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La question Sikh, source de tension entre le Canada et l’Inde

Le Canada a dû rapatrier 41 diplomates basés en Inde après un énième rebondissement dans les relations diplomatiques lié à la diaspora Sikh.
Cadets Sikh représentant le Collège militaire royal du Canada lors du service annuel du Jour du Souvenir sikh, qui se tient au cimetière de Mount Hope à Kitchener, en Ontario - Armyjunkie | Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0
Cadets Sikh représentant le Collège militaire royal du Canada lors du service annuel du Jour du Souvenir sikh, qui se tient au cimetière de Mount Hope à Kitchener, en Ontario – Armyjunkie | Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0

L’escalade des tensions entre le Canada et l’Inde a été déclenchée par les commentaires du Premier ministre canadien, Justin Trudeau. Il a évoqué l’implication possible du gouvernement indien dans l’assassinat d’un leader sikh en juin dernier près de Vancouver.

Le leader sikh, Hardeep Singh Nijjar, militant pour la création d’un État sikh indépendant en Inde appelé le « Khalistan », avait en effet été tué en Colombie-Britannique. Ces commentaires de Trudeau ont été qualifiés d' »absurdes » par le gouvernement indien, entraînant une réaction diplomatique forte de la part de l’Inde.

Escalade des tensions entre le Canada et l’Inde, sur la question Sikh

La situation a conduit à un rapatriement des diplomates canadiens en octobre dernier et à une interruption des services consulaires dans certains consulats indiens au Canada. Une situation qui ne peut que nous rappeler l’affaire des deux Michel entre le Canada et la Chine.

En réponse, le Canada a exprimé sa préoccupation face à cette décision de l’Inde, qualifiant la situation de violation du droit international. Cependant, le Canada a déclaré qu’il ne révoquerait pas l’immunité diplomatique des diplomates indiens sur son sol pour éviter d’aggraver la situation.

Cette crise diplomatique est également liée aux tensions historiques entre l’Inde et la diaspora sikh, en particulier au Canada. La question du Khalistan et le soutien éventuel apporté par certains groupes sikh au mouvement séparatiste ont été des sujets sensibles entre les deux pays.

En outre, les réactions et les implications de cette crise sont suivies attentivement par d’autres pays, notamment les États-Unis, allié historique du Canada, qui cherchent dans le même temps à renforcer leurs relations avec le gouvernement indien dirigé par Narendra Modi.

Les Sikhs, une histoire d’un siècle entre l’Inde et le Canada

Les Sikhs sont une communauté religieuse distincte en Inde, pratiquant le sikhisme, une religion monothéiste fondée au XVe siècle dans la région du Pendjab par Guru Nanak Dev Ji. Le sikhisme promeut des valeurs d’égalité, de justice, de service communautaire et de quête spirituelle. En Inde, les Sikhs sont une minorité importante, principalement concentrée dans le Pendjab. Leur histoire est marquée notamment par le massacre des Sikhs en 1984, à la suite de l’assassinat de la Première ministre indienne Indira Gandhi, et par les revendications pour la création d’un État indépendant appelé Khalistan.

La diaspora sikh au Canada a une présence significative depuis plus d’un siècle. Les premiers Sikhs sont arrivés au Canada au début du XXe siècle, principalement en Colombie-Britannique, malgré une forte discrimination et des restrictions d’immigration.

Ils sont arrivés avec le contingent militaire venu de Hong Kong pour participer au jubilé de la reine Victoria en 1897, puis ont participé au couronnement d’Édouard VII en 1902. Parmi les 5 000 premiers migrants d’Asie du Sud, 90 % étaient des Sikhs. Malgré une discrimination intense qui a conduit à l’interdiction de l’immigration en 1908, ces premiers arrivants ont fondé leurs premières institutions, dont la Vancouver Khalsa Diwan Society créée en 1906. En 1920, des gurdwaras ont été établis à New Westminster, Victoria et dans d’autres villes.

Les relations entre la diaspora sikh au Canada et l’Inde ont été complexes en raison de revendications nationalistes sikhes et de divergences politiques concernant la situation des Sikhs en Inde. Ces événements ont eu un impact significatif sur les relations bilatérales entre le Canada et l’Inde, soulevant des préoccupations majeures concernant la stabilité diplomatique et les interactions entre les deux pays.

Malgré cela, l’immigration sikh s’est développée dans les années 1960 après l’abolition des quotas raciaux. Le courant migratoire s’accentue pendant les années 1990 : le nombre de Sikhs au Canada passe de 145 000 en 1991 à 455 000 en 2011. Au fil du temps, de nouveaux arrivants sikhs, souvent plus éduqués et moins traditionnels, ont renforcé la présence et l’influence de cette communauté au Canada. La pratique religieuse, les événements culturels et la vie sociale ont contribué à maintenir et à enrichir l’héritage sikh au Canada.

Le Canada a également été le théâtre de décisions judiciaires importantes concernant la liberté religieuse des Sikhs, notamment en 2006, lorsque la Cour suprême du Canada a légalisé le port du kirpan – un poignard symbolique – dans les écoles publiques, reconnaissant ainsi le droit à la liberté religieuse tout en établissant des conditions de sécurité pour son port.

Quelques liens et sources utiles

AFP, Crise entre le Canada et l’Inde : Ottawa rapatrie 41 diplomates de New Delhi, Le Monde, 20 octobre 2023.

Buchignani, Norman, Sikhisme au Canada, L’Encyclopédie Canadienne, 11 août 2020.

Matringe, Denis, Les Sikhs. Histoire et tradition des « Lions du Panjab », Albin Michel, 2008.

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