L’Holocauste, l’extermination de six millions de Juifs par les Nazis durant la Seconde Guerre mondiale, reste un sujet d’étude fondamental pour comprendre l’extrême brutalité dont l’humain est capable. Les recherches actuelles se concentrent sur divers aspects, notamment l’implication des collaborateurs locaux, la survie quotidienne des victimes, et les réponses internationales à la persécution.
L’étude des survivants et leur transmission de la mémoire est également un domaine en pleine croissance. Malgré l’existence encore nombreuse de négationnistes, la majorité des historiens s’accordent sur l’ampleur et la préméditation de cet événement tragique.
Juifs, juifs, qui sont-ils ?
Le terme juif est particulier par le fait qu’il désigne deux communautés. Les Juifs (avec la majuscule) sont les membres du peuple juif, auxquels on rattache le terme de « judéité » ; tandis que les juifs (signalons la minuscule) sont les individus appartenant à la religion juive, d’où le terme « judaïsme ». Les deux sont largement complémentaires pendant des siècles, même si aujourd’hui, avec la progression de l’athéisme, ces deux appartenances ne sont plus indissociables.
Parce que le nazisme visait à éradiquer le peuple juif, c’est majoritairement le terme avec la majuscule qui sera utilisée, tout en prenant en compte le fait qu’au XXe siècle, les Juifs sont largement des individus croyant aux écrits de la Torah, le livre sacré du judaïsme.
Une hiérarchie naturelle des races
Le terme « race » apparaît à partir du XVIIème siècle, d’abord pour évoquer la pureté de la noblesse et effectuer une séparation avec le reste du peuple. Au siècle suivant, ce mot se diffuse dans la communauté scientifique à propos des végétaux et des animaux, mais son utilisation croît de façon explosive au XIXème siècle. C’est à cette période que le racisme scientifique naît, et ce à partir de l’anthropologie. En effet, G. Cuvier, qui se considérait comme l’un des premiers spécialistes de cette discipline, a passé des années à analyser Saartjie Baartman (1789-1815), de son vrai nom Sawtche, et plus connue sous l’appellation de « Vénus hottentote ». Cette femme est le premier exemple d’analyse de race, puisque G. Cuvier présente des travaux scientifiques à l’Académie de médecine en affirmant « l’éternelle infériorité » de ce type d’individu.
Ainsi, la science affirme que les humains ne sont pas tous égaux et ne se valent pas. Là sont posées les premières bases qui constituent l’idéologie nazie deux siècles plus tard, puisque le nazisme a puisé ses arguments dans le passé.
À la fin du XIXème siècle se développe également le « darwinisme social » (expression du philosophe H. Spencer), dans le prolongement des travaux du naturaliste et savant Charles Darwin, qui a théorisé l’évolution longue et la sélection naturelle des espèces. Le darwinisme social réaffirme l’évolution des espèces tout en théorisant le fait que seuls les plus aptes survivent, le tout étant valable pour les sociétés humaines. Ce courant scientifique justifie les inégalités entre les hommes, car il y en aurait des supérieurs voués à coloniser et régner, tandis que d’autres seraient voués à disparaître.
Le « nazisme, c’est de la biologie appliquée ».
A. Hitler, Fürher du IIIème Reich
Le juif, un ennemi ancien
Ainsi, l’idéologie nazie, qui croit largement en la supériorité de l’homme germanique (la race aryenne), réalise un classement des races humaines, en donnant aux Juifs la dernière place (ils ne sont parfois pas considérés comme des humains du tout). Cela s’explique selon le nazisme par le fait que les Juifs sont le mal absolu et portent dans leurs gènes les capacités à mettre fin à l’existence de l’humanité, du moins l’humanité pure (donc les Aryens), comme le déclare le haut dirigeant nazi J. Goebbels en 1943 :
« si nous perdons la guerre, nous ne tomberons pas entre les mains de quelque autre état ; nous serons tous annihilés par le judaïsme mondial. Le judaïsme est fermement décidé à exterminer tous les Allemands ».
Selon les partisans du parti national-socialisme allemand, les Juifs seraient à la recherche de l’extermination des Allemands et du beau ; le beau étant l’homme aryen, car guidés par la recherche du profit et de territoires : en effet, plusieurs fois dans l’histoire les Juifs ont été dispersés (lors de la destruction du temple de Jérusalem en 587 a.C, en 1492 avec l’expulsion des Juifs de la péninsule ibérique…). Les nazis craignent que l’espace vital de l’Allemagne (Lebensraum) soit en proie aux farouches désirs de vols et conquêtes des Juifs, alors que l’individu aryen a besoin d’espace pour s’épanouir.
De plus, les Juifs sont accusés d’être les créateurs du christianisme, or le christianisme tel qu’écrit dans les livres sacrés est un obstacle à l’expansion et le triomphe des Aryens : en effet, le christianisme limite la procréation des individus racialement purs en raison du mariage monogamique. En plus, l’éthique chrétienne vise à protéger et aider les plus faibles, ce à quoi les nazis s’opposent puisqu’il est naturel selon eux que ce qui est faible soit voué à la disparition.
