Aussi populaire que la place du Ralliement, la place Rochefoucauld-Liancourt, de son nom complet, connaît une importante aura auprès des Angevins. La gratuité et l’espace immense qu’elle réserve pour garer les véhicules lui permettent d’être connue par tous. Lieu également de la Foire Saint-Martin, se déroulant entre le premier et dernier week-end de novembre, la place Rochefoucauld est véritablement au cœur du quotidien des Angevins.
Plus grande place de la ville, avec une superficie de 4 hectares, la place a été gagnée sur la rivière au cours du XIXe siècle. Auparavant simple bras de la Maine, l’espace était dangereux et putride.
Un plan de transformation de la ville d’Angers
En 1856, une importante inondation a lieu à Angers, qui est historiquement touchée par ce type de catastrophes naturelles. La rivière de la Maine marque la jonction entre la Mayenne, la Sarthe et le Loir. Les années pluvieuses sont souvent sources d’inondation aux alentours d’Angers et dans la ville, encore aujourd’hui.
Cette catastrophe accélère les plans de sécurisation de la berge. Un plan d’exhaussement des « bas quartiers » est alors soutenu par l’État afin de rectifier le cours de la rivière.
Une inondation dévastatrice
L’inondation de 1856 est une véritable catastrophe pour Angers, mais aussi pour le reste de la France, en effet plusieurs fleuves sont en crues et notamment la Loire et le Rhône. Lyon, Avignon, Blois ou encore Tours sont sous les eaux.
Pour le cas de la Loire, la crue de 1856 marque la région durablement, en effet elle atteint des niveaux records, pas vue depuis 1790. Encore aujourd’hui, elle reste une crue de référence pour prévenir les risques d’inondation.
Plus de 100 000 hectares le long de la Loire, surtout en aval de l’Allier sont sous les eaux. Dans la périphérie d’Angers, la carrière d’ardoise de Trélazé est inondée, stoppant la production pendant de longs mois.
Les crues sont telles que Napoléon III organise plusieurs visites dans les grandes villes touchées par la catastrophe. En juin 1856, il se rend notamment à Orléans, Blois, Angers et Tours.
Il alloue plusieurs enveloppes pour aider à la reconstruction, notamment 300 000 francs pour Lyon, et plus de 27 millions de francs pour reconstruire les ponts, les églises ou les digues sur le territoire. La place Rochefoucauld-Liancourt s’intègre donc dans la volonté de la municipalité de sécuriser les berges de la Maine.
Un chantier financé par l’État
Les travaux ne sont pas lancés directement à la suite de l’inondation. Plusieurs idées sont délibérées, en lien avec les volontés des habitants de la Doutre notamment. Ils souhaitent le comblement du canal des Tanneries, puis son extension vers la boire Saint-Jean, entre l’hôpital et l’île Saint-Jean.
En parallèle, l’architecte de la ville envisage d’édifier un nouveau quartier sur la boire Saint-Jean. Par délibération municipale du 30 décembre 1867 est adoptée la création de ce quartier, mais très vite le projet évolue, notamment avec le souhait en 1868 de créer une place devant l’école des Arts et Métiers.
La place est tour à tour agrandie entre 1880 et 1887, sous la pression des habitants.
En 1877, la construction du nouveau quartier est donc lancée, devant l’école des Arts et Métiers. Les ingénieurs des Ponts et Chaussées engagés par l’État ne se préoccupent que de la construction du quai et non des remblais à la charge de la ville. Très vite la zone devient marécageuse et putride, la municipalité prend énormément de retard.
Le chantier est en effet partagé entre l’État à hauteur de 350 000 francs et la ville, l’un s’occupant du quai l’autre du remblai pour combler la boire Saint-Jean, un bras mort de la Maine. Les travaux prennent donc du retard, causant des désagréments localement.
« Le directeur de l’école des Arts impute la mort d’un de ses élèves au printemps de 1880 par suite d’une fièvre typhoïde à ce marécage, mais cela n’a rien à voir avec les fièvres paludéennes… »
Le Maire de la ville dans une lettre au Préfet.
La municipalité cherchant à faire porter la responsabilité à l’État. Malgré ces péripéties, la place est livrée à la ville en 1884 et définitivement terminée en 1885.
Inauguration de la place Rochefoucauld-Liancourt
Initialement nommé le quai des Arts, la place prend le nom de Rochefoucauld-Liancourt le 27 juin 1890 par choix du conseil municipal. Le choix du nom est un hommage au duc François de La Rochefoucauld-Liancourt, fondateur de l’école d’Arts et Métiers limitrophes de cet espace.
