L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

Napoléon lors de la Ière Campagne d’Italie (1796-1797)

Alors récemment nommé général, Napoléon Bonaparte s’apprête à accroître sa renommée en emmenant les troupes de l’armée d’Italie à la victoire pendant la Guerre de la Première Coalition contre la France.
Le Général Bonaparte donnant des ordres à la bataille de Lodi, Louis -François Lejeune I Domaine Public
Le Général Bonaparte donnant des ordres à la bataille de Lodi, Louis -François Lejeune I Domaine Public

Alors récemment nommé général après son exploit au siège de Toulon en 1793, Napoléon Bonaparte s’apprête à accroître sa renommée en menant les troupes de l’armée d’Italie à la victoire pendant la Guerre de la Première Coalition contre la France. Ce fait d’armes constitue un exploit retentissant qui augmente son influence et commence à inquiéter les hautes sphères du pouvoir.

L’affectation attendue de Napoléon en Italie

À la suite de son exploit lors du siège de Toulon fin 1793, Napoléon, fraîchement nommé général, est un temps muté comme commandant de l’artillerie de l’armée française en Italie à Nice. Puis, il remonte à Paris, refuse un poste et erre sans réelle affectation jusqu’à ce qu’il commande, sous les ordres de Barras, député à la Convention, la répression des révoltes royalistes à Paris en octobre 1795.

Après ces événements, Napoléon est bien vu du Directoire (nouveau régime succédant à la Convention de 1795 à 1799) et notamment de ses membres, à savoir Paul Barras, grâce à qui il rencontre Joséphine, qu’il épouse en mars 1796, ainsi que Lazare Carnot, chargé des affaires militaires. Napoléon soumet sans cesse à Carnot les décisions qu’il prendrait s’il était à la tête de l’armée française d’Italie, alors en proie à de nombreuses difficultés face à la coalition contre la France.

Nous sommes en effet en pleine Guerre de la Première Coalition depuis 1792 : presque toute l’Europe est en guerre contre la France, dont l’Autriche, l’Angleterre, les provinces italiennes du Piémont et de Sardaigne. Toutes, à l’exception de l’Espagne et de la Prusse, nations retirées de l’alliance depuis le traité de Bâle en 1795.

L’Autriche, qui contrôle alors le royaume de Lombardie avec sa capitale Milan, lance de nombreuses attaques avec ses alliés piémontais et sardes à la frontière franco-italienne. L’Italie, territoire au cœur des enjeux géopolitiques, est en effet sujette à de nombreuses guerres depuis le XVe siècle entre les nations européennes. Nous avons évoqué cette période dans l’article suivant : La neuvième guerre d’Italie, un affrontement de puissances.

Côté français, l’armée d’Italie, commandée par le général Schérer depuis deux ans, manque cruellement de moyens et ne parvient pas à repousser définitivement les ennemis malgré quelques exploits.

Une armée française totalement démunie

Napoléon Bonaparte est finalement nommé commandant en chef de l’armée française en Italie, en guise de récompense pour ses exploits à Toulon et à Paris. Mais lorsqu’il arrive à Nice le 27 mars 1796, l’armée révolutionnaire, composée d’un peu plus de 30 000 soldats, est en bien mauvais état.

Les hommes meurent de faim, portent des guenilles en guise d’uniformes, ne touchent plus leurs soldes depuis des semaines et tombent souvent malades. De plus, ces soldats, doutant des capacités d’un nouveau commandant jugé trop jeune, ne songent même pas à le saluer. Ce doute est également partagé par les officiers commandant les divisions.

Napoléon, irrité par ces comportements, sait bien que tôt ou tard, il gagnera leur respect. Il est ainsi bien déterminé à surpasser la consigne donnée par le Directoire, qui est de contrer l’influence autrichienne dans le nord de l’Italie et surtout de remplir les caisses du régime, qui sont vides.

Comme à Toulon, Napoléon commence par réorganiser l’armée : il répartit son armée en seulement quatre divisions (contre neuf auparavant), avec pour commandants des deux premières les généraux Augereau et Sérurier.

Le général Masséna obtient un poste plus élevé en étant chargé de coordonner les deux dernières divisions, commandées par les généraux La Harpe et Maynier.

