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Les malades mentaux durant le Moyen Âge

Au Moyen Âge, les maladies mentales étaient incomprises et souvent associées à des croyances superstitieuses.
Château de Durtal lors de son utilisation comme hôpital - Archive départementale du Maine-et-Loire | Licence Ouverte Version 2.0
Château de Durtal lors de son utilisation comme hôpital – Archive départementale du Maine-et-Loire | Licence Ouverte Version 2.0

Les maladies mentales sont déjà présentes au Moyen Âge, mais la vision en était bien différente. C’est une période marquée par des croyances religieuses et des connaissances médicales limitées.

Il est important de comprendre le contexte historique dans lequel ces troubles étaient perçus. Souvent vus à travers le prisme de la superstition et de la stigmatisation, les maladies mentales étaient mal comprises et entourées de craintes.

Concepts et croyances populaires au Moyen Âge

Au Moyen Âge, les maladies mentales étaient largement incomprises et associées à des croyances superstitieuses. Les personnes atteintes étaient souvent considérées comme possédées par des démons ou victimes de malédictions divines. Les traitements étaient rudimentaires et basés sur des remèdes magiques ou des exorcismes.

Les institutions de soins, comme les asiles et hospices, étaient rares et offraient peu de confort ou de soutien aux patients. L’art et la littérature de l’époque reflétaient ces croyances stigmatisantes, représentant souvent les malades mentaux comme des figures grotesques ou dangereuses. Cette période a laissé un héritage complexe sur la manière dont les maladies mentales sont perçues et traitées dans la psychiatrie moderne.

Comment les maladies mentales étaient-elles perçues, comprises et traitées au Moyen Âge ?

Au Moyen Âge, les maladies mentales étaient souvent attribuées à des causes surnaturelles par les croyances religieuses et superstitieuses. Les personnes souffrant de schizophrénie ou d’épilepsie étaient considérées comme possédées.

Les gens croyaient que la possession démoniaque pouvait causer des troubles mentaux, et des rituels d’exorcisme étaient parfois utilisés comme traitement. Dirigés par des prêtres, ces rituels servaient à retirer le mal d’une personne, comme le montre le Rituel Romain, le manuel de l’exorcisme rédigé en 1614 par l’Église catholique, qui codifiait ces pratiques.

De plus, la superstition était courante, associant par exemple la folie à des punitions divines pour des péchés.

Cela est illustré par la légende de Sainte Dymphna, souvent invoquée pour les troubles mentaux. Sa tombe était un lieu de pèlerinage pour les personnes souffrant de troubles mentaux.

Les croyances populaires influençaient fortement la perception des maladies mentales, entraînant parfois des réactions de peur ou de rejet envers les personnes atteintes.

17 juin 1614 : IVème centenaire du Rituale Romanum de Paul V - Schola Sainte Cecile
17 juin 1614 : IVème centenaire du Rituale Romanum de Paul V – Schola Sainte Cecile

Cela se voit dans les écrits de théologiens comme Saint Augustin, qui influençaient la perception de la maladie mentale en considérant la folie comme un manque de raison et comme la conséquence du péché originel.

D’un point de vue médicale des maladies mentales

Au Moyen Âge, les approches médicales pour traiter les maladies mentales étaient variées et parfois controversées. Les pratiques étaient souvent inefficaces et douloureuses pour les patients. Certains praticiens utilisaient des ingrédients naturels comme des herbes et des plantes pour concocter des remèdes, croyant en la force des éléments de la nature pour guérir les troubles de l’esprit.

Des remèdes à base de plantes comme la valériane, la mandragore ou encore la belladone étaient utilisés. Pour illustrer cela, l’exemple de Hildegarde de Bingen, une abbesse du XIIe siècle, soignait les maladies mentales avec des plantes.

Illustration de la mandragore - Sibthrop, J., Smith, J.E. - Flora Graeca | Domaine public
Illustration de la mandragore – Sibthrop, J., Smith, J.E. – Flora Graeca | Domaine public

D’autres médecins privilégiaient des traitements plus radicaux tels que la saignée ou l’utilisation de purgatifs pour rétablir l’équilibre du corps. Les patients considérés comme mélancoliques pouvaient être contraints de subir la saignée ou encore les purgatifs, avec des lavements et vomitifs.

Les techniques de choc, comme plonger les patients dans l’eau froide, étaient également courantes, basées sur l’idée que le choc physique pouvait soulager les symptômes mentaux.

Malgré leur manque d’efficacité scientifique, ces approches médicales reflètent la tentative de l’époque de comprendre et de traiter les maladies mentales, ainsi que la cruauté qui pouvait être exercée envers les malades mentaux.