Très vite la place devient un espace de vie, propice pour organiser des événements grâce à sa taille impressionnante à deux pas de la ville. Revue militaire, marché aux bêtes, fanfare, le quartier s’anime. La première festivité importante de la place Rochefoucauld-Liancourt est la fête des Fleurs en 1894. Des jeux, des spectacles de la musique et un feu d’artifice sont organisés pour le plus grand bonheur des badauds.
La place Rochefoucauld un lieu de vie depuis des décennies
Depuis son inauguration en 1884, la place Rochefoucauld-Liancourt se veut être un lieu de rassemblement pour les Angevins, que ce soit pour des défilés militaires, des foires ou encore des événements ponctuels. L’espace libéré, et à seulement quelques pas du centre d’Angers, offre un lieu d’exposition incroyable.
Sur Angers, d’autres espaces connaissent d’importants rassemblements, c’est notamment le cas de la place du Ralliement, véritablement au cœur de la ville. La place du Champ-de-Mars (actuelle place du général Leclerc) devant la Palais de justice, est aussi un lieu de vie pour les Angevins. Cette place a longtemps été le lieu pour la foire Saint-Martin, qui a définitivement migré vers la place Rochefoucauld-Liancourt en 1964.
La Foire Saint-Martin
Événement au comment célèbre à Angers, la foire Saint-Marin tient ses origines du XVIIe siècle, d’une foire tenue depuis au moins 1624 sur Angers le mercredi précédant la Saint-Martin (fêtée le 11 novembre). Les sources historiques sont nombreuses : Almanach royal de 1700, bail adjugé en 1656 ou encore le Journal de l’agriculture, du commerce et des finances de 1769 à évoquer cet événement de fête et de commerce. Elles présentent une foire imposante, franche, durant 8 jours, offrant la possibilité aux clients d’acheter des draperies, de la mercerie, des bijoux, des bêtes, etc.
Aujourd’hui la foire Saint-Martin est la deuxième plus grande de l’Ouest, derrière celle de Bordeaux. 600 forains y sont présents, et plus de 300 000 visiteurs s’y rendent. C’est véritablement un événement à Angers, tant par les festivités que ça génère, que par les problèmes que ça engendre, notamment au niveau des places de parking. L’installation de la foire supprime des centaines de places de parking à Angers, pendant un mois…
Les berges de la Maine
Sujet plus éloigné, mais qui a son importance, l’urbanisation de la Maine, notamment avec la place de la Rochefoucauld-Liancourt a réduit drastiquement les activités de loisir, mais aussi économique de la ville d’Angers le long des berges.
Pendant des siècles la Maine était un espace économique, notamment grâce à des ports qui permettaient le commerce sur la Loire, la Mayenne, ou encore la Sarthe. L’ensemble des marchandises étaient charriées par bateau : ardoises, toiles, bois, farines, vins, tuffeau, charbon, sable… Le transport se faisait également via la rivière, puis la Loire, notamment entre Angers et Nantes.
La baignade était populaire et les fêtes nombreuses. Les nombreux bras et îlots permettaient un écoulement sporadique de la Maine. L’urbanisation a permis de limiter les bras en un seul principal, tout en augmentant l’espace urbain angevin, sans expansion initiale sur les terres agricoles limitrophes de la ville, mais réduisant drastiquement les accès à celle-ci.
La rive gauche est complètement bouclée par une voie rapide qui a déconnecté Angers et la rive de la Maine. Depuis 2006, des projets de réaménagement sont en cours, pour valoriser les berges au profit des Angevins.
Découvrez aussi l’histoire de la célèbre distillerie Cointreau, installée à Angers à partir du XIXe siècle, dans un autre article de Revue Histoire.
Quelques liens et sources utiles
Roland Degouy, Angers, Editions Sutton, 2019
Almanach royal de Laurent d’Houry, sur Google Books
Recueil des privilèges de la ville et mairie d’Angers, 1748
Journal de l’agriculture, du commerce et des finances, édition de 1769
Michel Raclin, Une Mémoire sur les gares d’Angers, Éditions Cheminements, 1999
Jacques Sigot, Lionel Houis, Olivier Bouze, Angers d’Antan, Hervé Chopin Éditions, 2021
Sylvain Bertoldi, La Rochefoucauld, les péripéties d’une place gagnée sur la rivière, 2002