L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

René Fonck, le pilote français surnommé l’as des as

Considéré comme le plus grand pilote de 14-18, René Fonck plus connu sous le nom de « l’as des as » connaît une ascension fulgurante dès 1916.
René Fonck en 1919 | Agence Presse Meurisse, BNF
René Fonck en 1919 | Agence Presse Meurisse, BNF

Considéré comme le plus grand pilote de la Première Guerre mondiale, René Fonck, plus connu sous le nom de « l’as des as », connaît une ascension fulgurante dès 1916. Issu d’un milieu modeste, rien ne prédestinait cet homme à une grande carrière dans l’aviation militaire.

Un pilote aux origines modestes

René Fonck est né le 27 mars 1894 à Saulcy-sur-Meurthe dans les Vosges. Les Fonck sont originaires de la région du Bas-Rhin qu’ils ont fuie après la défaite française de 1870 contre la Prusse. Ils grandissent avec la rancœur de la perte de l’Alsace-Lorraine (Moselle), perdue aux dépens de l’Empire allemand. Un sujet de nombreux chants en France. Nous évoquions le sujet dans ces deux articles : La Strasbourgeoise : des paroles de revanche et Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, chant de 1871.

Son père, Félicien Fonck, était sagard, c’est-à-dire un ouvrier scieur dans les massifs vosgiens. Il décède dans un accident de scierie lorsque René a 4 ans. René grandit donc avec sa mère, ses deux sœurs et son frère. La famille doit alors subvenir à ses besoins sans le salaire que leur rapportait leur père. Cela poussa René à arrêter ses études à 13 ans, à la sortie de l’école communale, pour aider à offrir une vie décente à sa famille. Il exerce dans plusieurs ateliers de la région, notamment en tant que serrurier, réparateur de machines agricoles, puis ouvrier mécanicien.

Fonck est également un excellent chasseur dans les forêts vosgiennes. Doté d’une acuité visuelle exceptionnelle de 17/10ème, il est capable de tirer sur ses proies sur une distance pouvant atteindre les 100 mètres.

Une passion rapide pour l’aviation

Jeune, il découvre l’aviation lors d’un rassemblement aérien en 1911 à Saulcy-sur-Meurthe. Il se passionne rapidement pour ce nouveau sport largement relayé par la presse. Les journaux y narrent les exploits des héros de l’époque. Les pilotes comme Jules Védrines, André Beaumont, ou encore Roland Garros attirent tous les regards lors des premières courses aériennes telles que le Paris-Madrid, le Circuit européen ou lors d’exploits personnels telle la traversée de la Méditerranée par Roland Garros en 1913.

Appelé sous les drapeaux pour son vingtième anniversaire en 1914, René Fonck choisit le corps qu’il admire : l’aviation. Entre-temps, la guerre éclate le 3 août 1914 et Fonck compte prendre sa revanche sur la défaite française de 1870 et chasser l’ennemi de sa terre natale d’Alsace.

Affecté au 1er groupe d’aviation en août 1914 après sa demande, il peut enfin approcher les appareils de près. Après 5 mois de classe où il apprend la vie militaire, il est admis aux cours théoriques d’aviation à Saint-Cyr puis à Lyon où il en sort 1er de sa promotion. Les premiers cours pratiques ont lieu en Baie de Somme dès 1915. Breveté pilote militaire n°1010, il devient caporal et est affecté à l’escadrille C47 à Corcieux près de son village natal et de la ligne de front où les combats font déjà rage.

Ses premières missions d’observation au-dessus du massif Vosgien consistent à fournir des renseignements sur les positions ennemies et au réglage de l’artillerie. Espérant rencontrer un appareil ennemi, il emporte toujours sa carabine dans son avion de reconnaissance en vue d’abattre le premier qui se présentera. Viennent aussi des missions de bombardement que Fonck n’apprécie pas mais qu’il exécute sans poser de questions surtout quand il s’agit de bombardements de représailles.

Durant cette période, il rend plusieurs visites à sa famille en se posant dans un champ près du village, sans autorisation. Mais les rumeurs courent et le pilote finit par se faire attraper par les gendarmes qui le ramènent à son escadrille.

Les premières victoires aériennes

René Fonck discutant avec l'équipage allemand prisonnier le 6 août 1916 - La Guerre aérienne, BNF (à gauche) Fonck en 1918 devant son SPAD XVII - Service Historique de la défense (à droite) | Domaine public
René Fonck discutant avec l’équipage allemand prisonnier le 6 août 1916 – La Guerre aérienne, BNF (à gauche) Fonck en 1918 devant son SPAD XVII – Service Historique de la défense (à droite) | Domaine public

Fonck, devenu adjudant, remporte sa première victoire aérienne le 6 août 1916 sans tirer une seule cartouche, en forçant un avion de reconnaissance Rumpler C.I allemand à se poser dans les lignes françaises. Les deux occupants sont faits prisonniers et le pilote français homologue ainsi la première d’une grande série de victoires.

