Croisades : dates clés et fractures durables

Les croisades ne sont pas une succession d’expéditions. Ce sont des événements ancrés dans une chronologie dense.
Arrivée des croisés à Constantinople, par Jean Fouquet | Domaine public
Arrivée des croisés à Constantinople, par Jean Fouquet | Domaine public

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Tout commence par un appel lancé à Clermont en 1095, dans une France encore fragmentée. Urbain II s’adresse aux chevaliers et aux princes, non pour leur proposer un simple pèlerinage, mais une guerre sainte.

De cet instant naît un mouvement qui marque plus de deux siècles d’histoire. Les croisades ne sont pas une succession d’expéditions. Ce sont des événements ancrés dans une chronologie dense, aux conséquences politiques, religieuses et sociales profondes. Derrière chaque date, une rupture.

1095 : la promesse de Jérusalem

Le 27 novembre 1095, le pape Urbain II s’exprime devant une foule de clercs et de nobles dans le cadre du concile de Clermont. Son discours est rapporté par plusieurs sources divergentes, mais toutes s’accordent sur un point : la promesse de rémission des péchés pour ceux qui prendraient la croix.

Dans une Europe marquée par la féodalité, les conflits internes et les querelles dynastiques, cet appel a un effet inattendu : des milliers de chevaliers, mais aussi des paysans, se mettent en marche vers l’Orient. C’est le début de la première croisade (1096-1099).

1099 : prise de Jérusalem, bain de sang

Le 15 juillet 1099, après un siège éprouvant, Jérusalem tombe. Les croisés entrent dans la ville et massacrent une partie de la population musulmane et juive. La scène frappe les contemporains, y compris les chroniqueurs chrétiens. La ville sainte devient capitale du royaume latin de Jérusalem, dirigé par Godefroy de Bouillon puis Baudouin Ier.

Cette date est souvent perçue comme l’apogée de l’idéal croisé, mais elle inaugure surtout une instabilité permanente. Les États latins d’Orient survivent dans un équilibre précaire, dépendant sans cesse de renforts venus d’Occident.

1144 : chute d’Édesse, choc stratégique

La première entité latine à tomber n’est pas Jérusalem, mais le comté d’Édesse, prise par Zengi en 1144. C’est un tournant discret mais fondamental. Cette perte entraîne l’organisation de la deuxième croisade (1147-1149), prêchée par Bernard de Clairvaux.

Le pape Urbain II prêchant la première croisade sur la place de Clermont, tableau (1835) - Francesco Hayez | Domaine public
Le pape Urbain II prêchant la première croisade sur la place de Clermont, tableau (1835) – Francesco Hayez | Domaine public

Mal préparée, marquée par des tensions entre les souverains (Louis VII de France et Conrad III du Saint-Empire), cette croisade échoue face à Damas. Elle révèle surtout que l’Orient ne se laisse pas dominer sans réponse, et que l’unité chrétienne est plus fragile qu’espérée.

1187 : Hattin, Saladin, revanche éclatante

Le 4 juillet 1187, le roi Guy de Lusignan affronte Saladin près du lac de Tibériade. La bataille de Hattin se solde par une défaite écrasante des croisés. Les reliques de la Vraie Croix sont perdues, Jérusalem est reprise par Saladin quelques mois plus tard, le 2 octobre.

Ce choc déclenche la troisième croisade (1189-1192), menée par trois monarques : Richard Cœur de Lion, Philippe Auguste et Frédéric Barberousse. Le Saint Empire perd son empereur en chemin, noyé dans le fleuve Saleph. Richard, seul à poursuivre, parvient à reprendre quelques villes côtières, mais échoue à reprendre Jérusalem. Un accord permet aux pèlerins chrétiens d’accéder à la ville, mais l’objectif initial est manqué.

