Les Graciés de l'Histoire de Marlène Sándor, un livre à découvrir !

Le passé islamique de la ville de Grenade

Pour diffuser l'islam au monde entier, les musulmans envahissent la péninsule ibérique, une invasion séculaire qui prend ses fins à Grenade.
L'Alcazaba (la forteresse) de l'Alhambra de Grenade, Espagne - Jebulon | Domaine public
L’Alcazaba (la forteresse) de l’Alhambra de Grenade, Espagne – Jebulon | Domaine public

La croissance de la population islamique au VIIe siècle a été l’une des principales raisons qui ont favorisé l’émergence de la civilisation arabo-musulmane. Dans leur projet de propager l’islam aux quatre coins du monde, les musulmans mettent en œuvre leur plan de conquête de l’Hispanie.

Au VIIe siècle, tandis que les Wisigoths se félicitent de la prise totale de l’Hispanie, de l’autre côté de la Méditerranée, au Maghreb, l’armée musulmane prépare en secret la chute des Wisigoths et rassemble plus de 7 000 soldats pour la grande invasion de l’Espagne.

L’invasion musulmane de la péninsule ibérique

La population berbère, majoritairement originaire du Maghreb, n’avait pas trop le choix de s’opposer à l’arrivée de l’Islam. Forts de leur pouvoir de persuasion, les Arabes réussissent à répandre la religion islamique depuis le Moyen-Orient jusqu’au Maghreb. Considérée comme une obligation morale, les musulmans se sont donné pour mission d’unifier leur religion à travers le monde. Arrivés au Maroc, ils ambitionnent de traverser la Méditerranée pour éradiquer toute forme d’anarchie et instaurer les préceptes de l’Islam.

La conquête musulmane de la péninsule ibérique n’aurait pas connu son essor sans la perspicacité et la stratégie des deux braves hommes qui ont incarné les rôles de généraux et dirigeants des forces.

Moussa Ibn Noussair et Tarik Ibn Ziyad vouent leur vie et leurs troupes au service des Omeyyades, leur jurant fidélité et dévouement. Le Califat des Omeyyades est la dynastie islamique qui a joué un rôle très important dans l’émergence de la civilisation musulmane dans le monde. Après la conquête de la péninsule Arabique, les Omeyyades mettent à exécution leur plan d’invasion hispanique.

Profil de la ville de Grenade capitalle du royaume de Grenade en Espagne. Appartient à : Atlas Geographique Contenant Les Cartes d'Espagne, de Portugal, et d'Italie ; où sont les Etats de Piémont, de Gênes, de Milan, de Parme, de Modène, de Mantoue, de Venise, de l'Eglise, de Toscane, des Deux-Siciles, des Isles de Corse, et de Sardaigne , et de celle de Malthe. Tome XII - BnF Silvestre, Israël | Domaine public
Profil de la ville de Grenade capitalle du royaume de Grenade en Espagne. Appartient à : Atlas Geographique Contenant Les Cartes d’Espagne, de Portugal, et d’Italie ; où sont les Etats de Piémont, de Gênes, de Milan, de Parme, de Modène, de Mantoue, de Venise, de l’Eglise, de Toscane, des Deux-Siciles, des Isles de Corse, et de Sardaigne , et de celle de Malthe. Tome XII – BnF Silvestre, Israël | Domaine public

Au printemps de l’an 711, les Omeyyades ont mis le cap sur le continent européen, d’abord à Gibraltar, où Tarik Ibn Ziyad a inauguré la « conquête musulmane de l’Espagne ». Les forces Omeyyades se sont retrouvées face à une résistance mal menée de la part des autochtones. Ils ont alors profité de leur affaiblissement pour s’emparer de plus de territoires et gagner du terrain en remontant vers le nord.

Plusieurs batailles ont eu lieu et le bilan était toujours favorable pour les musulmans. Au Maroc, les flottes omeyyades ont déjà commencé des allers-retours depuis le détroit de Gibraltar, faisant ainsi traverser la population islamique, arabes et amazighes, au territoire espagnol rebaptisé « Al-Andalus« .

Pour asseoir leur dynastie en Espagne, les Omeyyades ont su choisir le moment opportun pour leur conquête plutôt que de se lancer dans une guerre longue et coûteuse, ils ont attendu la fragilisation du royaume wisigoth. En effet, ils connaissaient d’importantes mutations de pouvoir.

En effet, le roi Roderic, très fragilisé dans son pouvoir, venait d’être élu souverain du royaume wisigoth lorsque Moussa Ibn Noussair donna l’ordre à ses hommes de conquérir la péninsule. Le roi Roderic fut rapidement chassé de son trône, le 11 juillet 711, lors de la fameuse « bataille de Guadalete » où Tarik Ibn Ziyad remporta une victoire décisive. L’armée musulmane est sortie victorieuse de cette bataille et le butin fut tel que la tête du roi Roderic fut obtenue. Cette victoire importante n’aurait pas été possible sans la trahison des frères du roi déchu.

L’arrivée de l’islam à Grenade

À côté de Séville, Cordoue et plusieurs autres communes espagnoles, Grenade faisait aussi partie de ces villes hispaniques qui ont troqué leur allégeance catholique des monarques Wisigoths contre une souveraineté typiquement musulmane sous le règne de Tarik Ibn Ziyad.

