L’Ivoire Barberini est un chef-d’œuvre de l’art byzantin de l’Antiquité tardive. Les historiens pensent qu’il a été réalisé dans les ateliers d’ivoiriers de Constantinople. Cette œuvre, sculptée dans de l’ivoire d’éléphant, représente des scènes religieuses, guerrières et impériales qui mettent en avant l’empereur au centre.
L’ivoire est appelé ainsi car il a été acquis par la famille romaine Barberini au XVIe siècle. Il a été conservé dans différents musées d’Europe avant d’arriver finalement au musée du Louvre. Cet ivoire témoigne de l’éclat de l’Empire romain et marque la transition vers de nouvelles puissances, telles que l’Empire byzantin.
Son iconographie riche et complexe lie la chrétienté et les traditions antiques, offrant ainsi une vision polysémique.
Les origines de l’Ivoire Barberini
L’Ivoire Barberini, attribué à la fin de l’Antiquité tardive durant la période de transition entre l’Empire romain et le début du Moyen Âge, aurait été fabriqué à Constantinople, centre de l’Empire byzantin.
Les caractéristiques de l’Ivoire de Barberini
L’Ivoire Barberini se compose de cinq parties, autrefois incrustées de pierres précieuses, représentant au centre un empereur triomphant sur un cheval cabré. Surnommée la « diptyque Barberini« , cette appellation suscite des doutes, car une diptyque désigne habituellement une œuvre pliable composée de deux panneaux reliés par des charnières, mais cet objet ne comporte pas de traces de charnières. Cette observation a poussé les historiens à envisager l’hypothèse d’un panneau unique.
L’Ivoire Barberini, par sa grande finesse d’exécution, représente un exemple remarquable de l’art byzantin, se distinguant par des bas-reliefs très détaillés et des hauts-reliefs qui soulignent les aspects que le sculpteur, et indirectement l’empire, souhaite mettre en avant. Les poses des personnages et l’importance accordée à la religion reflètent des points cruciaux de l’Empire byzantin, notamment cette représentation centrale de l’empereur.
Ces éléments illustrent la « Constantinopolisation« , caractérisée par une forte polarisation et une présence religieuse marquée, remontant à la conversion de Constantin Ier en 312 et à l’édit de Théodose en 380.
Le triomphe d’un chef de guerre
L’Ivoire Barberini, découpé en cinq parties, met en scène sur le panneau central un empereur se présentant comme un guerrier. En effet, il porte les attributs de guerre tels que des sandales, une jupe et un paludamentum. Cette représentation rappelle l’ambition de Byzance au début du Moyen Âge de devenir la « Rome Orientale », en reproduisant des éléments emblématiques de la ville tels que l’hippodrome, les sept collines, le sénat… Les vêtements de guerre, typiquement romains, portés par l’empereur soulignent cette aspiration.
Une dimension fondamentale du pouvoir impérial et une portée militaire sont véhiculées par cette représentation. Nous observons un empereur avec une implication militaire significative, engagé aussi bien dans les conquêtes pour étendre son territoire. Cette idée est renforcée par la figure à gauche en tenue militaire, tenant une bourse et accompagnée de l’allégorie de la victoire. L’empereur est montré actif et victorieux, mais également en action, non pas assis dans son palais sur son trône, mais en mouvement sur son cheval.
La partie centrale de l’Ivoire Barberini, traitée en volume, avec la couronne qui semble sortir du cadre, renforce l’image d’un personnage dynamique et met en avant sa valeur martiale. Cette représentation active et triomphante confirme le caractère impérial et conquérant de l’empereur, soulignant ainsi l’importance de la dimension militaire dans l’imaginaire impérial byzantin.
La domination impériale
La suprématie est mise en évidence par la grandeur et la position centrale de l’empereur sur l’ivoire, ainsi que par le haut-relief. En effet, notre regard est immédiatement attiré par l’empereur, sa couronne et son cheval. De plus, nous observons une soumission des hommes avec ce personnage effacé derrière la croupe du cheval, qui représente un barbare d’origine orientale.