Asiles et hospices de l’époque médiévale

Au Moyen Âge, les asiles et hospices étaient les principaux lieux de prise en charge des maladies mentales. Ces institutions étaient souvent situées à l’écart des villes et des villages, dans des bâtiments imposants pour des raisons de sécurité et de stigmatisation. Caractéristique qui existait encore à la fin de la Grande Guerre, les hommes touchés par l’obusite étaient enfermés là-bas.

Les personnes atteintes de troubles psychiques y étaient hébergées et soignées, parfois de manière rudimentaire. Les asiles médiévaux, isolés de la population générale, comme nous le voyons avec l’exemple de l’hôpital de Bethléem, fondé à Londres en 1247, étaient situés à l’extérieur des murs de la ville d’origine. Ces institutions pour malades mentaux avaient souvent des murs épais et de lourdes portes pour réellement les isoler du reste du monde.

Les conditions de vie dans ces établissements pouvaient être très dures, avec peu d’hygiène et des traitements parfois violents. Les asiles étaient souvent surpeuplés, et les patients étaient parfois enchaînés pour éviter qu’ils ne s’enfuient. Les patients étaient parfois enchaînés pour éviter qu’ils ne blessent.

Les ordres religieux et les hospices quant à eux jouaient un rôle important dans l’accueil des malades mentaux, comme dans le monastère de Saint-Lazare fondé au XIIe siècle. Malgré ces conditions difficiles, les asiles et hospices ont permis une certaine forme de prise en charge des troubles mentaux, même si elle était souvent inadaptée.

Stigmatisation et symbole

Au Moyen Âge, les maladies mentales étaient souvent mal comprises et entourées de stigmatisation. Les personnes atteintes étaient souvent considérées comme possédées par des démons, ce qui renforçait la peur et le rejet de la part de la société.

Cette stigmatisation se reflétait également dans l’art et la littérature de l’époque, où les troubles mentaux étaient souvent représentés de manière sombre et inquiétante. Pour illustrer, l’œuvre de Sebastian Brant, « La Nef des fous » écrite en 1494, tourne les malades mentaux en ridicules et dangereux. Les symboles utilisés pour décrire ces maladies étaient souvent négatifs, renforçant ainsi l’image négative associée aux troubles psychiques.

De même, dans les enluminures, les malades mentaux étaient dessinés avec des traits difformes et des expressions de terreur ou de malveillance.

Cette stigmatisation a eu des répercussions importantes sur la manière dont les personnes atteintes étaient traitées et perçues, contribuant à leur isolement et à leur souffrance. Comme nous le remarquons dans l’asile Bedlam à Londres, qui a laissé des traces écrites montrant que les malades étaient parfois exposés comme des curiosités.

Influences sur la psychiatrie actuelle

Les approches médicales utilisées au Moyen Âge pour traiter les maladies mentales ont influencé la psychiatrie, tant dans l’organisation des soins que dans les perceptions populaires des troubles mentaux.

Par exemple, l’idée de séparer les patients en fonction de la gravité de leur trouble mental, observée dans les institutions de soins médiévales, a contribué à la mise en place de différentes formes de traitement adaptées aux besoins individuels des patients en psychiatrie actuelle où les unités de soins sont souvent organisées en fonction de la sévérité des troubles des patients, permettant des traitements adaptés et spécialisés.

De plus, certaines croyances populaires sur l’origine des maladies mentales ont perduré dans la société et ont influencé la perception des troubles psychiatriques, malgré les avancées scientifiques.

Ces héritages du Moyen Âge ont donc joué un rôle important dans la manière dont la psychiatrie moderne aborde et traite les maladies mentales.

Nous avons hérité de beaucoup de manières d’approcher la maladie mentale, mais elles sont abordées de manière différente et plus évoluée. Nous retrouvons l’herboristerie et la phytothérapie aujourd’hui utilisées pour traiter l’anxiété ou encore l’insomnie. On retrouve le confinement pour assurer la sécurité de tous, comme nous pouvons le voir pour les patients ayant des comportements agressifs ou suicidaires qui sont aujourd’hui enfermés pour leur sécurité.

À titre d’exemple concret, l’hôpital de Saint-Maurice en France illustre l’évolution de la séparation des patients. Construit au XIXe siècle, il a petit à petit développé des unités de soins pour les patients selon la gestion des différents degrés de la maladie mentale.

D’un point de vue judiciaire

À l’époque médiévale en France, les malades mentaux étaient confrontés à un statut juridique complexe qui les marginalisait socialement et restreignait leurs droits civils. Cette exclusion se manifestait par divers aspects de leur vie, notamment d’un point de vue religieux. Bien que tous les malades aient été baptisés, le mariage leur était souvent refusé, et la communion leur était rarement proposée.

