L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

Les « Lebensborn » : les maternités du IIIe Reich

En décembre 1935, le gouvernement nazi lance un programme tenu secret jusqu'à la victoire des Alliés.
Chambre de bébé dans un Lebensborn (1936)- German Federal Archives | Domaine public
Chambre de bébé dans un Lebensborn (1936)- German Federal Archives | Domaine public

Les Lebensborn, un programme nazi secret dirigé par Heinrich Himmler, ont joué un rôle sinistre pendant la Seconde Guerre mondiale. Conçues pour promouvoir la « pureté raciale » aryenne, elles ont été utilisées pour encourager la reproduction entre Allemands « racialement purs » et ont laissé un héritage sombre dans l’histoire du IIIe Reich.

Celui qui veut gagner le cœur de la nation doit la convaincre par la jeunesse. Les racines profondes d’une nation sont ses enfants.

Heinrich Himmler, un des plus hauts dignitaires du Troisième Reich.

Le nazisme en quelques mots

Le nazisme est une idéologie vaste et considérable. À ce jour, des études lui sont consacrées afin de comprendre le phénomène de cette doctrine majeure du XXe siècle englobant les domaines militaire, racial, politique et totalitaire.

Élu par voie démocratique, Adolf Hitler (1889-1945) arrive au pouvoir en Allemagne en 1933. Chef du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP), Adolf Hitler et les membres du parti revendiquent une idéologie fondée sur une politique répressive et raciste ; celle-ci fut exclusive en Allemagne jusqu’en 1945.

Défilé du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (1930)- GEORG PAHL | Domaine public
Défilé du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (1930)- GEORG PAHL | Domaine public

L’idéologie nazie visait à transformer la société allemande, qui semblait s’éteindre et s’affaiblir, depuis le Traité de Versailles. Rappelons-le : signé le 28 juin 1919 entre la Triple Entente (Empire russe, France, Royaume-Uni) et la Triple Alliance (Empire Allemand, monarchie austro-hongroise, royaume d’Italie) suite à la Première Guerre mondiale, cet accord imposait de lourdes sanctions.

La Triple-Entente reconnaît l’Allemagne comme responsable de la guerre. Par conséquent, l’Allemagne livre des parties de son territoire et doit les céder aux vainqueurs (ex : l’Alsace-Lorraine). Cette perte territoriale réduit considérablement le territoire allemand. De plus, le pays connaît une forte démilitarisation : l’Allemagne se voit être obligée de réduire ses forces armées, ses armes et ses véhicules militaires. Les activités militaires au sein du territoire sont limitées jusqu’à nouvel ordre. Enfin, l’Allemagne doit assumer la responsabilité morale et financière de la guerre : le pays, perdant, doit verser des réparations financières et matérielles en faveur des pays de la Triple-Entente.

Jugées comme humiliante et injuste, les sanctions du Traité de Versailles déclenchèrent des instabilités économiques, politiques et sociales en Allemagne. Ces tensions au sein du pays amenèrent le nazisme au pouvoir.

Quelles sont les principales caractéristiques du nazisme ?

L’idéologie nazie prônait l’existence d’une « race supérieure » : les nazis étaient convaincus en la supériorité de la « race aryenne » et la nécessité de la perpétuer. L’homme allemand et la femme allemande devraient être grand, blond aux yeux bleus, avec la peau claire et une forme de crâne conforme aux critères, ceci représentait l’idéal de la « race aryenne ».

Cette croyance amena des politiques de discrimination et de persécutions envers des « races » considérées comme « inférieurs » telles que les Juifs, les Roms, les personnes handicapées ou homosexuelles etc.

De plus, Adolf Hitler revendiquait la nécessité d’agrandir le territoire allemand en annexant les pays voisins. Cet expansionnisme territorial, reconnu comme « vital » selon l’idéologie nazie, contribuerait à rendre l’honneur allemand, perdu suite à la Seconde Guerre mondiale, et à répandre la « race aryenne » en Europe.

Quel lien entre l’eugénisme et le nazisme ?

Bien que l’eugénisme et le nazisme soient deux doctrines différentes, il existe un lien concret entre les deux idéologies :  les dirigeants nazis s’inspirèrent des idéaux eugénistes afin de favoriser l’expansion de la « race aryenne ».

