L’histoire globale, entre renouvellement et limites

L’histoire globale est une approche historiographique qui cherche à étudier les interactions et interdépendances à l’échelle mondiale.
Reproduction (datant de 1641) d'une carte du globe à double hémisphère publiée originellement en 1630 par le cartographe néerlandais Henricus Hondius (1597-1651) | Domaine public
Reproduction (datant de 1641) d’une carte du globe à double hémisphère publiée originellement en 1630 par le cartographe néerlandais Henricus Hondius (1597-1651) | Domaine public

Sommaire

L’historien William H. McNeill a publié « The Rise of the West » en 1963 où il examine comment l’Occident est parvenu à dominer le monde avec le rôle de différents pays. Cela insiste sur les influences réciproques, les transferts culturels et les interdépendances entre les nations. C’est l’image qui ressort de l’histoire globale comme le montre l’historienne Chloé Maurel.

L’histoire globale est une approche historiographique qui cherche à étudier les interactions et interdépendances à l’échelle mondiale. Parfois vu comme un « buisson historiographique », elle regroupe plusieurs courants tel que l’histoire connectée ou transnationale.

L’histoire globale : l’essor d’une nouvelle discipline

L’histoire globale apparaît dans le monde atlantique après la Seconde Guerre mondiale dans les années 1950-1960. Elle naît d’une volonté d’intégrer les perspectives extra-européennes notamment dans les années 1950-1960 et est vu comme un outil d’ouverture face aux enjeux nationaux actuels. Elle permet une lecture critique des unions et des processus d’interdépendance.

L’historienne spécialisé en histoire contemporaine Chloé Maurel écrit sur l’histoire globale et transnationale. Elle intègre l’École normale supérieure en 1997, et a travaillé sur l’histoire de l’UNESCO pour sa thèse de doctorat en 2006. Elle a enseigné durant plusieurs années dans différentes universités, puis en khâgne au lycée Louis-le-Grand. Elle publie en 2013 un article « Introduction : Pourquoi l’histoire globale ? » dans une revue académique appelé Les Cahiers d’histoire, une revue d’histoire critique. Cette revue scientifique permet de publier des travaux de recherche critique et engagée.

Dans son article Chloé Maurel cherche à définir l’histoire globale en montrant les différents courant accordé de cette matière. Elle développe les fondements de l’histoire globale avec une approche qui cherche à dépasser les frontières nationales. Puis elle montre les différents sous-courants de l’histoire globale, le fameux « buisson historiographique » avec par exemple, l’histoire comparée, l’histoire connectée ou l’histoire des transferts culturels.

Puis elle termine par montrer l’importance de la réciprocité dans les échanges culturels comme entre la France et l’Algérie pendant et après la colonisation (1830-1962). Chloé Maurel a une réflexion sur l’histoire globale entant que discipline et cela s’inscrit dans une perspective transpériodique et transnationale couvrant plusieurs lieux et périodes comme les premiers contacts entre les Hollandais et les Javanais ou encore les actions des ONG et des entreprises multinationales.

Reproduction (datant de 1641) d'une carte du globe à double hémisphère publiée originellement en 1630 par le cartographe néerlandais Henricus Hondius (1597-1651) - Libre de droit
Reproduction (datant de 1641) d’une carte du globe à double hémisphère publiée originellement en 1630 par le cartographe néerlandais Henricus Hondius (1597-1651) – Libre de droit

« Pourquoi faire de l’histoire globale ? », c’est la question de l’historienne Chloé Maurel. Elle compare les différents courants historiographiques afin de répondre à cela. Elle utilise des sources secondaires en citant Sanjay Subrahmanyam ou Romain Bertrand. Elle ne se base pas directement sur des sources primaires tels que des archives ou des récits ce qui peuvent limiter le fondement pratique de son argumentation.

De plus, elle utilise des sources non occidentales afin de faire changer le regard européocentrée de l’histoire globale. En quoi l’histoire globale, telle que présentée par Chloé Maurel, constitue-t-elle un renouvellement historiographique essentiel et quelles en sont les limites ? Ainsi, le renouvellement de l’histoire globale est nécessaire pour le monde, mais qui présente de nombreuses limites et défis pour y parvenir.

Un débat qui n’est pas tout jeune

Lorsque l’histoire globale commence à prendre son essor, les sources sont occidentales et très traditionnelles, après la Seconde Guerre mondiale l’Europe a vu naitre une volonté d’histoire connecté et d’histoire globale dans les années 1950-1960.

