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Anna Coleman Ladd : celle qui redonna visage à la Dignité

Anna Coleman Ladd a restauré la dignité de nombreux soldats en tant que sculptrice pendant la Première Guerre mondiale.
Anna Coleman Ladd et un soldat | Domaine Public
Anna Coleman Ladd et un soldat | Domaine Public

L’histoire de la guerre est ponctuée par des événements majeurs tels que les batailles épiques, les stratégies militaires et les conflits internationaux, dont la Guerre des Émeus en Australie est un exemple quelque peu insolite. Cependant, au-delà de ces récits bien connus, des histoires moins en vue émergent, révélant des actes de compassion et de créativité au cœur des périodes tumultueuses. L’histoire d’Anna Coleman Ladd figure parmi ces récits remarquables, celle d’une artiste américaine qui a laissé une empreinte profonde en créant des masques faciaux pour les soldats blessés lors de la Première Guerre mondiale.

Une Créatrice au Cœur Compatissant

Au début du XXe siècle, Anna Coleman Ladd a émergé en tant qu’artiste avec une vision unique et une compréhension profonde de la condition humaine. Alors que la Première Guerre mondiale faisait rage, de nombreux soldats revenaient du front avec des blessures défigurantes qui altéraient non seulement leur apparence physique, mais aussi leur estime de soi et leur interaction avec le monde extérieur.

Pendant sa jeunesse, elle se consacra à l’étude de la sculpture en travaillant trois ans à l’École des Beaux-Arts de Boston. En 1914, elle devint membre fondatrice de la Guilde des artistes de Boston, et elle prit part à l’exposition inaugurale ainsi qu’à l’exposition itinérante qui suivit, où elle présenta plus tard sa propre exposition individuelle. À la fin de l’année 1917, son mari, le Dr. Maynard Ladd, fut désigné pour diriger le Bureau de l’Enfance de la Croix-Rouge américaine à Toul. Bien qu’elle soit restée à l’arrière, Anna, dans sa recherche de moyens pour contribuer à l’effort de guerre, découvrit le travail de Francis Derwent Wood à Londres. Celui-ci se spécialisait dans la création de masques réalistes pour aider les soldats défigurés. Elle prit contact avec lui et ensemble, ils perfectionnèrent les techniques de fabrication de masques.

Ladd a créé le « Studio for Portrait-Masks » de la Croix-Rouge américaine en 1917 dans le but de fournir des masques cosmétiques à des hommes ayant subi de graves défigurations pendant la Première Guerre mondiale. Sa mission allait bien au-delà de la simple restauration de l’apparence physique ; elle visait à rétablir la dignité, la confiance et l’identité de ces hommes. En reconnaissance de ses services, elle a été décorée de la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur ainsi que de l’Ordre serbe de Saint Sava.

La Métamorphose Artistique vue par Anna Coleman Ladd

Anna Coleman Ladd et son équipe d’artistes dévoués ont abordé cette tâche complexe avec ingéniosité et dévouement. Utilisant des techniques de sculpture et de moulage, elles ont créé des masques spécialement conçus pour s’adapter aux contours uniques de chaque visage. Ces masques étaient réalisés à partir de matériaux tels que le plâtre et le cuir, offrant ainsi une solution durable et relativement confortable pour les soldats.

Chaque masque était une œuvre d’art en soi, conçue avec minutie pour refléter la personnalité et les traits du soldat concerné. Les artistes ont travaillé avec une attention méticuleuse aux détails, capturant l’expression et l’essence du visage de manière à ce que le masque ne soit pas seulement une prothèse, mais une extension de l’identité du porteur.

Restaurer l’Humanité et la Confiance

Les masques faciaux créés par Anna Coleman Ladd ont eu un impact profond sur la vie des soldats blessés. Plus que de simples objets utilitaires, ces masques ont servi de pont entre le monde intérieur et extérieur des soldats. Ils ont permis aux hommes défigurés de réintégrer la société sans être constamment marqués par leur apparence. Les masques ont offert un moyen de recouvrer leur confiance en eux, leur dignité et leur sentiment d’appartenance.

Cependant, le travail d’Anna Coleman Ladd ne se limitait pas à la création de masques. Elle a également joué un rôle crucial en offrant une écoute attentive et un soutien émotionnel aux soldats qu’elle a aidés. Cette posture de soutien émotionnel par l’écoute attentive fait par ailleurs penser au travail de Lionel Logue, qui a joué un rôle de quasi-soignant en tant que confident et soutien pour le roi George VI lors de son accession au trône d’Angleterre. Anna Coleman Ladd comprenait que la transformation physique ne suffisait pas ; il fallait également une transformation psychologique pour aider les hommes à surmonter les traumatismes de la guerre.

Héritage et Reconnaissance du Travail d’Anna Coleman Ladd

Portrait d'Anna Coleman | Domaine Public

L’héritage d’Anna Coleman Ladd résonne profondément, tant auprès des individus qu’elle a directement assistés que dans les domaines de l’art et de la médecine. Ses méthodes avant-gardistes ont ouvert de nouvelles perspectives dans le développement de prothèses et d’appareils médicaux personnalisés, marquant ainsi une avancée cruciale. De plus, son approche globale de la guérison a jeté les bases de l’approche contemporaine de la réhabilitation des blessés de guerre.

Pourtant, il est regrettable que son influence ne soit pas plus largement reconnue dans la société actuelle, malgré les preuves tangibles de son dévouement exceptionnel.

Portrait d’Anna Coleman | Domaine Public

Entre 1917 et 1919, elle a confectionné pas moins de 185 masques, démontrant ainsi sa détermination inébranlable à apporter un soulagement. Elle a généreusement offert ses services pour la création de ces masques, et chaque soldat pouvait en acquérir un pour la somme modique de 18 dollars, ce qui souligne encore davantage son altruisme et son désir sincère d’aider ceux qui avaient subi des blessures défigurantes.

Aujourd’hui, le travail d’Anna Coleman Ladd est désigné par le terme « anaplastologie ». Ce domaine englobe l’art, l’artisanat et la science de la restauration d’une anatomie absente ou déformée grâce à des moyens artificiels. Cette désignation atteste de l’influence profonde et durable de ses réalisations, qui continuent de façonner notre approche de la réhabilitation médicale et de l’art de la sculpture.

Quelques sources utiles

Ackerman, A. (2016). Redonner visage aux gueules cassées. Sculpture et chirurgie plastique pendant et après la Première Guerre mondiale. RACAR: Revue d’art canadienne41(1), 5-21.

Dussourt, P. B (2018). Anna Coleman Ladd (1878-1939), créatrice de l’Atelier des masques à Paris.

Amazing Ameziane, Sybille Titeux de la Croix (2018). L’atelier des gueules cassées, MARAbulles.

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