyen Âge – époque moderne », Annuaire de l’École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 2017

DE CRAECKER-DUSSART Christiane, « La cartographie médiévale : d’importantes mises au point », Le Moyen Age, 2010/1 (Tome CXVI), p. 165-175

MOLHO Anthony, RAMADA Curto Diogo, « Les réseaux marchands à l’époque moderne », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2003/3 (58e année), p. 569-579

CHASSAGNETTE Axelle, « Les usages de la cartographie au début de l’époque moderne (XVe-XVIIe siècle) / Der Gebrauch der Karten am Anfang der Frühen Neuzeit (15.-17 Jahrhundert) », Revue de l’IFHA, 2009

BnF – Les cartes marines. http://expositions.bnf.fr/marine/arret/10-32.htm

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