L’avenir de la défense européenne dans le monde tient aux coopérations et au développement des capacités militaires au sein de l’UE, mais pas seulement. L’Europe scindée d’antan doit revoir ses stratégies géopolitiques si elle veut être à la hauteur des changements mondiaux qui s’opèrent actuellement.
Depuis la création de la Communauté européenne de défense, l’UE a progressivement œuvré vers une défense commune et une politique de sécurité intégrée à l’échelle européenne. Mais les conflits et les stratégies menées par les différentes alliances viennent prouver que l’Europe n’arrive pas encore à s’imposer en tant que puissance.
La défense européenne fragilisée par le Brexit
Aujourd’hui, la défense européenne se trouve confrontée à de multiples défis stratégiques et opérationnels. Avec le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne à la suite du Brexit, les pays membres ont dû repenser leur coopération en matière de défense européenne et de sécurité. Cette décision a également mis en lumière la nécessité pour les pays de se protéger au niveau nationale.
C’est dans ce contexte que le Traité de Lisbonne a introduit la politique de sécurité et de défense commune visant à renforcer la coopération entre les États membres. Ainsi pour garantir l’autonomie stratégique de l’Union européenne et renforcer ses capacités militaires l’UE met en place la coopération structurée permanente.
La défense européenne extrêmement dépendante des États unis
La question de l’indépendance de la défense européenne vis-à-vis des États-Unis est une préoccupation majeure pour de nombreux pays membres de l’Union européenne. Car elle pose, en effet, plusieurs problèmes stratégiques et politiques.
Les États-Unis ont historiquement joué un rôle prépondérant dans le domaine de la défense européenne. Ainsi, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et les tensions géopolitiques et idéologiques qui ont émergé pendant la Guerre froide. Une réelle scission plane sur le vieux continent.
Dans un contexte de trouble, l’alliance atlantique est mise en place pour contrer l’influence du bloc soviétique. Les États unis deviennent donc les principaux protecteurs des pays occidentaux, notamment au sein de l’OTAN. En effet, au lendemain de la guerre, les aides financières des États-Unis permettent à de nombreux pays européens de reconstruire leurs forces armées.
La fin de la guerre froide et l’effondrement de l’Union soviétique entrainent cependant une réduction des budgets de défense européenne. Les pays membres de l’OTAN estimant que la menace communiste a disparu.
Cependant le contexte géopolitique actuel a évolué et de nouvelles menaces ont émergé, obligeant l’UE à repenser sa politique de défense. En plus de cela, les États-unis ont adopté une approche de plus en plus unilatérale dans leur politique étrangère conduisant à des tensions au sein de l’Europe.
Le budget de l’UE dans les dépenses militaires
Alors que les États-Unis n’ont cessé d’encourager les pays européens à maintenir un niveau de dépenses militaires adéquat pour faire face aux nouvelles menaces, et aux conflits régionaux. La crise financière de 2008 et la récession qui a suivi ont largement impacté les budgets militaires des pays. Poussant de nombreux gouvernements à réduire leurs dépenses de défense.
Que ce soit sous la présidence de George W. Bush ou de Barack Obama, ils ont continué à exhorter les pays de l’UE à augmenter leurs dépenses militaires pour atteindre l’objectif de 2% du produit intérieur brut recommandé par l’OTAN. À l’époque, de nombreux pays européens ont été réticents, préférant consacrer leurs ressources à d’autres priorités.
En outre, alors qu’en 2022, le budget de 240 milliards d’euros reste satisfaisant qu’il est : quasiment au même niveau que celui de la chine et qu’il représente plus du double de celui de la Russie. Moins de 20% sont alloués aux équipements de défense. Avec la montée en puissance de la Chine et une Russie toujours plus menaçantes.
Le débat sur les dépenses de la défense européenne est relancé. D’autant plus que les tensions actuelles qui s’opèrent en Asie font craindre de nouveaux conflits.
Des désaccords géopolitiques au sein même de l’UE
Dans un monde où les guerres ont comme toujours révélé les rivalités entre les superpuissances. Les pays membres de l’Union européenne sont en désaccord quant à la manière d’y répondre. Tandis que l’escalade du conflit en Ukraine continue, les Européens, déterminés à se tenir au côté de l’Ukraine pour la liberté, sont pris au piège quant aux conséquences économiques, énergétiques et diplomatiques.
