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Lettre de Pomponne de Bellièvre à Marie Ière d’Écosse

La lettre de Pomponne de Bellièvre à Marie Ière d'Écosse en est l'illustration parfaite de la vie à une certaine époque en Europe.
Marie Stuart protestant de son innocence à la lecture de sa condamnation à mort - Francesco Hayez | Domaine public
Marie Stuart protestant de son innocence à la lecture de sa condamnation à mort – Francesco Hayez | Domaine public

Les sources littéraires sont le meilleur moyen d’obtenir des informations pertinentes sur notre histoire. En ce sens, les échanges de lettres permettent d’obtenir une vision fraîche et surtout naturelle de ce qu’était la vie à une certaine époque. Ainsi, la lettre de Pomponne de Bellièvre à Marie Ière d’Écosse en est l’illustration parfaite.

[…] Je désire infiniment, Madame, pour le repos de votre esprit et principalement à ce que vous soyez plus en la grâce de Dieu et plus estimée des Hommes, que vous commandiez à vos passions d’aimer dorénavant et respecter la reine d’Angleterre [Élisabeth Ire] comme votre sœur aînée. Je désire aussi qu’il vous plaise lui écrire dès à présent une bonne lettre dans laquelle elle lise la sincérité de votre cœur royal, l’amitié et le respect que vous lui promettrez saintement de continuer en son endroit tout le demeurant de votre vie. Ce ne seront pas les seules prières des rois et autres princes vos parents et amis qui la fléchiront : elle ne peut être surmontée d’autre que d’elle-même ; ce sera, moyennement la grâce de Dieu, sa débonnairité [sic] qui la fléchira ; ce sera sa générosité qui la surmontera et forcera de vous aimer, d’embrasser votre protection et se réunir avec vous par un lien indissolvable d’une bonne, heureuse et perpétuelle amitié. […]

Votre très humble et très obéissant serviteur,

Bellièvre.

Lettre de Pomponne de Bellièvre à Marie Ière d’Écosse

Le récit occulté d’une reine entre jeux de pouvoir et désespoir

Une affirmation hardie émane de Sharon Turner dans son ouvrage Histoire d’Angleterre, stipulant précisément en sa page 456 du quatrième volume que des directives occultes avaient été transmises par Henri III à M. de Bellièvre, dans lesquelles une insistance à user de son influence prévalait afin de persuader la reine Élisabeth d’exécuter le jugement porté contre Marie Stuart, alors captive de sa cousine.

Néanmoins la conviction de nombreux chercheurs s’opposent à M. Turner, et ils osent affirmer que la correspondance de M. de Bellièvre, dont une partie est mise à la lumière du public et l’autre préservée dans divers recueils manuscrits de la Bibliothèque royale de Paris, pourrait aisément le réfuter. La conjecture qui prête à l’ambassadeur de Bellièvre l’intention de provoquer l’exécution de la reine Marie, alors même qu’il plaidait pour une réconciliation avec la reine Élisabeth, est, à leurs yeux, un fruit vénéneux né des murmures de la Ligue catholique, qui témoignait une hostilité flagrante envers le roi de France. En effet, Bellièvre avait requis, en vain et à maintes reprises, la libération de Marie d’Écosse, dont le sort fut bien mérité. L’Écossaise a érodé la patience et la confiance d’Élisabeth, usant sans retenue de sa bienveillance et l’importunant avec les suppliques de Bellièvre à Richmond.

L’histoire de Marie Ière, souveraine d’Écosse

Marie Ière, souveraine d’Écosse, demeure sans conteste une des figures les plus notoires du continent européen au fil de l’Histoire. Née sous la froide étreinte de l’hiver le 8 décembre 1542 et exécutée le 8 février 1587, elle est le fruit de l’union entre le roi Jacques V, qui s’éteint six jours après sa naissance, et de Marie de Guise, descendante du fervent catholique Claude de Lorraine, duc de Guise. L’inquiétude voile le berceau de la petite princesse catholique, dans l’ombre d’un père emporté par le choléra et d’une épidémie qui ne s’est pas encore tue. Parallèlement, Henri VIII d’Angleterre, qui s’est détourné de la confession romaine pour assouvir ses désirs sentimentaux, orchestre subrepticement le rapprochement des deux royaumes. Si la force des armes n’a pu sceller ce destin, peut-être le mariage saurait-il le faire ? Après de multiples tractations, jeux de pouvoir, assassinats, sièges et autres faits d’armes, le Parlement écossais forge une alliance avec Henri II, roi de France, contre l’Angleterre, grâce à l’intervention des Lorraine-Guise, oncles de Marie Ière.

