En guerre depuis 2014, l‘Ukraine est ravitaillée par ses alliés, notamment en matériel qu’elle ne peut pas produire localement. Le matériel militaire français est en tête des listes pour la période 2014-2022. Ainsi, 1,6 milliard d’euros de matériels militaires français ont été livrés sur cette période, allant des munitions, aux hélicoptères drones, en passant par de l’entraînement pour les troupes ukrainiennes.
Au déclenchement de l’opération militaire spéciale par Vladimir Poutine, les livraisons occidentales se sont accélérées, notamment de la part des États-Unis qui sont aujourd’hui le deuxième fournisseur d’équipements militaires pour les forces ukrainiennes.
Une guerre totale pour l’Ukraine
Sans l’apport des armes occidentales, l’Ukraine aurait peiné à repousser les assauts russes. Malgré une préparation d’un grand amateurisme, la Russie est une nation militaire puissante, qui peut rivaliser sans nul doute contre l’Ukraine. Numériquement l’armée russe pulvérise les forces ukrainiennes, mais n’est-ce pas un simple village Potemkine ? Une question pour un prochain article…
Une rapport de force en faveur des Russes
Au lancement des opérations, l’armée russe mobilisait sur différents points stratégiques 190 000 soldats (une petite partie des 900 000 soldats de l’actif). L’Ukraine, elle, devait répartir ses 300 000 hommes sur l’ensemble de son territoire, à la fois aux frontières des oblasts séparatistes, mais aussi aux frontières de la Russie et de la Biélorussie. Russie et Biélorussie qui, d’ailleurs, réalisaient un exercice militaire de grande ampleur, source d’inquiétudes pour l’Ukraine et l’Occident.
L’Ukraine alignait 187 avions, 46 hélicoptères, 858 chars et 1 158 véhicules blindés. Son équipement était un mélange parcellaire de vieilleries soviétiques et d’équipements de haute technologie occidentale. Enfin en 2020, le budget militaire de l’Ukraine s’élevait à 5,9 milliards de dollars, soit 10 fois moins que le budget de la Russie, qui lui était à 61,7 milliards de dollars.
La Russie possède numériquement une force écrasante. 1 846 avions militaires, dont 772 avions de chasse, 832 hélicoptères, 2 840 chars et 5 220 véhicules blindés. De plus l’entraînement militaire et l’équipement russe sont théoriquement meilleurs que pour les soldats ukrainiens.
La Russie modernise également ses armées depuis deux décennies, meilleur équipement personnel, systèmes anti-aériens modernisés, véhicules blindés améliorés, etc. Des éléments comme le S-300 ou les missiles supersoniques inquiétaient les états-majors occidentaux, laissant penser que les Ukrainiens ne pourraient pas s’interposer contre du matériel de ce type.
Aucune arme n’est décisive. De plus, la défense est une stratégie plus simple à mettre en oeuvre, moins couteuse en hommes et en matériel. Les Ukrainiens se battent pour défendre leur pays, contrairement à des Russes qui ne savent pas, pour la plupart, ce qu’ils font en Ukraine. Ainsi ce n’est pas numériquement que le conflit en Ukraine se pense, mais à l’échelle du moral.
La logistique occidentale au service des Ukrainiens
En plus du moral en acier des Ukrainiens, ils sont équipés de missiles stinger, de drones TB2 turcs, mais aussi de pièces d’artillerie CAESAR (en provenance du matériel militaire français) qui, mine de rien, font une sacrée différence face à du matériel russe vieillissant et pas si bien modernisé que ça.
Nous évoquions, en introduction, que les États-Unis sont le deuxième soutien le plus important à l’effort de guerre ukrainien. Qui peut bien se trouver devant la première puissance militaire du monde ? Tout simplement la Russie, qui a perdu en très grande quantité du matériel militaire encore opérationnel, notamment des véhicules blindés, des chars ou encore des hélicoptères que les Ukrainiens se sont empressés de récupérer.
Néanmoins, l’équipement de valeur provient des alliés occidentaux. Les États-Unis en tête, suivis de près ou de loin par l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Pologne ou encore le Canada. La France n’est certes pas en tête du classement, mais envoie du matériel de qualité, bien supérieur aux éléments envoyés par les troupes alliées, qui le plus souvent vide leur vieux stock (notamment du stock de l’ère soviétique pour les pays de l’Est).
Le matériel militaire français en Ukraine
La fourniture d’équipements militaires n’est pas considérée comme un acte de guerre, protégeant donc tous les alliés de l’Ukraine de représailles russes. Néanmoins, la limite est fine et de nombreux matériels n’ont toujours pas été livrés par peur d’une accélération du conflit, vers une guerre totale.
Le droit international et le droit des conflits armés ne font pas des pays qui fournissent à un autre pays [pour] son autodéfense des belligérants. Donc les pays de l’Union européenne et les autres pays qui aident à cet effort de guerre ne peuvent pas être caractérisés comme des belligérants malgré la désinformation et malgré le discours qui peut être fait par Vladimir Poutine à ce sujet.
Amiral Hervé Bléjean, directeur général de l’état-major de l’Union européenne
La crainte d’un conflit nucléaire entre les grandes puissances concerne à la fois les populations et les gouvernements. La France, l’un des rares alliés à avoir cette pensée, souhaite conserver une certaine discrétion vis-à-vis de ses livraisons.