La guerre en Ukraine à une nouvelle fois, exposée, les failles dans la cohésion en matière de défense européenne et les pays européens peinent à être d’accord. En effet, alors que certains pays d’Europe centrale tels que la Hongrie, l’Autriche, la Slovaquie, la Slovénie et la République tchèque veulent maintenir les lignes de communication avec la Russie. Pour d’autres pays européens, les intérêts sont tout autre.
La Suède, la Roumanie, la Finlande, la Pologne et les états baltes souhaitent mettre dos au mur la Russie. En Europe de l’Ouest, si le tandem franco-allemand reste résolument engagé du côté des Ukrainiens. Les récentes déclarations d’Emmanuel Macron évoquant la possibilité d’un envoi de troupes occidentales pour combattre en Ukraine ont exposé d’énormes contradictions dans une Europe fébrile. Les États-unis et l’Allemagne s’opposant aux déclarations du président français.
Dans une Europe ou l’Amérique a longtemps servi de bouclier, la Pologne et les états baltes ne peuvent se soustraire à l’aide militaire américaine.
Alors que la France souhaite une indépendance plus importante vis-à-vis du gouvernement de Biden. Afin de ne pas servir les intérêts de l’Amérique aux dépens de ceux de l’Europe. Le conflit en Ukraine et les sanctions de l’Europe et des Américains ont laissé les pays européens dans une contradiction évidente.
Les nations peinent à se coordonner et à se consulter, et encore moins à s’unir derrière une stratégie commune digne du grand défi auquel elles sont toutes confrontées dans la nouvelle lutte pour le pouvoir mondial.
La posture des États-unis pour atteindre la position de leadership international
Dans l’objectif de restreindre l’économie de Moscou et de Pékin, l’Europe se retrouve à souffrir de la loi Biden et le “made in America” mine les échanges transatlantiques.
Bien que la concurrence européenne souffre des subventions apportées par le gouvernement de Biden pour lutter contre l’inflation et doper l’économie. L’UE se place parmi les grands acteurs du commerce mondial. À la deuxième place dans les exportations et les importations de biens. Et en première place dans le commerce des services.
Avec un état américain qui se veut toujours plus dominant. Et une attitude protectionniste et concurrentielle redoutable vis-à-vis de l’Europe. La posture des États-Unis d’Amérique commence à irriter l’UE. Par suite d’une continuelle stratégie à l’imitation du leadership économique chinois. Et des ambitions qui ne tiennent évidemment pas compte des besoins européens.
Le plan de Bruxelles pour consolider l’industrie de défense européenne
Ce mardi 5 mars 2024, la Commission européenne souhaite renforcer l’industrie de défense européenne. Afin d’intensifier l’effort d’armement de l’Europe face à la menace russe grandissante. Prévoyant, d’ici 2030, l’approvisionnement de 50% des équipements militaires commandées par l’UE aux industries de défense européenne.
Dans un contexte de tensions au sein même de l’Europe, une réelle prise de conscience s’opère laissant présager les prémisses d’une organisation plus efficace et consolidée entre les pays états membres. C’est dans cette optique que la stratégie de défense européenne s’accélère afin d’être mieux armé face à l’escalade des hostilités et la menace russe.
« La menace d’une guerre n’est peut-être pas imminente, mais elle n’est pas impossible »
C’est ce qu’a affirmé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
La récente émergence au sein de l’UE d’une agence européenne de défense et de sécurité témoigne de la volonté des états membres de renforcer l’autonomie de la défense européenne. En outre, avec la mise en place d’un commandement et d’un quartier général européen, l’UE veut gérer les crises de manière efficace.
La défense européenne se doit de ne plus être dépendante d’une quelconque alliance afin d’assurer sa sécurité et sa souveraineté. L’avenir de la défense européenne dans un monde en perpétuelle évolution dépend de la capacité des pays européens à coopérer. Les États-unis et le monde ont aussi tout intérêt pour tenir tête à une Russie belligérante et à la Chine montante. Que l’Europe soit forte et unie, et non pas faible et divisée.
Quelques liens et sources utiles
« En quoi le traité de Lisbonne a-t-il renforcé la politique de défense », Vie publique, 2021
« Cinq pays d’Europe centrale veulent maintenir les voies de communication avec la Russie », Euractiv, 2024
« Face à la menace russe, le plan de Bruxelles pour muscler son industrie de défense et s’affranchir des Etats-Unis », La Tribune, 5 Mars 2024