L’exemple des malades mentaux venant de la noblesse illustre l’ostracisme juridique et familial puisqu’ils perdaient leurs droits et privilèges. Leurs biens étaient généralement gérés par des membres de leur famille pour protéger le patrimoine familial. De plus, les malades mentaux se voyaient privés de testament, d’intenter une action en justice, de passer un contrat ou encore d’occuper une fonction publique.

Une institution, héritée du droit romain, se voit alors apparaître et se répand progressivement à la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle, celle de la curatelle. Ce sont les personnes qui gèrent les biens et la gestion des avoirs du malade mental.

Les responsabilités judiciaires des malades mentaux au Moyen Âge

Au Moyen Âge, les personnes souffrant de maladies mentales n’avaient pas de responsabilité juridique, notamment pénale, puisqu’elles étaient reconnues comme irresponsables de leurs actes criminels en raison de leurs troubles mentaux.

En effet, cette vision fut influencée par le droit romain, qui amenait à avoir une décision sans nuance ne prenant pas en compte le degré de la maladie mentale. Ils étaient considérés comme dépourvus de raison et c’est pour cela qu’ils ne devaient pas être punis au tribunal.

Les juges suivaient une maxime romaine disant « le fou est assez puni par sa folie elle-même ». Les juges faisaient preuve de bonté face aux malades mentaux et cela était accentué par la religion. En effet, dans une société très religieuse, le christianisme prêchait la miséricorde et l’empathie envers les malades et les pauvres.

Les malades étaient alors très peu envoyés en prison mais plutôt renvoyés dans leurs familles pour avoir une surveillance. Cette approche de la justice à l’égard des personnes atteintes de troubles mentaux reflète la complexité des attitudes médiévales envers la folie, combinant des éléments de compassion religieuse avec des concepts juridiques hérités de l’Antiquité.

Évaluer la folie en justice au Moyen Âge

Au Moyen Âge, la détermination de la folie d’une personne reposait principalement sur ses actes et ses paroles, ce qui lui valut d’être désignée dans les textes juridiques comme « furiosus » (folie folle). Les tribunaux s’appuyaient sur les témoignages, en particulier ceux des voisins de la personne concernée, pour établir la folie de celle-ci, évitant ainsi toute intervention médicale qui pourrait compromettre leurs privilèges. Le juge, utilisant son propre discernement, écoutait les arguments pour et contre pendant le procès et posait finalement un diagnostic de folie.

Les décisions judiciaires sur la folie d’un individu avaient des répercussions significatives sur la gestion de ses biens et sur sa famille. Une personne déclarée folle voyait ses biens administrés par un proche, ce qui permettait de protéger la famille de la stigmatisation sociale. En revanche, si l’individu était considéré comme simulateur ou prodigue, la famille pouvait subir des sanctions économiques et une exclusion sociale.

Lors d’un suicide, établir la folie de la personne décédée était crucial pour la famille et pour le traitement du défunt. Si la folie était reconnue, le suicidé bénéficiait de la clémence du tribunal et pouvait avoir des obsèques religieuses, maintenant ainsi son inclusion dans la communauté. À l’inverse, sans reconnaissance de folie, le suicidé était exclu de la communauté et privé de funérailles religieuses, ce qui entraînait une double exclusion sociale et religieuse, et une honte pour la famille.

Quelques mots de fin

Il est important de se rappeler que les maladies mentales au Moyen Âge étaient largement influencées par des croyances populaires et des conceptions religieuses.

Les traitements disponibles étaient limités et souvent basés sur des approches médicales rudimentaires. Les institutions de soins, telles que les asiles et les hospices, étaient souvent surpeuplées et offraient des conditions de vie difficiles pour les patients.

Les représentations dans l’art et la littérature reflétaient la stigmatisation entourant la folie. Malgré ces défis, l’héritage de cette époque a eu des influences durables sur la psychiatrie moderne, soulignant l’importance de comprendre l’évolution.

Quelques liens et sources utiles

Muriel LAHARIE, Comprendre et soigner la maladie mentale au Moyen Age (Xle – Xllle siècles), Paris des Cartes,

Paul SIVADON, Le sort des malades mentaux avant le XXe siècle, Universalis

Hélène Leuwers, Les praticiens de santé devant la justice : conflits et structuration des activités de soin à Paris et à Londres (XIVe – milieu du XVIe siècle), Paris 10, 2022

Pr ALOUAN, Histoire de la psychiatrie, Université Ferhat Abbas, 2019 – 2020

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