Devenir belligérant aux yeux des Russes
Les États-Unis, l’Allemagne, la Belgique ou le Royaume-Uni sont complètement transparents sur l’équipement qu’ils livrent à l’Ukraine. À notre sens, ce n’est qu’une manoeuvre de communication – à moindre mesure pour les États-Unis – pour montrer son implication dans le soutien de la guerre en Ukraine.
Malgré une condamnation formelle de l’agression russe contre l’Ukraine, la France n’a jamais abondamment communiqué son implication dans le soutien aux forces armées ukrainiennes. Cette méthode était un choix politique pour préserver les canaux de communication avec le Kremlin. En effet, Emmanuel Macron était un interlocuteur privilégié dans les négociations de paix entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine.
Ainsi, dans un premier temps, les livraisons s’étaient limitées à du matériel de défense et à du carburant. En tout cas c’était la ligne officielle. Cependant, déjà du matériel offensif, type missile antichars Milan était envoyé sur les lignes de front par la France.
Malgré le secret défense des livraisons, des sources officielles, officieuses et l’OSINT permettent d’avoir une idée relativement précise du matériel militaire français qui a été envoyé à l’Ukraine.
Un équipement quantifiable ?
En plus des missiles Milan, l’armée française a envoyé des véhicules de l’avant blindé (VAB) en nombre à l’armée Ukrainienne, mais aussi le très remarqué canon CAESAR. Cette livraison réalisée au mois de juin a permis à l’armée Ukrainienne de reprendre pied durant l’apogée de l’offensive russe du Donbass.
Livraison, avant l’invasion, du matériel militaire français :
- hélicoptères drones de reconnaissance ;
- armes et équipements pour la marine ;
- systèmes de ciblage ;
- munitions de divers calibres ;
- systèmes de conduite de tir ;
- de l’entrainement des troupes ukrainiennes ;
- des équipements de défense non spécifiés.
Ces livraisons pour l’Ukraine se chiffrent à plus de 1,6 milliards d’euros.
Livraison depuis l’invasion du 24 février :
- Équipement de protection ;
- Essense et munitions ;
- Système optique infra-rouge ;
- Renseignement et observation satellite ;
- Missiles MILAN ;
- Missiles Javelin ;
- Missiles Akeron ;
- 18 obusiers CAESAR, avec des milliers d’obus ;
- 6 obusiers CAESAR, de la commande norvégienne ;
- 15 obusiers TRF1 ;
- 2 lance-roquettes unitaires ;
- 2 systèmes de défense sol-air Crotale R-400 ;
- Missiles Mistral ;
- 60 Véhicules de l’avant blindé (VAB) ;
- 20 ACMAT Bastions ;
- Des camions TRM 2000 ;
- Des camions GBC 180 ;
- Des voitures Peugeot P4 ;
- Des mines antichars HPD2A2 ;
- Plusieurs ponts flottants du génie ;
- Des ponts en kit de la société Matière.
Les aides ne se limitent pas à du matériel militaire, il y a également des aides économiques, avec des prêts accordés à des entreprises ukrainiennes, mais aussi des aides humanitaires, comme des dons de nourritures, de vêtements, mais aussi de matériels pour lutter contre les incendies.
Les livraisons françaises représentent 4% de l’aide européenne et 2% de l’aide occidentale. Nous devons à la fois augmenter cette aide, pour peser dans les négociations et dans les échanges, mais aussi renforcer notre propre armée, en augmentant nos stocks opérationnels et nos véhicules opérationnels modernes.
La guerre en Ukraine est un bon rappel pour l’ensemble des pays européens de la fragilité de nos armées, avec des budgets très réduits. La guerre frappe aux portes de l’Europe, des puissances souhaitent imposer leur désir. L’armée peut, et doit, se placer comme un bouclier pour défendre nos libertés et nos valeurs démocratiques.
Quelques liens et sources utiles
Xavier Moreau, Ukraine: pourquoi la France s’est trompée, Editions du Rocher, 2015
Gallagher Fenwick, Volodymyr Zelensky : L’Ukraine dans le sang, Editions du Rocher, 2022
Andreas Kappeler, Russes et Ukrainiens, les frères inégaux, du Moyen Âge à nos jours, CNRS, 2022
Xavier Tytelman, playlist YouTube : suivi du conflit par source OSINT, février – novembre 2022
« Livraisons d’armes à l’Ukraine : « Le constat est un peu humiliant pour la France » », L’Express, 08 octobre 2022
« Guerre en Ukraine : pourquoi les livraisons d’armes arrivent au compte-gouttes », L’Express, 07 septembre 2022
« Ukraine : comment la Russie est devenue (malgré elle) le plus grand fournisseur d’armes de Kiev », L’Express, 07 octobre 2022
« Quels armements la France fournit-elle à l’Ukraine ? », Le Monde, 10 octobre 2022
« Arms for Ukraine : French Weapons Deliveries To Kyiv », Oryx, 13 juillet 2022
« Guerre en Ukraine, 100e jour : le bilan des armes livrées à Kiev », Les Echos, 03 juin 2022
« Livrer des armes à l’Ukraine fait-il de nous des « cobelligérants » ? », Le Figaro, 07 mars 2022
« La France fournit des véhicules blindés VAB à l’Ukraine », Air&Comos, 30 juin 2022
« France to deliver CAESAR artillery guns, shells to Ukraine », Anadolu Agency, 22 avril 2022