Marie, la reine-mère, demeure en Écosse pour gérer les affaires du royaume, soufflant sur les braises du parti pro-français, tandis que la reine s’exile en France en 1548, où l’attend le dauphin François, son promis. Nourrie par l’esprit des plus grands intellectuels français et latins, elle reçoit une éducation vastement riche, devenant une poétesse polyglotte et une fervente amoureuse de la mode. En 1550, la reine-mère voyage en France afin de renforcer l’alliance ; en 1551, elle déterre un complot ourdi contre sa fille, orchestré par un fils illégitime de Jacques V, Robert Stuart, archer de la garde écossaise en France, qui visait à empoisonner la reine afin d’installer l’ambitieux comte de Lennox, protestant, sur le trône d’Écosse.

En 1557, Marie Ière épouse François ! La « reine-dauphine« , tel que Madame de Lafayette la baptise dans sa Princesse de Clèves, étincelait à côté de son époux, fragilisé par la maladie, qui s’éteint jeune, en 1560. Entre-temps, en 1558-59, la couronne d’Angleterre est offerte à la reine ; mais pour des raisons religieuses et politiques, qui aujourd’hui paraissent absurdes, c’est Élisabeth Tudor qui la reçoit ; tandis que Marie Ière est néanmoins couronnée reine d’Angleterre et d’Irlande. Henri II trépasse, léguant sa place à François II. En 1560, après un règne sans éclat, et suite à la mort du roi par un abcès cérébral, la reine d’Écosse et douairière de France porte le deuil, non seulement de son époux, mais également de sa mère, pendant que les questions religieuses en Écosse et en France enflent et se compliquent.

Peinture de Byam Shaw représentant l'entrée de Marie et d'Élisabeth dans Londres, 1910 - Byam Shaw | Domaine public
Peinture de Byam Shaw représentant l’entrée de Marie et d’Élisabeth dans Londres, 1910 – Byam Shaw | Domaine public

Retour de Marie Ière en Écosse

Marie Ière, quittant définitivement la France en 1561, désigne son demi-frère protestant, le comte Jacques de Moray, comme son conseiller le plus proche, tout en restant une catholique convaincue. Elle tente de rencontrer sa cousine Élisabeth Ière, espérant réchauffer des relations refroidies par les divergences religieuses et la prétention française selon laquelle l’Écossaise aurait dû occuper son trône, mais elle essuie un refus. De plus, son goût prononcé pour la mode, les jeux et son impréparation aux intrigues génèrent des inimitiés ardentes. Son mariage avec son cousin Henri Stuart engendre un fils, le futur Jacques VI d’Écosse et Ier d’Angleterre, mais cette union, imprévue et suscitée par l’arrogance du mari, provoque le scandale. Encore plus, le meurtre de Henri par Jacques Hepburn en 1566, amant puis mari de Marie Ière (elle est suspectée d’avoir orchestré la mort du roi) fut sans doute une des plus grandes fautes de la souveraine.

La fin tragique de Marie Ière d’Écosse

Le 24 juillet 67, après son arrestation par la noblesse écossaise, Marie abdique sa couronne, avant de s’évader et de chercher asile en Angleterre, où elle est incarcérée par Élisabeth durant dix-huit années. Durant sa captivité, elle se mêle à plusieurs complots visant à détrôner Élisabeth. L’un d’eux, déjoué, conduit à son procès et à sa condamnation à mort en 1586. Le sort final de Marie est scellé le 8 février 1587, lorsque la décapitation met fin à une vie tumultueuse et tragique, mettant également fin à une chaîne d’événements, dont les répercussions politiques et religieuses résonneront dans toute l’Europe pendant des siècles.

Quelques liens et sources utiles

 Labarrière Dominique, Marie Stuart : Reine tragique, Lanore, 2023

 Vincent Delmas, Chris Regnault, Andrea Meloni, Elisabeth Ière, Glénat BD, 2016 (pour voir l’histoire pour facilement)

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