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L’histoire de l’Airsoft : de la collection à la pratique

L'Airsoft est une pratique sportive consistant à toucher des adversaires avec des billes de plastiques tirées par répliques d'armes.
Joueurs d'airsoft lors d'une reconstitution de la Seconde Guerre mondiale - Mike Brown | Creative Commons BY 2.5
Joueurs d’airsoft lors d’une reconstitution de la Seconde Guerre mondiale – Mike Brown | Creative Commons BY 2.5

L’airsoft est une pratique sportive qui tend à se populariser en France et dans le monde. Invention attribuée au Japon, l’airsoft apparaît à la suite de la Seconde Guerre mondiale, au sein d’un peuple qui n’est pas autorisé à posséder des armes, qu’elles soient militarisées ou non. Longtemps jugée, la pratique étant assimilée à la délinquance, aux braquages et à l’extrême droite, elle semble malgré tout s’installer durablement. En France, l‘airsoft se compose de plusieurs centaines d’associations et de milliers de pratiquants. Revenons dans cet article sur la pratique de ce loisir, son histoire, ses règles et ses liens avec l’histoire.

Interdiction des armes au sein de la population japonaise

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon perd son droit à la légitime défense. La sécurité du pays, tant dans sa dimension humaine que géographique, est gérée par les États-Unis. Les forces armées sont démantelées et tombent sous le contrôle des États-Unis. La possession d’armes est très réglementée, voire même considérée comme interdite, que ce soit pour des armes de chasse, des collections ou même des armes démilitarisées.

Lors de l’entrée en vigueur de ce traité, le Japon ne disposera pas des moyens nécessaires pour exercer son droit naturel de légitime défense, car il a été désarmé.

Traité de sécurité entre les États-Unis et le Japon, 8 septembre 1951

La nouvelle constitution du Japon se veut très stricte en ce qui concerne la capacité du pays à redevenir un pays belligérant. Le Japon n’est pas un pays où les armes à feu sont courantes, le taux de possession d’armes au sein de la population est faible. Les gouvernements successifs ont toujours cherché à limiter la possession d’armes aux non-combattants.

Chapitre II. Renonciation à la guerre

Article 9. Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l’ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux.

Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l’État ne sera pas reconnu. »

Au Japon, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la nouvelle constitution réglemente la détention des armes à feu pour la population civile à la suite du traité de l’armistice imposé par les États-Unis.

Constitution du Japon, entrée en vigueur le 3 mai 1947

Dans l’histoire du Japon, les armes ont été confisquées ou interdites à trois reprises par le pouvoir. La première fois en 1558, la deuxième fois en 1876 avec l’édit Haïtôrei qui interdit le port d’armes dans les lieux publics, à l’exception des militaires et des policiers, puis à la fin de la Seconde Guerre mondiale lorsque les autorités américaines confisquent toutes les armes par crainte de mouvements de résistance armés. Cette campagne s’est intensifiée en 1958, lorsque le Japon a pris des mesures radicales, empêchant toute personne de posséder une arme à feu ou un sabre sans autorisation.

La première campagne de grande ampleur remonte à 1 588 quand le seigneur de guerre Hideyoshi Toyotomi, dans un effort d’unification du pays, a choisi de désarmer les paysans à l’origine de nombreuses révoltes.

Chikao Uranaka, professeur à l’université de Kyoto Sangyo et sociologue spécialisé sur le thème de la police et de la sécurité

Même aujourd’hui, le Japon demeure l’un des pays les plus stricts en matière de possession d’armes, avec des règles de possession très contraignantes pour les acquéreurs. Selon le Gunpolicy.org, il y a 0,6 armes pour 100 habitants au Japon selon leur étude de 2018.

Malgré ces interdictions, certains membres du public, notamment des collectionneurs, souhaitaient pouvoir acquérir des répliques ou des armes inertes.

De la collection à la pratique sportive

La demande initiale émane des collectionneurs qui souhaitent posséder des armes, même factices, en plastique ou non-fonctionnelles. La réglementation est très stricte, et même aujourd’hui, lorsqu’un grand nombre d’armes de la Seconde Guerre mondiale sont découvertes lors d’héritages et conservées clandestinement, elles sont confisquées par les autorités.

Cependant, à partir de 1960, une entreprise japonaise parvient à contourner les réglementations afin de proposer un produit aux collectionneurs. La société Maruzen fabrique des répliques d’armes en plastique inertes. Par la suite, des répliques en résine et en métal voient le jour, avec quelques pièces mobiles, telles que le chargeur, la culasse ou encore la détente. Malgré ces éléments mobiles, il est impossible pour ces répliques de tirer des projectiles.

