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Charles Nungesser : Le destin tragique de cet audacieux pilote

Lorsque la guerre se déclenche en juillet 1914, Nungesser est incorporé au 2ème régiment de hussards mais l'aviation le fait déjà rêver.
Nungesser en 1915 - Source gallica.bnf.fr, BnF I Domaine Public
Nungesser en 1915 – Source gallica.bnf.fr, BnF I Domaine Public

Considéré comme l’un des plus grands pilotes de la Grande Guerre, Charles Nungesser d’abord engagé dans la cavalerie réalise sa plus grande ambition dès 1915 en intégrant l’aviation française au sein de laquelle, il s’impose rapidement.

Un enfant rêveur d’aventure

Charles Eugène Jules Marie Nungesser est né le 15 mars 1892 à Paris dans le 10ème arrondissement. Il est le fils d’Eugène Nungesser et Laure Prignet.

Ses parents divorcent à ses 7 ans. Charles passa ainsi son enfance entre Saint-Mandé où son père tient une boucherie et Valenciennes où vit la famille de sa mère.

Il suit les cours de l’école nationale professionnelle d’Armentières où il passe un brevet de mécanicien. Il la quitte cependant à l’âge de 15 ans en 1907 et entre dans la vie active en travaillant dans des ateliers de Valenciennes pour aider sa mère sans revenu.

Adolescent hyperactif, rêveur d’aventure, il est également joueur et parie souvent de l’argent aux cartes. Mais un jour qu’il est poursuivi par des créanciers, il profite de l’occasion pour s’enfuir en Argentine en juillet 1912 où vit un de ses oncles près de Rio Colorado. Exerçant mille métiers il forge son caractère et sa débrouillardise en participant à des courses automobiles, combats de boxe et à un baptême de l’air qu’il effectue lui-même en volant l’avion de l’un de ses patrons.

Toutefois Nungesser ne fait pas fortune et rentre en France au début de l’année 1914 pour y effectuer son service militaire. Lorsque la guerre se déclenche en juillet, Charles est incorporé au 2ème régiment de hussards grâce à son expérience sud-américaine et ne tarde pas à se faire remarquer.

Le hussard de la Mors

Le 3 septembre 1914 alors que le cavalier Nungesser part avec des camarades en reconnaissance en territoire hostile, il aperçoit soudainement une automobile de l’état-major allemand de modèle Mors se diriger vers sa position. Se trouvant près d’un passage à niveau, il baisse les barrières de ce dernier et attend caché dans un fossé que la voiture s’arrête.

Puis il surgit et parvient à abattre les officiers occupant l’automobile. Il y découvre alors des cartes destinées à des plans d’attaques imminents. Ne résistant pas à laisser cette belle voiture, il se met alors au volant de l’automobile et se dirige vers le territoire français.

Franchissant les lignes françaises, il essuie les tirs de ses compatriotes croyant à une percée allemande et parvient jusqu’au général commandant la brigade afin de lui remettre les documents si importants.

Épaté de cet acte héroïque, le général offre la voiture à l’audacieux cavalier et promet à la demande de ce dernier une incorporation prochaine dans l’aviation. Nungesser devient ainsi le « Hussard de la Mors » au sein de son régiment.

Une entrée remarquée dans l’aviation

Quelques mois après son exploit, Nungesser est enfin muté dans l’aviation.

Sa formation a lieu sur la célèbre base d’Avord d’où il sort le 2 mars 1915 avec son brevet militaire n° 1803 de pilote sur avion Henry Farman HF 20.

Affecté à la VB 106 près de Nancy chargé des missions de bombardement, il remporte sa première victoire aérienne le 31 juillet 1915 contre un Albatros C, avec l’aide du mitrailleur Charles Gaston et de l’artillerie française. L’avion allemand est capturé et exposé sur la place Stanislas à Nancy et Nungesser est décoré de la Croix de Guerre.

À sa demande, il est muté à l’aviation de chasse au sein de l’escadrille N65 basée à Nancy avec son inséparable mécanicien Roger Pochon. La N65 dispose d’appareils Nieuport, avions de chasse très performants à l’époque et pouvant enfin rivaliser avec l’aviation allemande.

Véritable tête brûlée, Nungesser n’hésite pas à défier l’autorité de ses supérieurs. Un jour de novembre 1915, le pilote se voit condamné à 8 jours d’arrêt à la suite de voltiges effectuées à répétition au-dessus des lignes françaises puis allemandes malgré l’interdiction de ses supérieurs.

Une ascension fulgurante mais ponctuée par de nombreux accidents

Prenant tous les risques en combat aérien, Nungesser se porte aussi volontaire pour l’essai de prototypes et subit de nombreux accidents qui engendrent jusqu’à 17 blessures et font de lui le pilote français le plus blessé de la Grande guerre.