1204 : Constantinople, la croisade dévoyée

La quatrième croisade (1202-1204) est celle de tous les détournements. Elle ne passe jamais par la Terre sainte. Incapables de financer leur traversée, les croisés s’allient à Venise, puis acceptent d’intervenir dans les affaires internes de Byzance. Le 13 avril 1204, ils mettent à sac Constantinople, capitale de l’empire chrétien d’Orient.

La ville est pillée pendant trois jours, ses reliques dispersées dans toute l’Europe, son clergé humilié. Un empire latin est instauré, mais l’Orient chrétien ne s’en relèvera pas. Cette croisade, loin d’unir la chrétienté, enfonce une fracture durable entre catholicisme et orthodoxie.

1212 : l’étrange croisade des enfants

Cette année-là, selon des sources contradictoires, des milliers d’enfants auraient quitté la France et l’Allemagne pour libérer Jérusalem par la foi seule. Aucun ne serait arrivé. Certains auraient été vendus comme esclaves, d’autres seraient morts sur la route. L’existence exacte de cette “croisade des enfants” est débattue, mais elle révèle un engouement collectif fascinant, où la croisade n’est plus seulement affaire de roi ou de seigneur.

Ce n’est plus la guerre qui justifie la croix, mais l’innocence supposée. Même si les faits restent flous, la mémoire de cet épisode hante les récits populaires du Moyen Âge.

1244 : Jérusalem retombe, indifférence croissante

Le 23 août 1244, Jérusalem est à nouveau prise, cette fois par les Khwarezmiens. Elle ne sera plus jamais reprise par les croisés. La perte n’entraîne pas d’onde de choc comparable à 1187. L’Occident s’habitue à l’idée que la Terre sainte est perdue.

Miniature d'un manuscrit enluminé représentant un combat de la deuxième croisade de Louis VII, venu à l'aide du roi de Jérusalem Baudoin III contre les armées arabes, au milieu du XIIe siècle - Guillaume de Tyr, Histoire d'Outremer, XIVe siècle [BnF, département des Manuscrits] | Domaine public
Miniature d’un manuscrit enluminé représentant un combat de la deuxième croisade de Louis VII, venu à l’aide du roi de Jérusalem Baudoin III contre les armées arabes, au milieu du XIIe siècle – Guillaume de Tyr, Histoire d’Outremer, XIVe siècle [BnF, département des Manuscrits] | Domaine public

La septième croisade (1248-1254), menée par saint Louis, tente un renversement de situation, en visant l’Égypte. Le roi est capturé à Mansourah, puis libéré contre rançon. Son échec ne nuit pas à sa réputation. Il devient même l’icône du roi pieux et croisé, canonisé en 1297.

1291 : chute d’Acre, fin d’un rêve

Le 28 mai 1291, la ville d’Acre, dernier bastion chrétien en Orient, est prise par les Mamelouks. La ville est détruite, les derniers croisés fuient Chypre. La fin des croisades militaires en Orient est actée. Il n’y aura plus de tentative majeure de reconquête.

Mais le mot “croisade” ne disparaît pas pour autant. Il est désormais utilisé pour désigner des campagnes contre les hérétiques (Albigeois), ou contre des ennemis chrétiens jugés déviants. La croisade devient une forme d’outil politique et religieux, détourné de son sens originel.

Une chronologie qui ne dit pas tout

Les dates des croisades structurent un récit. Mais ce récit oublie parfois l’essentiel : la diversité des acteurs, la complexité des enjeux, les zones d’ombre. On évoque les rois et les papes, mais peu les marchands, les convertis, les esclaves, les femmes qui suivent les armées. On parle de foi, mais rarement d’intérêts économiques.

Et surtout, on oublie que la croisade fut une expérience plus subie que choisie pour nombre de populations locales, qu’elles soient chrétiennes, juives ou musulmanes. Derrière chaque date se cache un monde bouleversé, souvent dans le sang.

Quelques liens et sources utiles

René Grousset, Histoire des croisades (1), Tempus Perrin, 2006

René Grousset, Histoire des croisades (2), Tempus Perrin, 2006

René Grousset, Histoire des croisades (3), Tempus Perrin, 2006

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