Aussi, le christianisme aurait largement affaibli la puissante Cité de Rome, et la civilisation qui en découle ; or les Romains seraient des descendants des hommes venus du Nord, des Aryens. Des siècles auparavant, le peuple juif, travaillé par la haine, aurait œuvré en faveur de la destruction des Aryens.
Enfin, les Juifs sont présentés comme un agglomérat de résidus raciaux malades. Contrairement à l’Allemagne nazie, montrée comme propre et État de la santé, l’est (donc la Pologne) serait marquée par les épidémies, les bactéries. Le Juif est une pathologie, que les nazis tentent d’exterminer pour protéger la race aryenne. Le discours nazi est médicalisé et biopolitisé : biologie, sciences et politique collaborent pour créer une « véritable révolution culturelle nazie »*
Tous ces éléments non-exhaustifs sont des raisons avancées par les dirigeants du parti nazi pour haïr les Juifs et légitimer leur extermination, rendue possible par le droit allemand qui encourage la dénonciation des Juifs et interdit les mariages entre Juifs et Allemands (avec les lois de Nuremberg de 1935).
*Expression venant de l’ouvrage du même nom La révolution culturelle nazie, de Johann CHAPOUTOT, 2017
Un concours de circonstances ?
L’antisémitisme nazi est présent dès les premières années du parti nazi, puisqu’on retrouve dans Mein Kampf (A. Hitler, 1925) de nombreuses phrases explicites à ce propos. Néanmoins, la mise en place de l’extermination massive des Juifs, avec l’extrême de la Solution finale, n’est de mise qu’à partir de 1941. Le IIIème Reich, qui naît en 1933, ne priorise pas la disparition des Juifs dès le début.
En effet, si les mariages mixtes sont interdits en 1935 avec les Juifs, ils sont interdits 2 ans plus tôt pour les personnes malades (à la fois physiques et mentales : alcooliques, schizophrènes…), une chronologie qui peut poser question. Vient ensuite un second temps de l’eugénisme nazi : l’opération T4, des années 1940-1941 et qui vise à éradiquer les personnes malades et handicapées, faisant environ 70 000 victimes.
Le lien avec cet évènement se situe légèrement plus tard, quand la guerre s’accélère : en effet, les États-Unis entrent dans le conflit mondial à la fin de l’année 1941, provoquant frayeurs et crises chez les dirigeants nazis. L’idée est donc d’accélérer la disparition des Juifs. Jusque-là, ceux-ci sont enfermés dans des ghettos, privés de nombreux droits et voués à procréer seulement entre eux, dans le but de disparaître.
S’ajoute la Shoah par balles, pratiquée surtout en URSS et qui tue des milliers de Juifs. Mais ils sont toujours là, et la Shoah par balles est une pratique d’éradication trop lente. Surgissent ainsi les spécialistes de l’opération T4, qui semblent avoir les compétences et le savoir-faire pour exterminer en masse des êtres humains. Leurs connaissances sont réutilisées pour massacrer en masse les Juifs, et le génocide devient industriel.
Vers un Holocauste industriel
Les historiens de la Shoah (anéantissement en hébreu) ont travaillé sur les raisons qui ont poussé le parti nazi à éprouver cette haine meurtrière contre les Juifs. Finalement, au fil de leurs recherches, plusieurs thèses complémentaires se sont détachées : la thèse intentionnaliste, avançant le fait que depuis le début il était prévu par Hitler d’anéantir ce peuple néfaste aux Allemands ; la thèse fonctionnaliste, qui renvoie au fait que les différents organes de l’état nazi n’étaient pas tous en accord pour la mise en œuvre de la politique génocidaire envers les Juifs, ce qui les a poussé à l’extrême et la Solution finale, et enfin la thèse des circonstances. Ces interprétations sont à combiner et à lire ensemble.
Le nazisme a cherché à puiser dans le passé des argumentations pour légitimer l’infériorité du Juif et la supériorité de l’Allemand, en combinant recherches historiques, sociologiques, ou encore scientifiques.
Néanmoins, les historiens d’aujourd’hui n’ont pas trouvé dans l’histoire de réel conflit qui a opposé les Juifs et les Aryens. Les Nazis ont créé une culture qui leur est propre, tout en la diffusant à large échelle au sein du peuple allemand, qui l’accepte naturellement, car elle lui semble dans le contexte de l’époque justifiée et cohérente.
Chaque année, le 27 janvier, a lieu la journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, le jour de l’anniversaire de la libération du camp de concentration et du centre de mise à mort Auschwitz-Birkenau, en 1945.
Quelques liens et sources utiles :
J. CHAPOUTOT, La révolution culturelle nazie, 2017
H. HANNOUN « Visages de la hiérarchisation nazie ». Le nazisme, fausse éducation, véritable dressage, Presses universitaires du Septentrion, 2020, p. 109‑29
M. PATOU-MATHIS « De la hiérarchisation des êtres humains au “paradigme racial” » Hermès, La Revue, vol. 66, nᵒ 2, 2013, p. 30‑37
Victimes de l’époque nazie : l’idéologie raciale nazie, Encyclopedia.USHMM, consulté le 13 mai