Le Général Bonaparte durant la Campagne d'Italie - Edouard Detaille I Domaine Public
Le Général Bonaparte durant la Campagne d’Italie – Edouard Detaille I Domaine Public

Napoléon opère un réapprovisionnement rapide et complet de l’armée. Il ordonne la fonte de nouvelles pièces d’artillerie, veille à l’alimentation en viande de ses hommes, contrôle les dépenses, réprime les mutineries et remonte le moral de ses troupes en leur promettant richesse, honneur et gloire en Italie.

L’offensive de Napoléon dans le Piémont

Une fois son armée prête, Napoléon Bonaparte franchit les Alpes avec ses troupes début avril.

Il doit alors lancer une offensive le 9 avril 1796, sur la route de Gênes, contre une alliance de troupes du Piémont et d’Autriche composée de 70 000 hommes, bien supérieure à ses 30 000 soldats français. Pourtant, une faille subsiste : les troupes autrichiennes sont séparées car stationnées dans des villages distants d’une dizaine de kilomètres chacun.

Dans la nuit du 12 avril, Napoléon fait marcher ses hommes et attaque séparément les Autrichiens stationnés à Montenotte et Dego, puis les Piémontais postés à Millesimo. En l’espace de quelques jours, les deux armées, alors séparées, reculent avec de nombreuses pertes, environ 8 000 morts chez les Autrichiens. L’armée française n’a, de son côté, perdu que 1 000 hommes.

Mais l’armée est indisciplinée et des pillages commencent. Napoléon est alors contraint de rappeler ses hommes à l’ordre et de fusiller certains coupables.

Le 21 avril 1796, les Piémontais vaincus se rendent et, le 25 avril, le roi de Piémont-Sardaigne signe avec Napoléon un acte de paix. Il ne reste alors que les Autrichiens à vaincre.

Des combats acharnés en Lombardie

Napoléon poursuit les Autrichiens au nord en Lombardie et les défait lors de la bataille de Lodi près de Milan, le 10 mai, où l’armée française franchit un pont sous le feu mitraillé de l’ennemi.

L’armée française prend ensuite Milan et Napoléon s’installe au Palais Serbelloni. Fin mai, il apprend que la Savoie et Nice sont officiellement cédées par le Piémont à la France. Cette victoire lui permet également de fournir au Directoire de l’argent, des bijoux et des tableaux qui aident à remplir les caisses du régime.

Extrait de Quatre cartes pour la Campagne d'Italie en 1800 - BNF I Domaine Public
Extrait de Quatre cartes pour la Campagne d’Italie en 1800 – BNF I Domaine Public

Le Directoire, bien que satisfait des résultats de Bonaparte, commence à redouter son influence et lui demande de laisser le général Kellermann administrer Milan tandis qu’il doit continuer la conquête au nord-est.

La peur qu’inspire Napoléon Bonaparte dans le pays est telle à ce moment que l’Italie centrale est sur le point de se soumettre à lui. En effet, le Saint-Siège, la République de Venise et le Royaume de Naples entrent en pourparlers et s’apprêtent à signer un traité de paix.

En revanche, le nord de la Lombardie, encore aux mains des Autrichiens, résiste. Une ville en est le symbole : Mantoue, véritable cité fortifiée près de Vérone, est entourée de marais qui la rendent imprenable, car uniquement reliée par plusieurs ponts eux-mêmes fortifiés. Les Français y font le siège des semaines durant sans pouvoir la faire tomber, malgré leurs 9 000 hommes présents.-

Mais lorsque le maréchal autrichien Wurmser arrive de Vienne en Lombardie début juillet 1796 avec une armée composée de Croates, Hongrois, Allemands, les espoirs des Italiens renaissent et toutes les relations diplomatiques sont immédiatement rompues.

Napoléon lève avec surprise le siège de Mantoue afin d’attaquer séparément les troupes de Wurmser avant que ces dernières ne se rejoignent. Cela est fait début août 1796 à Lonato et Castiglione. Mais l’Autrichien, battu, reconstitue ses forces et est de nouveau défait en septembre.

Wurmser est alors contraint de se réfugier à Mantoue, qui ne tombera que le 2 février 1797, soit après six mois de siège.

Pour assurer ses arrières, Napoléon Bonaparte crée le 15 octobre 1796 la République Cispadane, qui réunit Bologne, Modène, Reggio et les États de Ferrare et marque les prémices du nationalisme italien.

