La modernisation de l’armée française est lancée. Nous l’évoquions dernièrement avec l’arrivée du camouflage CAMTAC sur les véhicules du programme SCORPION, notamment le Griffon. Aujourd’hui, c’est un énième symbole de l’armée qui va être modernisé : le camouflage de la tenue de combat des soldats. Le bariolage multi-environnement (BME) arrive en remplacement du bariolage Centre-Europe (CE) et désert.
Ce changement visuel s’amorce avec la transformation du treillis du soldat, passant au standard F3. Une nouvelle tenue mieux adaptée aux menaces contemporaines. Ce changement est aussi majeur, car c’est la fin du bariolage actuel et si symbolique, intégré à l’armée depuis 1993. Il amorce un changement de paradigme dans l’armée en adéquation avec les besoins opérationnels des militaires.
Un changement de couleur des armées
Cette modernisation des couleurs de l’armée est totale, avec le passage en brun terre de France (BTF) de tous les véhicules de l’armée, mais aussi le lancement du camouflage CAMTAC pour les véhicules de l’armée de Terre.
Ces changements sont majeurs, car ils transforment l’image de l’armée, mais aussi la logistique militaire. Une couleur de camouflage standard pour les véhicules qui facilite l’entretien des véhicules. L’utilisation du système CAMTAC permet une meilleure interopérabilité des véhicules, avec un passage d’une zone à une autre en quelques heures grâce à des autocollants.
L’arrivée du nouveau bariolage pour les soldats modifie également la silhouette du soldat, l’intégrant davantage dans la vision « moderne » des armées, véhiculée notamment par l’armée américaine. Le MultiCam est une marque déposée par Crye Associates qui a participé au remplacement du UCP (Universal Camouflage Pattern) de l’armée américaine courant des années 2005. Depuis 2010, c’est le camouflage adopté par l’ensemble des forces de l’US Army.
Très largement représenté, ce type de camouflage qui se veut universel et surtout viable dans tous les environnements, fonctionne sur le principe du camouflage brisé et du camouflage à pois. Il permet aux armées de réduire la charge logistique du camouflage, avec une tenue opérationnelle en tout temps et dans toute zone d’opération extérieure.
Il a longtemps été le symbole des armées américaines, pour durablement s’étendre aux armées occidentales. Aujourd’hui le MultiCam existe dans de nombreuses variantes, sous licence ou non : MTP britannique, Suez polonais, Pentacamo de Pentagon ou encore le All Terrain Tiger. Plus de 38 pays (en 2018) utilisent actuellement le MultiCam dans une version ou une autre de ce bariolage.
Initialement prévu pour être universel, le MultiCam existe aujourd’hui en différentes variantes, notamment en noir, tropique, aride ou alpine.
Une refonte du soldat français
À compter de 2024, les soldats français se verront équipés de la tenue de combat BME, et la généralisation du treillis F3. La mise en service du nouveau treillis a été pensée par la Loi de programmation militaire (LPM) de 2019 – 2025. L’objectif est de répondre aux besoins du combattant, notamment d’un point de vue technologique, de performance et de protection.
Les spécificités du treillis F3
En plus de moderniser la silhouette du combattant, le nouveau treillis apporte des caractéristiques spécifiques et des améliorations techniques en adéquation avec les besoins opérationnels.
- Amélioration de la légèreté et de la mobilité avec la coupe ajustée ;
- Compatibilité avec le système d’armes FELIN et avec tous les équipements de combat ;
- Résistance accrue au feu grâce au tissu en fibre aramide-viscose (stabilité à haute température pendant 7 secondes) ;
- Réduction des effets de souffle après explosion ;
- Non-propagation des déchirures grâce à l’utilisation d’un tissu « Rip-stop » résistant aux accrocs et à l’usure.
Le pantalon, la chemise et un gilet pare-balles composent la nouvelle tenue de combat en plus du gilet pare-balles. Le tissu et le grammage sont de 210 g/m2 pour la version été et 240 g/m2 pour la version hiver.
Depuis 2019, des unités d’infanterie et des troupes déployées en opération extérieure possèdent le treillis F3, mais toujours avec l’ancien bariolage.
Un nouveau bariolage, pour de nouvelles réalités terrain
L’arrivée du bariolage multi-environnement a nécessité plus de six années et 200 millions d’euros d’investissement du ministère des Armées.
Le bariolage participe directement à la réussite de la mission du combattant parce qu’il permet de se camoufler, de ne pas être distingué dans son environnement de jour comme de nuit. Il constitue également l’identité visuelle de l’armée française.
État-major des armées.
La conception du bariolage est confiée à la Section technique de l’armée de Terre (STAT), et l’industrialisation au Service du commissariat des armées (SCA).
La mise en œuvre du camouflage a demandé énormément de travail aux instances compétentes de l’armée, mais aussi aux industriels français. En effet, l’impression des dégradés actuels ne pouvait pas être réalisée avec les moyens actuels. Il a été nécessaire à l’entreprise Tissus d’Avesnières (Laval, Mayenne) d’innover et de devenir performante dans la réalisation de ce type d’impression. Aujourd’hui, le secteur industriel est prêt à répondre aux commandes de l’armée.
Le fonctionnement du camouflage repose sur 6 couleurs différentes, qui permettent une fusion et rendent impossible à l’œil humain de distinguer le bariolage.
[Le bariolage multi-environnement] fusionne, c’est à dire que l’œil ne distingue plus les taches au-delà de la portée des armes légères, et se présente dans les tons bruns terre de France caractéristiques de la force Scorpion.
Armée de Terre
Son utilisation est prévue pour l’ensemble des terrains de combat, sauf les environnements totalement enneigés ou arctiques. Dans ces cas-là, une version spécifique du bariolage repose sur la même matrice de taches mais avec un fond blanc auquel s’ajoutent des éléments gris clair et quelques touches d’un foncé.
Le bariolage classique lui repose sur le fond brun terre de France, différentes taches allant du blanc/beige, au vert en passant par le marron.
Les évolutions à venir du camouflage
La tendance du bariolage BME s’intègre complètement dans les besoins et tendances contemporaines, mais n’est pas une réponse pour les futurs besoins des armées.
En effet, en coulisses, d’autres acteurs travaillent déjà sur la prochaine génération. Selon les estimations de la STAT, d’ici 2030-2040, il est possible que le camouflage devienne « actif ». Cette avancée permettrait au tissu, doté d’intelligence, de s’ajuster instantanément à son environnement, rendant ainsi son porteur quasiment invisible.
Cependant, il est important de noter que les technologies requises pour cela ne sont pas encore existantes ou sont à un stade de développement très préliminaire.
Certaines d’entre elles sont actuellement en cours de conception au sein du programme CAMELEON/SALAMANDRE, en collaboration avec le programme CENTURION de la DGA.
Quelques liens et sources utiles
Treillis F3, Ministère des Armées
Le nouveau camouflage de la tenue de combat : le bariolage multi-environnement, Ministère des Armées
Le MultiCam – Histoire et fonctionnement, Welkit, 2018
Nathan Gain, Vers un « bariolage multi-environnement » unique pour les armées françaises, Forces Opérations, 2022