Cet homme fait un signe d’obéissance qui symbolise la soumission face au pouvoir impérial. Le visage de l’empereur esquisse une expression de clémence, nous renvoyant l’image d’une personne indulgente qui pardonne les offenses.
Dans le cadre en bas, nous voyons des barbares de différentes origines ; une partie porte des bonnets phrygiens, indiquant leur provenance de Phrygie, tandis que d’autres sont accompagnés d’éléphants, suggérant qu’ils viennent d’Asie.
L’Ivoire Barberini se révèle ainsi comme un véritable objet de propagande sur la vision de l’empereur. Nous voyons un empereur puissant, ce qui est crucial à Byzance où, pour devenir empereur, il fallait être acclamé par les armées ainsi que par les habitants dans l’hippodrome. Pour cela, ils devaient projeter une image d’empereur victorieux.
En outre, la représentation des barbares de différentes ethnies renforce cette vision, car l’empereur ne domine pas seulement une seule ethnie, mais plusieurs, y compris celles qui sont armées et accompagnées d’animaux puissants. L’empereur les surmonte grâce à sa position centrale et imposante sur l’ivoire.
Un souverain chrétien
L’empereur est représenté sous le regard du Christ, suggérant qu’il est béni de Dieu. De plus, la configuration illustre une transmission du pouvoir divin vers l’empereur. L’Ivoire Barberini met en lumière les prétentions et les soutiens du pouvoir byzantin et glorifie le pouvoir impérial. Les fondements essentiels du pouvoir sont la guerre, la victoire, et l’héritage de l’Empire romain. Dans cet Ivoire, nous voyons clairement la légitimation de l’empereur aux yeux des chrétiens, établissant un lien entre les victoires militaires et le divin.
Cela illustre le lien étroit entre le divin et l’empereur ainsi que le soutien pris pour légitimer son pouvoir, ce qui est à double tranchant. En effet, si l’empereur perd une guerre, alors son pouvoir, prétendument obtenu du divin, est remis en question. Cette représentation souligne non seulement l’autorité impériale, mais aussi sa vulnérabilité face aux échecs militaires, rendant sa position intrinsèquement liée à ses succès sur le champ de bataille.
L’impact de ce chef d’oeuvre
Il a suscité un vif intérêt et a influencé la perception de l’empire. Dès sa création, les historiens soupçonnent qu’il aurait été utilisé comme objet de dévotion et comme ornement liturgique, ce qui souligne son importance dans l’histoire de l’art et la culture médiévale.
Son impact et sa valeur en tant qu’œuvre d’art marquent un tournant dans les techniques utilisées pour l’ivoire ainsi que dans l’art de la propagande orchestrée par les empereurs byzantins.
Mais qui est l’empereur représenté sur cet Ivoire Barberini ?
Il va étendre l’empire jusqu’en Italie et en Afrique du Nord, mais subira des conflits dus aux incursions barbares et à l’Empire sassanide perse. Son règne sera marqué par des succès militaires, des réformes législatives et des réalisations architecturales qui ont marqué l’empire. Il est une figure emblématique de l’empire byzantin, et c’est pour cela que les historiens pensent que c’est cet empereur qui est représenté sur l’Ivoire Barberini.
En somme, l’Ivoire Barberini représente un vecteur du pouvoir impérial ainsi qu’un objet de promotion du pouvoir. De par sa finesse d’exécution, ses détails et son iconographie, l’ivoire Barberini a tout pour mettre en avant l’art byzantin, qui reste spectaculaire.
Quelques liens et sources utiles
Will Wyeth, traduit par Babeth Étiève-Cartwright, Justinien Ier, World History Encylopedia, 2012
Mark Cartwright, traduit par Babeth Étiève-Cartwright, Empereur Byzantin, World History Encylopedia, 2012