Les premières répliques d’Airsoft fonctionnelles

Au milieu des années 1970, des ingénieurs développent des répliques d’airsoft fonctionnelles, capables de tirer des billes de 6 millimètres. Le mécanisme de propulsion repose sur un système d’air comprimé. Ces premières répliques d’airsoft sont entièrement légales et fonctionnelles, bien que peu fiables, ce qui permet déjà leur utilisation dans le cadre d’activités de loisirs telles que les Survival Games ou les Wargames.

Pour le plus grand plaisir des amateurs français, et se distinguant du french bashing des anglo-saxons, nos amis japonais ont reproduit le fusil d’assaut de la Manufacture d’Armes de Saint-Étienne (FAMAS), qui est devenue la première réplique fonctionnelle commercialisée.

La pratique de l’airsoft n’était pas aussi aisé qu’aujourd’hui. Les joueurs devaient se déplacer avec plusieurs bouteilles d’air comprimé pendant les parties, ce qui réduisait le réalisme recherché. Par la suite, les bouteilles d’air comprimé ont été remplacées par des bouteilles de gaz, mais l’autonomie était réduite et les bouteilles ou capsules de gaz étaient très bruyantes.

Les différents types de répliques d’Airsoft

Dans cette perspective, les différentes sociétés japonaises spécialisées dans la production de répliques d’armes ont réalisé des innovations. Les répliques sont devenues plus fiables, plus puissantes et plus réalistes. Contrairement au paintball, l’objectif de l’airsoft est d’être le plus réaliste possible.

Les répliques sont classées en trois types distincts, reposant sur des mécanismes différents, adaptés à différentes utilisations.

Les répliques d’airsoft à ressort

Les répliques d’airsoft à ressort (spring) sont souvent destinées aux « plus jeunes », car elles nécessitent une recharge manuelle pour chaque tir. Ces répliques ne permettent pas d’avoir une cadence de tir élevée et leur qualité de fabrication ainsi que leur précision sont souvent médiocres. Elles ne sont pas conçues pour être utilisées lors des parties.

Cependant, ce mécanisme est également utilisé pour des répliques fonctionnelles couramment utilisées par les joueurs d’airsoft. C’est notamment le cas des fusils de sniper à verrou qui reposent sur ce mécanisme. La cadence de tir n’est pas élevée, mais elle est cohérente avec l’utilisation réelle de l’arme qu’elle reproduit.

Les répliques d’airsoft à gaz

Les répliques à gaz sont nombreuses et utilisent divers mécanismes tels que GBB (Gas Blow-Back), GBBr (Gas Blow-Back real) ou NBB (Non-Blow-Back). Elles utilisent également différents types de gaz (comme le CO2 par exemple). Les répliques à gaz utilisant la technologie GBB, où la culasse se déplace à chaque pression de la détente, sont appréciées pour leur réalisme. Bien qu’elles aient tendance à avoir une trajectoire de tir légèrement descendante en raison de la faible puissance du projectile par rapport aux vraies armes, leur action reste impressionnante pour les non-initiés.

Les répliques d’airsoft à gaz présentent des contraintes, notamment liées à la température. À des températures inférieures à 0 °C, la plupart des répliques à gaz ne fonctionnent pas correctement car le gaz ne peut pas se dilater correctement. Le système HPA (High Pressure Air) peut résoudre cette contrainte tout en améliorant l’autonomie des répliques à gaz, mais il réduit considérablement le réalisme de la réplique.

Les répliques d’airsoft électrique

Les répliques d’airsoft électriques, également appelées AEG (Automatic Electric Gun) ou AEP (Automatic Electric Pistol), sont considérées comme la Rolls-Royce des répliques, car elles ont contribué à populariser la pratique de l’airsoft. Ces répliques allient fiabilité, réalisme et coût d’utilisation abordable.

C’est en 1991 que Tokyo Marui, une entreprise encore très populaire dans le monde de l’airsoft, a commercialisé les premières répliques électriques, après avoir longtemps proposé des répliques à ressort. Les grands succès de la marque avec cette technologie incluent le FAMAS, le M16A, le M16 VN, le CAR-15 et le H&K MP-5.

Tokyo Marui a joué un rôle majeur dans le succès et l’innovation de l’airsoft. Elle a notamment breveté le système Hop-up, qui permet aux billes de gagner en portée et en précision grâce à l’effet Magnus. La plupart des marques d’airsoft se sont basées sur les fondements technologiques de cette entreprise japonaise, ce qui est indéniable.

Qu’est-ce que l’Airsoft ? Une passion, un sport, un état d’esprit

Notre rétrospective de l’histoire de l’Airsoft n’a pour le moment pas encore évoqué toutes les modalités d’une partie. En effet, il est important d’avoir une réplique fonctionnelle, mais il faut également des règles, des équipes et surtout des joueurs.

De plus, un équipement adéquat est nécessaire pour pouvoir pratiquer cette discipline. Bien qu’il ne soit pas toujours facile de s’équiper dans des boutiques physiques, de nombreux sites internet vendent des répliques et de l’équipement adapté à la pratique de l’Airsoft (Airsoft-Entrepot, Amazon, Gun-Evasion, etc.).