Idéologie du XIXème siècle, divers écrivains, scientifiques et penseurs promulguèrent cette doctrine en Europe et aux États-Unis. Ces idéaux, jugés comme discriminatoire par d’autres intellectuels, valorisaient la reproduction sélective afin d’améliorer les caractéristiques de la population humaine. La reproduction entre certaines personnes considérées comme ayant des « qualités génétiques positives » était encouragé. A contrario, les personnes possédant des « qualités génétiques négatives », c’est-à-dire ceux portant un handicap, une maladie héréditaire ou tout autre caractéristiques jugées comme « négative » ne devaient pas se reproduire afin de stopper la propagation de ces « caractéristiques négatives ».

À ce jour, l’eugénisme est vivement critiqué pour ses implications éthiques et morales : dans certaines politiques totalitaires voire démocratiques (ex : la Suède en 1934), les critères de sélection eugénique furent appliqués à travers des stérilisations forcées. En Allemagne plus de 70 000 personnes en situation de handicap ont été stérilisées de force.

Ainsi, le nazisme appliqua l’idéologie eugénique tout au long de son régime : l’idéologie nazie justifia ses actions discriminatoires et le meurtre de plusieurs millions de personnes au nom de la « race aryenne ».

Qui sont les Aryens ? Qui sont les non-Aryens ?

La « race aryenne » telle que revendiquée par les nazis devait représenter l’idéal physique du peuple allemand. Cette croyance, dépourvue de fondement scientifique, fut instrumentalisée à des fins de propagande brutale et justifia des politiques discriminatoires et persécutrices de 1933 à 1945.

Selon l’idéologie nazie, les Aryens étaient supposés être une race indo-européenne nordique, caractérisée par des traits physiques spécifiques tels que la peau claire, les yeux bleus et les cheveux blonds. La « race aryenne » devait représenter la pureté et la supériorité de toutes les races humaines. Par conséquent, l’idéologie nazie revendiquait l’unique existence de la race aryenne et la suppression de nombreux groupes ethniques et religieux.

Calendrier de l'année 1943 du journal de propagande nazie Neues Volk | Domaine public
Calendrier de l’année 1943 du journal de propagande nazie Neues Volk | Domaine public

Contrairement à l’eugénisme qui revendiquait la suppression de toute forme de handicaps et de maladies mentales en appliquant la reproduction sélective, les nazis poussèrent la théorie à son paroxysme. Tristement célèbre, l’un des génocides les plus meurtriers de l’Humanité, la Shoah, fut justifié par la supériorité de la « race aryenne ». Les Roms, appelés également Tziganes, furent persécutés et envoyés en camp d’extermination par les nazis en raison de leur origine ethnique.

Les peuples slaves, notamment les Polonais, les Russes, les Serbes et d’autres groupes ethniques slaves, étaient considérés comme inférieurs par les nazis et soumis à la discrimination et à l’oppression. Pourtant, certains enfants qui correspondaient aux critères aryens pouvaient être enlevés de leur pays d’origine et « germanisés » en Allemagne.

D’autres groupes ethniques, religieux ou d’orientations sexuelles, tels que les Noirs, les Asiatiques, les catholiques, les Témoins de Jéhovah, les homosexuels et d’autres minorités, étaient également discriminés par les nazis en fonction des critères de la « race aryenne ».

La mise en place de cette politique discriminatoire et persécutrice engendra d’énormes souffrances et la perte de millions de vies pendant la Seconde Guerre mondiale. Il reste important de rappeler qu’aucune preuve scientifique n’existe à ce jour qui soutiennent l’idée d’une race supérieur aryenne. Aucune notion d’une race humaine supérieur ou inférieur n’a été approuvé par la science moderne. Les idées raciste nazies furent scientifiquement et moralement condamnées par les puissances Alliés, vainqueur de la Seconde guerre mondiale, lors du procès de Nuremberg en 1945.

Qu’est-ce qu’un Lebensborn ?

En décembre 1935, le régime nazi lance le programme « Lebensborn » : comme énoncé précédemment, l’expansion et l’unique existence de la « race aryenne » constituait une des principales priorités de l’idéologie nazie. Par conséquent, ce programme promouvait et appelait les Allemands et autres individus de « race aryenne », fidèle au régime nazi, à se reproduire entre eux.

