L’automne 1941 marque une nouvelle phase dans l’opération Barbarossa. Après les succès initiaux de l’été, la Wehrmacht concentre ses efforts sur la prise de Moscou, capitale politique et stratégique de l’Union soviétique.
L’opération Typhon, lancée en octobre, vise à porter un coup décisif à l’Union soviétique avant l’arrivée de l’hiver. Cependant, ce qui devait être une victoire éclatante pour l’Allemagne se transforme en un échec retentissant. Quelles furent les étapes clés de cette offensive et pourquoi échoua-t-elle face à la résistance soviétique ?
Le point de vue allemand : l’offensive Typhon et les premiers revers
Le 2 octobre 1941, la Wehrmacht lance l’opération Typhon, avec pour objectif de capturer Moscou avant que l’hiver ne rende toute progression impossible.
L’Allemagne mobilise ses meilleures unités, concentrant les forces des groupes d’armées Centre pour une dernière tentative de Blitzkrieg. La stratégie repose sur deux encerclements majeurs : un à l’ouest de Vyazma et un autre à Briansk, visant à neutraliser les défenses soviétiques avant de foncer sur Moscou.
Dans les premières semaines, l’offensive est marquée par des succès tactiques impressionnants. Les encerclements de Vyazma et Briansk aboutissent à la capture de plus de 600 000 soldats soviétiques.
Les forces allemandes avancent rapidement, atteignant les abords de Moscou à la fin octobre. Pour le commandement allemand, la chute de la capitale soviétique semble imminente.
Les défis climatiques et logistiques
Cependant, les premières difficultés apparaissent dès la mi-octobre. Les pluies automnales transforment les routes en océans de boue (raspoutitsa), ralentissant considérablement l’avancée allemande. La logistique, déjà éprouvée par les vastes distances parcourues, est mise à rude épreuve. Les soldats allemands, épuisés et mal équipés pour les conditions hivernales, commencent à ressentir les effets du froid croissant.
En novembre, les températures chutent brutalement, atteignant parfois -30°C. La Wehrmacht, qui n’a pas prévu d’équipement adéquat pour un conflit prolongé en hiver, est prise au dépourvu. Les chars et véhicules blindés gèlent, rendant les opérations encore plus difficiles. Le Blitzkrieg, efficace sur des distances courtes, montre ses limites face à l’immensité des territoires soviétiques.
La désillusion face à Moscou
Malgré ces obstacles, les forces allemandes atteignent les faubourgs de Moscou à la fin novembre. Cependant, l’épuisement des troupes et la résistance soviétique acharnée empêchent toute percée décisive.
Hitler ordonne de continuer l’offensive coûte que coûte, refusant toute retraite, mais les attaques répétées échouent. À la mi-décembre, la Wehrmacht est contrainte de passer sur la défensive.
Le point de vue soviétique : une défense acharnée et une contre-offensive stratégique
Pour l’Union soviétique, la défense de Moscou est une question de survie. Staline mobilise toutes les ressources disponibles pour renforcer les lignes de défense autour de la capitale. Des civils, y compris des femmes et des enfants, participent à la construction de tranchées et de fortifications. Des divisions entières sont redéployées depuis l’est du pays, notamment les renforts sibériens, mieux préparés aux conditions hivernales.
Le général Gueorgui Joukov, nommé à la tête des forces soviétiques de Moscou, joue un rôle clé dans la coordination des défenses. Il impose une discipline stricte et exploite les erreurs de l’ennemi pour maximiser l’efficacité des troupes soviétiques. Malgré les pertes initiales, la résistance autour de Moscou ralentit progressivement l’élan allemand.
L’hiver comme allié soviétique
En novembre, l’arrivée de l’hiver donne un avantage aux forces soviétiques. Les soldats soviétiques, mieux équipés pour les conditions hivernales, parviennent à exploiter la désorganisation allemande.
De plus, l’industrie soviétique, relocalisée à l’est, commence à produire en masse des armes modernes, notamment des chars T-34, qui surpassent les Panzer allemands dans des conditions difficiles.
La contre-offensive de décembre
Le 5 décembre 1941, Joukov lance une contre-offensive massive autour de Moscou. Soutenue par les divisions sibériennes, cette offensive surprend les forces allemandes déjà épuisées. Les Soviétiques repoussent les Allemands de plusieurs dizaines de kilomètres, brisant l’illusion d’une victoire rapide.
C’est la première grande défaite de la Wehrmacht sur le front de l’Est.
Un tournant dans l’opération Barbarossa
L’offensive allemande sur Moscou, qui devait marquer la fin de l’Union soviétique, se transforme en un échec stratégique majeur. La Wehrmacht, incapable de capturer la capitale, subit des pertes humaines et matérielles importantes, tout en perdant l’initiative sur le front de l’Est.
Pour l’Union soviétique, la défense de Moscou est un moment clé. Non seulement elle empêche la chute de la capitale, mais elle montre également que l’Armée rouge est capable de résister à la puissance allemande. Cet événement marque un tournant psychologique et stratégique, renforçant le moral des soldats soviétiques et des populations civiles.
Quelques liens et sources utiles
Jean Lopez, Lasha Otkhmezuri, Barbarossa : 1941. La Guerre absolue, Le Livre de Poche, 2021
Julian Semenov, Monique Slodzian, Opération Barbarossa, Editions du Canoë, 2021
David Stahel, Operation Typhoon: Hitler’s March on Moscow, Cambridge University Press, 2013
John Erickson, The Road to Stalingrad: Stalin’s War with Germany, Yale University Press, 1975
Richard Overy, Russia’s War: A History of the Soviet Effort, 1941-1945, Penguin Books, 1998
Evan Mawdsley, Thunder in the East: The Nazi-Soviet War, 1941-1945, Bloomsbury Academic, 2007