Charles Nungesser devant son Nieuport - BNF I Domaine Public
Charles Nungesser devant son Nieuport – BNF I Domaine Public

Il est victime d’un très grave accident lors de l’essai d’un avion Pionnier le 29 janvier 1916 qui lui valut de nombreuses fractures à la mâchoire, aux jambes et un coma. Sa condition physique semble perdue mais sa volonté de voler est trop forte.

Moins de deux mois plus tard, il sort de l’hôpital et est réaffecté dans son escadrille en pleine bataille de Verdun. Désormais incapable de marcher, il est porté jusqu’à son avion par les mécaniciens avant de décoller pour effectuer ses missions quotidiennes.

Engagé dans les conflits sanglants de la bataille de Verdun jusqu’en juillet 1916, l’aviateur y accroît une renommée au sein de la chasse française. Au cours de l’attaque de plusieurs appareils allemands, il se retrouve sans munitions et décide de se placer au milieu de la formation ennemie, les privant de l’abattre sans tirer sur les leurs.

Il remporte trois victoires aériennes en seulement trois jours, les 2, 3 et 4 avril 1916. Il y est récompensé par sa promotion de sous-lieutenant et son apparition dans le communiqué aux armées pour sa 5ème victoire qui lui vaut le titre officieux d’as, dont il est le 3ème bénéficiaire après Georges Guynemer (8 victoires) et Jean Navarre (9).

C’est ainsi que débute la série de victoires impressionnantes de Charles Nungesser qui prend tous les risques lors des combats aériens pour accroître son palmarès. Insouciant du danger, il fonce droit sur l’ennemi quitte à voir son appareil criblé de balles. Provocateur, il décore son Nieuport d’un blason représentant une tête de mort avec un cercueil pour montrer qu’il ne craint pas la mort.

Le pilote réalise son premier doublé le 22 juin 1916 sur un Nieuport 16 avec lequel il abat deux appareils allemands en les attaquant de plein front. Mais son avion est criblé de balles et le moteur rend l’âme. Nungesser atterrit tant bien que mal dans les tranchées françaises, se blesse de nouveau et est conduit à l’hôpital.  

À la fin de l’année 1916, son score s’établit à 21 victoires mais il s’arrête plusieurs semaines pour une opération des jambes. Mobilisé près de Dunkerque, il remporte 9 nouvelles victoires durant l’année 1917 se retrouvant parfois seul face à 6 avions ennemis.

Nommé lieutenant le 29 septembre 1917, il prend temporairement la place d’As des As avec 30 victoires, succédant au pilote Georges Guynemer disparu le 11.

Nungesser finit la guerre avec le grade de capitaine et 43 victoires dont un quadruplé le 14 août 1918, veille de sa dernière victoire. Son palmarès sera toutefois insuffisant pour tenir la course face au sous-lieutenant René Fonck, étoile montante de la chasse française qui le dépasse au score fin mars 1918.

Une passion aveugle à la conquête des records

Désormais légende vivante de l’aviation, Nungesser part pour les États-Unis sur invitation de l’association américaine des anciens combattants : l’American Legion pour y effectuer des shows aériens. Il en fera 55 qui seront très suivis, rassemblant jusqu’à près de 100 000 spectateurs au meeting aérien de Chicago.

Journal Excelsior du 10 mai 1927 BNF I Domaine Public
Journal Excelsior du 10 mai 1927 – BNF I Domaine Public

Le monde de l’aviation se popularise grandement et de nombreux anciens pilotes de chasse tentent de battre tous les records. Ils sont encouragés par d’importantes récompenses tel le prix Orteig de 25 000 dollars offert au premier aviateur qui réussirait la traversée de l’Atlantique sans escale entre New York et Paris.

Criblé de dettes à cause de son divorce et rêvant d’accomplir la traversée, Nungesser veut tenter l’aventure. En 1927, il s’inscrit au concours avec François Coli, pilote expérimenté détenteur de plusieurs records de distance qui projetait cette traversée depuis plusieurs années.

Le duo décolle de l’aéroport du Bourget le 8 mai 1927  à bord d’un biplan Levasseur surnommé L’Oiseau blanc, à destination de New York. Le 9 mai, des milliers de personnes se pressent devant la Statue de la Liberté où le duo est attendu. Mais l’avion n’atteindra jamais les États-Unis et ne sera pas retrouvé, probablement échoué en mer.

Près de deux semaines après la disparition de L’Oiseau blanc, l’aviateur américain Charles Lindbergh réussit la traversée sans escale de New York à Paris en 33h à bord du Spirit of Saint-Louis.

Quelques liens et sources utiles

Bernard Decré et Vincent Mongaillard, L’Oiseau blanc, L’enquête vérité, Arthaud, 2014

Patrick de Gmeline, Charles Nungesser, Editions du Rocher, 2021

Ezra Bowen, Les As de l’aviation, Time-Life 1980

Jacques Mortane, Nungesser, les grandes heures de sa vie, Librairie Bernardin-Béchet 1927

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