Un demi-siècle plus tard, après la grande invasion, les musulmans ont commencé à déléguer aux Walis la régence des territoires de la péninsule ibérique. En tant que gouverneurs, ceux-ci ont procédé à la construction de mosquées et à la destruction d’églises. Bien qu’elle ait commencé par les armes, la conquête islamique de l’Espagne revêt un aspect purement culturel et religieux. Les musulmans n’avaient alors aucune intention d’attaquer les civils ou de les abattre ; ils ont plutôt fait preuve d’une politique d’influence qui privilégiait le dialogue et l’échange.

L’ère musulmane de Grenade n’a été évoquée qu’en 860, soit un siècle et demi après la prise de la péninsule ibérique par les musulmans. C’est à cette époque que les Arabes l’ont nommée « Al-Hamra », qui signifie la couleur « rouge » en raison de ses devantures vermeilles. Le nom « Al Hamra » est donc à l’origine de l’appellation de la célèbre forteresse « Alhambra », qui est aujourd’hui un monument historique connu sous le nom de château rouge.

Vue de la ville de Grenade, en Espagne - Biblioteca Virtual de Andalucia | Domaine public
Vue de la ville de Grenade, en Espagne – Biblioteca Virtual de Andalucia | Domaine public

Ne pouvant pérenniser son union, la dynastie des Omeyyades commence à s’effriter progressivement. Plusieurs Émirats et sous-dynasties émergent et prennent le pouvoir, notamment à Cordoue qui fut le premier royaume islamique indépendant, sous la souveraineté d’Abd Al Rahman III. D’abord roi, puis calife et Emir des croyants, Abd Al Rahman III se donne alors une qualité de commandeur suprême des musulmans, son califat qui fait de Cordoue sa capitale, marque l’histoire de la civilisation musulmane en Espagne dont les vestiges se font visiter de nos jours, comme la grande mosquée de Cordoue.

Cependant, à l’instar de son prédécesseur, le califat de Cordoue commence à s’effondrer aux prémices de l’An Mil. Le trépas du calife Abd Al Malik Al Muzaffar en 1008 finit par certifier la chute du califat de Cordoue et rejeter toute supposition contestante. Une guerre civile s’est alors déclarée et la diversité ethnique du peuple andalou faisait augmener le nombre de batailles, entre les espagnols, les arabes, les amazighes ou encore les sub-sahariens.

Les Omeyyades peinèrent à retrouver leur union et l’affrontement pour le pouvoir a très vite généré des antagonismes qui ont fini par rétrécir l’étendue d’Al Andalous et donner naissance à des « Taîfas », il s’agit de la première fitna de la péninsule hispanique.

La « Taifa » de Grenade

En 1013, alors que l’Andalousie est toujours en guerre civile et confrontée à des luttes de pouvoir, les Zirides s’emparent de Grenade et de ses arrière-pays. Tous d’origine berbère, les Zirides établissent leur taifa indépendante à Grenade en 1013, sans événement particulier autre que la conquête de ce territoire.

Cependant, les Zirides n’ont pas été en mesure d’agrandir ou de préserver leur taifa, et après seulement 81 ans de règne, ils ont été expulsés par les Almoravides en 1090.

Le royaume de Grenade

Les Almoravides, les Almohades et finalement les Nasrides, sont les dynasties qui ont marqué l’histoire hispanique, et en particulier celle de Grenade, avec leur passé musulman. Ces différentes monarchies avaient toutes la même finalité : pérenniser l’islam et le diffuser aux quatre coins du globe. Néanmoins, la pression des chrétiens depuis le nord de la péninsule, ainsi que les différentes batailles arabo-berbères, ont fini par fragmenter Al Andalous.

En 1238, les Nasrides s’emparent de Grenade, ce qui marque le dernier épisode de la série des conquêtes islamiques en Espagne. Les Nasrides réussissent toutefois à régner de 1238 à 1492. Cette période a été marquée par une trêve où le roi de Castille Ferdinand III et le roi nasride Mohammed 1er ont signé le traité de Jaén, qui promulgue l’autonomie arabo-berbère sur le territoire de Grenade en échange d’une somme annuelle que le sultan Mohammed 1er doit verser à Ferdinand pendant 20 ans.

C’est à cette époque que les Nasrides ont réaménagé et bâti des palais et des édifices qui allaient plus tard marquer leur passage et l’histoire islamique de Grenade.

La prise de Grenade

En 1492, arrive enfin le dénouement de la longue histoire islamique en Espagne. Ayant pressenti leur chute, les Nasrides ont déjà renforcé les remparts de la ville en prévision de l’attaque des chrétiens. De leur côté, les couronnes d’Aragon et de Castille ont combiné leurs troupes pour mettre fin à la colonisation séculaire des musulmans.

Le 2 janvier 1492, la fin de toute présence islamique sur le territoire de Grenade ou sur toute autre portion de terre appartenant à l’Espagne est déclarée. Les rois catholiques ont rebaptisé le pays et ont expulsé tous les juifs et les musulmans.

Quelques sources et liens utiles

Agha Ibrahim Akram, La conquête musulmane de l’Espagne, éditions Ribat, 2022.

Pierre Guichard, La conquête arabe de l’Espagne au miroir des textes, Cahiers d’Etudes Hispaniques Médiévales, 2005, 28 pp. 377-389.

Rejoignez
la Newsletter Revue Histoire !

Sujets exclusifs, récapitulatifs, coups de cœur et vidéos à retrouver une à deux fois par mois.

Articles populaires

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Rejoignez notre Newsletter !

Sujets exclusifs, récapitulatifs, coups de cœur et vidéos à retrouver une à deux fois par mois.