Le système d’homologation des victoires aériennes de l’époque est très exigeant, demandant 3 témoins différents en dehors de l’escadrille. Beaucoup de victoires ne lui seront pas attribuées en raison de l’insuffisance de témoins ou de la disparition de l’appareil, abattu derrière les lignes ennemies (réelle première victoire non homologuée le 1er mars 1916).

Une deuxième victoire s’ajoute à son palmarès le 17 mars 1917. Fonck se fait remarquer et le 26 avril 1917, il quitte alors l’escadrille C47, où il y est affecté depuis le début de la guerre, pour l’escadrille N103 appartenant à l’unité légendaire de chasse des Cigognes et réputée pour accueillir les meilleurs pilotes. Fonck peut donc enfin côtoyer les plus grands tels que Guynemer qui compte déjà 36 victoires à l’époque, Nungesser avec 21 et Madon avec 9.

Fonck débute ses premières missions dans sa nouvelle escadrille sur un SPAD VII flambant neuf. Le 13 mai 1917, il remporte sa 5ème victoire aérienne, ce qui lui confère le titre d’as.

Un pilote hors du commun

Article du journal Le Miroir, - BNF | Domaine public
Article du journal Le Miroir – BNF | Domaine public

Au fil des victoires, Fonck affine sa technique de tir et privilégie les attaques par surprise. Montant parfois jusqu’à 6000 m d’altitude, il guette sa proie. Dès qu’un appareil ennemi un peu isolé se présente, il sort des nuages et fond dessus tel un rapace. Arrivant souvent dos au soleil, l’adversaire se retrouve aveuglé et n’a pas le temps de se défendre qu’il est déjà trop tard. En effet, il ne faut que quelques secondes à l’as français qui vise directement le pilote ou quand ce n’est pas possible les points vitaux des appareils : le moteur ou le réservoir.

« Fonck dépasse tout ce que l’on peut imaginer. Ce n’est pas un homme, c’est un oiseau de proie. Là-haut, il sent l’ennemi, il en distingue nettement à 8 ou 10 km, sans être vu. Il choisit sa proie. Quelques balles suffisent, il n’y a jamais de riposte. »

Maurice Boyau, as de 14-18

D’un caractère discret, il sort peu le soir et adopte une hygiène de vie saine lui permettant de réaliser ces exploits. Grâce à son expérience d’apprenti mécanicien, il vérifie tous les jours son avion allant même jusqu’à regarder les cartouches afin d’éviter l’enrayement de la mitrailleuse au combat, synonyme de mort certaine. Par ailleurs, il écrit régulièrement au constructeur SPAD, société appartenant notamment au fabricant Louis Blériot pour améliorer le modèle qu’il pilote.

Son premier doublé (deux victoires dans la même journée) est homologué le 17 octobre 1917 dans les Flandres. Muté à Verdun entre janvier et février 1918, Fonck y abat 7 appareils allemands. Il devient alors en mars 1918 le pilote français avec le plus de victoires aériennes : 33 fin mars 1918 devant Charles Nungesser.

Il établit un exploit le 9 mai 1918 à bord d’un SPAD XIII dans la Somme quand il abat 6 appareils allemands dans la même journée, dont deux en à peine dix secondes. En récompense, il est fait officier de la Légion d’honneur le 12 mai 1918 et promu lieutenant le 15 mai. L’as des pilotes renouvelle cet exploit le 26 septembre suivant. 

À la fin de la guerre en novembre 1918, il termine sans jamais avoir été blessé, avec 75 victoires homologuées dont 11 doublés, 4 triplés et 2 sextuplés. Il revendique par ailleurs 52 victoires non homologuées. Cela fait de lui le plus grand as français de la Première Guerre mondiale. Il est alors fait porte-drapeau de l’aéronautique militaire le 14 juillet 1919 et Croix de guerre avec 27 citations.

Une fin de vie dans l’oubli

Brièvement député entre 1919 et 1924, René Fonck milite activement pour le développement de l’aéronautique militaire et la création d’une armée de l’Air indépendante. Resté fidèle au Maréchal Pétain en 1940, il assure pour lui pendant un temps des missions diplomatiques auprès d’officiels allemands qu’il connaît bien tels Hermann Goering ou Ernst Udet, anciens pilotes de chasse de 14-18, avant d’être écarté du gouvernement en 1942. Il soutient alors des mouvements de résistance pendant un temps. À la Libération, il est arrêté puis relâché quelques mois plus tard, faute de charges retenues contre lui.

Oublié dans la mémoire collective, l’as des as meurt à Paris le 18 juin 1953.

Quelques liens et sources utiles

 Corinne Micelli et Bernard Palmieri, René Fonck : L’as des as, l’homme, Economica 2007

Damien Accoulon, RENÉ FONCK : As des as et pilote de la Grande Guerre, PRIVAT 2018

Ezra Bowen, Les As de l’aviation, Time-Life 1980

Raymond Vanier, Raymond Vanier, journal d’un pilote de guerre (1914-1918), Loubatières nouvelles éditions 2017

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