Les géniteurs et génitrices allemands répondant, au premier abord, aux principales caractéristiques physiques de la « race aryenne » devaient passer des entretiens et des examens médicaux afin de déterminer le degré de « pureté » de l’individu. Des questions pointilleuses sur les antécédents familiaux et les maladies génétiques étaient assidûment vérifiées. Les critères de sélection étaient stricts, et seules les personnes considérées comme répondant aux normes raciales nazies étaient éligibles pour participer au programme.

Le régime permettait aux femmes et hommes mariés d’avoir des relations sexuelle extra-conjugales au nom de l’idéologie. Des fonctionnaires du régime nazi considérés comme « racialement pures » devaient accomplir ce devoir. Des jeunes femmes ou adolescentes étaient également sollicitées pour participer à ce programme. Les femmes scandinaves répondant aux critères de la « race aryenne » pouvait, sous certaines conditions, se reproduire avec un Allemand, généralement avec un fonctionnaire SS.

Cette première étape passée, les personnes sélectionnées se rencontraient lors de soirées organisées par les membres chargés du programme.

Infirmière dans un Lebensborn (1943)- GERMAN FEDERAL ARCHIVES | Domaine public
Infirmière dans un Lebensborn (1943)- GERMAN FEDERAL ARCHIVES | Domaine public

Par la suite, selon leur souhait, les femmes volontaires pouvaient accoucher dans un Lebensborn : ces établissements proposaient aux femmes enceintes considérées comme « racialement pures » un suivi de grossesse et un accouchement par une équipe médicale compétente. Un Lebensborn jouait le rôle de clinique mais également de pouponnière.

Suite à leur accouchement, les femmes allemandes avaient le choix de garder leur bébé tandis que les femmes étrangères devaient donner leur bébé à l’adoption. Si la mère choisissait l’adoption, celle-ci ne possédait plus aucun droit parental ; le bébé était sous tutelle du régime nazi. L’objectif était de les éloigner de leur mère biologique et de les intégrer dans la société allemande et éduquer conformément à l’idéologie allemande.

Par la suite, les familles allemandes considérées comme racialement pures et dévouées au régime pouvaient adopter ces bébés du programme « Lebensborn ». Les enfants issus d’une union entre un Allemand et une non-Allemande étaient enregistrés comme étant d’origine allemande, avec de fausses identités.

Chambre réservé aux femmes ayant accouché dans un Lebensborn (1936)- GERMAN FEDRAL ARCHIVES | Domaine public
Chambre réservé aux femmes ayant accouché dans un Lebensborn (1936)- GERMAN FEDRAL ARCHIVES | Domaine public

Ces établissements étaient non seulement actifs en Allemagne mais également dans les territoires occupés : Norvège, France, Autriche, Danemark, Pays-Bas et Pologne.

Que sont devenus les enfants issus des Lebensborn ?

Anticipant la victoire prochaine des Alliés, le personnel des Lebensborn tenta d’effacer toute existence de ces établissements. Les archives furent brûlées et les enfants abandonnés. Les enfants issus des Lebensborn connurent des destins divers après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

La plupart seront adoptés par des familles allemandes ou des familles étrangères : lors de la découverte des Lebensborn par les Alliés, les autorités compétentes s’efforcèrent de restituer les véritables identités de ces enfants abandonnés ou bien de leur attribuer une nouvelle identité. Les enfants présentant une origine autre qu’allemande étaient renvoyés vers le pays d’origine supposé.

Les plus chanceux furent remis à leur famille biologique après des recherches ; d’autres, devinrent orphelins et furent confiés à des organisations caritatives, des institutions gouvernementales ou des familles d’accueil.

Durant leur vie, les enfants Lebensborn furent stigmatisés en raison de leur origine : perçus comme des enfants de l’ennemi et du Reich, ils seront discriminés et victimes de préjugés. Des enfants issus des Lebensborn témoignèrent de leur expérience, de leur enfance traumatisante et la difficulté de vivre sans aucune véritable identité. Les circonstances de leur naissance et de leur adoption provoquèrent des conséquences psychologiques sur le long terme.

Arrivée à l’âge adulte, certains entreprirent des recherches afin de retrouver leur parents biologiques, bien que les archives et les registres furent brûlés ou falsifiés.

Quelques liens et sources utiles

Oscar Lalo, La race des orphelins, Belfond, 2020.

Boris Thiolay, Lebensborn : la fabrique des enfants parfaits, J’ai Lu, 2014.

Ingrid Von Oelhafen, Les enfants oubliés d’Hitler, Fayard, 2022.

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