Mais le nord de l’Italie est toujours incertain. L’armée française a dû reculer plusieurs fois début novembre, près de Vérone. »

Le Pont d’Arcole

Le 15 novembre 1796 survient la légendaire bataille du Pont d’Arcole. Cette ville, non loin de Vérone, entourée de marais avec un seul pont permettant de traverser l’Alpone, constitue une place stratégique pour l’ennemi.

La Bataille du Pont d'Arcole - Horace Vernet I Domaine Public
La Bataille du Pont d’Arcole – Horace Vernet I Domaine Public

Le général autrichien Alvinczy, à ce moment-là poursuivi par l’armée française qui veut le prendre en tenaille, franchit la rivière et place ses troupes de l’autre côté, afin d’empêcher les Français de traverser le pont.

Un grand nombre de soldats français tentant de traverser le pont tombent sous le feu nourri des Autrichiens. Napoléon, sentant que la bataille est au point de bascule, saisit un drapeau que tenait un sergent, s’avance sur le pont et harangue ses troupes.

« Soldats, n’êtes-vous plus les vainqueurs de Lodi ? »

Napoléon lors de la bataille du Pont d’Arcole (le 15 novembre 1796)

Des grenadiers français le suivent alors et le dépassent. Son aide-de-camp Muiron, ayant participé au siège de Toulon, se met devant lui pour le protéger. Lorsque tout à coup, une décharge ennemie retentit. Napoléon reste seul debout. Muiron s’effondre et Napoléon, le soutenant, glisse contre le pont, s’évanouit et tombe dans le marais.

Lorsque Napoléon se réveille, il apprend qu’il a été évacué par des soldats français, qui l’ont sauvé des griffes d’ennemis croates placés de l’autre côté de la rive. Les Autrichiens d’Alvinczy sont finalement battus quelques jours plus tard grâce aux efforts d’Augereau et Masséna. Mais les pertes sont importantes côté français et Alvinczy a réussi à s’échapper.

La victoire définitive de Napoléon en Italie

Napoléon retrouve Alvinczy à la bataille de Rivoli près de Vérone le 14 janvier 1797. La bataille reste indécise jusqu’à ce que le corps du 18e régiment de Masséna vienne en secours après une nuit de marche forcée.

À la suite de la victoire de l’armée française à la Favorite contre le général Provera, le Maréchal Wurmser capitule à Mantoue le 2 février. Napoléon Bonaparte chasse enfin les Autrichiens d’Italie et signe le traité de paix préliminaire de Léoben le 18 avril avec Vienne.

À Vérone, dans la nuit du 19 avril, 400 soldats français blessés sont égorgés dans leurs lits. Napoléon ordonne une répression et les troupes françaises entrent à Venise, accusée de soutenir les troupes autrichiennes en fuite.

Napoléon signe avec l’Autriche le traité de Campo Formio le 17 octobre, qui marque la fin de la Campagne. Napoléon cède à l’Autriche Venise en échange des Pays-Bas autrichiens. Il fait également reconnaître aux Autrichiens la République Cisalpine, en ajoutant le duché de Milan à l’ancienne Cispadane. La Première Coalition est dissoute et l’Angleterre se retrouve ainsi seule en guerre contre la France.

Le bilan de la Campagne d’Italie est sans appel. En l’espace d’un an, Napoléon a obtenu un triomphe militaire avec 14 victoires sur 14 batailles, la capture de 100 000 prisonniers et la prise de 500 pièces de canon. Sur un point de vue stratégique, Napoléon a mis fin à la guerre de la Première Coalition, annexé le Piémont et la rive gauche du Rhin, et constitué la République Cisalpine. D’un point de vue économique, il a contraint les États défaits à verser des dizaines de millions à la France et a ramené 300 objets d’arts à Paris.

En mai 1798, Napoléon Bonaparte est nommé commandant de la Campagne d’Égypte sous l’impulsion du Directoire, qui veut l’éloigner, mais cela ne l’écartera pas longtemps du pouvoir. Nous avons évoqué cette période dans l’article suivant : L’histoire de France, de la chute de l’Empire à la Restauration.

Quelques liens et sources utiles

Jacques Bainville, Napoléon , TALLANDIER, 2020

Max Gallo, Le chant du départ : Napoléon, Editions Robert Laffont, 1997

Felix Bouvier, Bonaparte en Italie, 1796 , Hachette Livre BNF, 2013

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