Les terrains pour pratiquer l’Airsoft

La pratique de l’airsoft se veut encore très discrète. Afin de ne pas mettre en danger les habitants et de ne pas les déranger par le bruit des répliques, les terrains sont généralement situés à distance des zones résidentielles, que ce soit dans des champs aménagés, des forêts privées, voire dans de rares cas, dans des espaces urbains abandonnés ou prévus à cet effet.

Le terrain est un élément crucial du jeu, car une partie en forêt ne sera pas la même qu’une partie en intérieur (CQB). La tactique, les équipements et le nombre de joueurs peuvent donc varier en fonction du choix du terrain.

Les terrains sont le plus souvent loués ou appartiennent à une association de joueurs. Plus rarement, des entreprises créent des terrains ou achètent des espaces qu’elles aménagent pour l’Airsoft. Bien que la pratique se soit démocratisée ces dix ou quinze dernières années, il reste difficile pour les entrepreneurs de s’y consacrer entièrement. De nombreux magasins et terrains privés ont disparu au fil du temps.

Vidéo d’illustration d’une opération de « simulation », opération Lafayette.

Les différents scénarios à l’Airsoft

En fonction du terrain, des associations et des préférences des joueurs, les scénarios peuvent être très différents. Le plus souvent, deux équipes s’affrontent pour prendre le contrôle du terrain, en comptabilisant le nombre de « hits » (joueurs touchés) durant la partie. À la fin du temps réglementaire, l’équipe avec le moins de joueurs touchés remporte la partie.

Bien entendu, il est possible d’imaginer des scénarios plus complexes, tels que la capture de drapeaux, les recherches et destructions, le déminage, la protection de VIP ou encore les prises d’otages.

Les scénarios se divisent en trois catégories : les scénarios minimalistes (par exemple, les matchs à mort), les scénarios de simulation militaire (prises d’otages, protection de VIP) et les scénarios de jeu de rôle grandeur nature (fictifs, enterrements de vie de garçon, humour, etc.). On observe également une tendance croissante chez les joueurs appelée Speedsoft, un mode de jeu sans scénario qui se rapproche de la pratique du paintball.

Les règles de sécurités en France pour la pratique de l’Airsoft

L’airsoft reste une pratique potentiellement dangereuse si elle est réalisée sans respecter les règles. Une réplique peut facilement causer des blessures aux yeux ou casser une dent. Il est donc essentiel de respecter les règles lorsqu’on évolue sur un terrain, à proximité d’un terrain ou simplement en présence d’une réplique.

La Fédération française d’Airsoft fournit toutes les informations nécessaires sur les limites de puissance, les équipements de protection individuelle obligatoires, ainsi que les règles à suivre pour garantir une pratique ludique et conviviale. Nous vous encourageons à consulter leur site directement à l’adresse suivante : FFFAirsoft.

Il est également important de noter que chaque terrain peut adapter les règles de la fédération, il est donc essentiel de respecter les règles spécifiques du terrain ou de l’association avec laquelle vous jouez.

La législation française vis-à-vis de l’Airsoft

La France légifère la pratique de l’airsoft et la possession des répliques. Les répliques d’airsoft sont considérées comme des armes factices par la loi : « objet ayant l’apparence d’une arme à feu susceptible d’expulser un projectile non métallique avec une énergie à la bouche inférieure à 2 joules » selon le décret no 2013-700 du 30 juillet 2013 portant application de la loi no 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

Le décret no 99-240 du 24 mars 1999 interdit : « la mise en vente, la vente, la distribution à titre gratuit ou la mise à disposition à titre onéreux ou gratuit des objets neufs ou d’occasion ayant l’apparence d’une arme à feu, destinés à lancer des projectiles rigides, lorsqu’ils développent à la bouche une énergie supérieure à 0,08 J et inférieure ou égale à 2 joules » aux personnes de moins de 18 ans.

Le transport des répliques n’est pas spécifiquement encadré par le gouvernement, mais des arrêtés préfectoraux interdisent le transport et le port des répliques dans les espaces publics.

De plus, le gouvernement interdit l’utilisation d’uniformes ou de grades appartenant aux unités et administrations françaises, tels que l’armée, la gendarmerie ou la police.

Quelques liens et sources utiles

 Luke Sniper, Scénarios d’airsoft et paintball: Le guide des scénarios d’airsoft et paintball, plus de 130 jeux différents pour ne plus jamais s’ennuyer en partie et s’amuser autrement, 2022

« Obtenir une arme au Japon, un parcours du combattant », Libération, 2018

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Une réponse

  1. C’est assez drôle de voir le jeune homme avec une réplique d’un fass90 (ou une dérive) mais avec une tenue de la wechmacht.

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