L’historienne Chloé Maurel développe dans son article la nécessité de dépasser ces approches historiographiques traditionnelles et de mettre en avant un ensemble large de méthodes et de concepts. Cela montre que l’histoire globale ne se limite pas aux cadres nationaux traditionnels presque imposé. Elle chercher à étudier les évènements de manière transnationale avec les échanges intellectuels, économiques et culturels.

Elle cite notamment l’exemple développé par Michel Espagne et Michel Werner sur les transferts culturels franco-allemands dès les années 1980. Elle s’appuie de plus sur les travaux de l’historien Marc Bloch sur l’histoire comparée, en le citant Chloé Maurel rappelle que le débat concernant l’histoire globale n’est pas tout jeune. En effet, c’est un débat qui perdure depuis l’émergence de l’histoire comparée au début du XXe siècle avec une lecture nationaliste et eurocentrique des évènements.

De plus, elle critique la vision que les historiens ont les historiens ne doivent plus se contenter d’étudier les relations interétatiques, mais aussi les phénomènes qui se passent au-delà de l’action des États. Cela montre la capacité à l’histoire globale de vouloir dépasser l’histoire nationale en adoptant une vision interconnectée du passé avec divers courants comme l’histoire comparée et transnationale.

L’historien cherche a enrichir la compréhension du passé en tenant compte des influences croisées et des dynamiques
globales.

La déconstruction des récits biaisés

L’historienne Chloé Maurel montre que l’histoire globale constitue une méthode innovante permettant de connecter des récits historiques longtemps isolés, en raison de l’enfermement historiographique traditionnel.
En effet, cette fermeture au monde, notamment exercée par les Européens, a engendré un enfermement à la fois historique et historiographique, que l’autrice souligne avec insistance. Dépasser les limites imposées par les récits nationaux ou les visions eurocentrées permet de mettre en lumière les nombreux liens et interactions qui structurent notre monde, tant dans le passé qu’à l’heure actuelle.

Pour appuyer son propos, l’autrice cite plusieurs exemples, tel que celui de Patrick Manning, qui est un historien ayant démontré les connexions entre le mouvement des droits civiques aux États-Unis dans les années 1950-1960 et les luttes pour l’indépendance des colonies africaines à la même époque. Elle montre qu’il est bien plus bénéfique de traiter les événements de manière connectée plutôt que de les traiter de manière isolée, et que l’histoire globale sert à cela. Cela montre que le combat pour l’égalité des droits des Afro-Américains aux États-Unis était lié aux luttes anticoloniales en Afrique. Cette vision nouvelle de l’histoire globale permet de comprendre les événements mondiaux sous un angle plus interconnecté et plus complexe. Mais cela permet aussi de mieux comprendre le monde et les effets papillon qu’il peut y avoir.

De plus, elle s’appuie sur l’étude de l’histoire connectée, notamment avec Romain Bertrand et son ouvrage À parts égales (2011). Il y explique le premier contact entre les Hollandais et les Javanais, où il donne à parts égales les sources hollandaises et javanaises. Cela vise à corriger le déséquilibre historiographique traditionnel, où l’histoire coloniale a souvent été racontée par les colonisateurs européens. En intégrant le point de vue des populations locales, cela permet d’avoir une vision peut-être plus juste des événements, et plus complète que si les événements étaient basés seulement sur une seule moitié des sources. Ce type d’approche permet de déconstruire les récits dominants et de replacer les populations colonisées au centre de l’histoire, sans la vision biaisée européenne. Le changement des méthodes ainsi que de la vision de l’histoire globale est certes plus juste et favorable à l’histoire mondiale, mais révèle beaucoup de défis et de limites pour réussir à parvenir à une vision vraie et sans domination. L’histoire globale apporte un regard nouveau sur la vision du passé, mais est très critiquée.

Le choix des sources : reflet du point de vue

L’approche de Chloé Maurel s’appuie sur des sources secondaires qui ne sont pas toujours développées. Comme elle le dit elle-même, l’histoire globale intègre les apports de plusieurs sous-courants, sans pour autant les unifier totalement. L’historienne montre que l’histoire globale n’a pas encore trouvé de méthodologie unifiée et définitive, puisqu’elle repose sur la pluralité des sous-courants qu’elle englobe, ce qui rend la méthode plus difficile à établir.

De plus, les sources sont beaucoup plus diverses, puisqu’il y a une grande ouverture au monde et que la vision n’est plus exclusivement européenne, ce qui pose la question de la fiabilité des sources pour établir des connexions et éviter les incompréhensions ou incohérences historiques. En effet, le risque d’anachronisme est grand, surtout dans une situation les sources se multiplient de jour en jour. Lorsque les historiens tentent de faire des parallèles entre différentes sociétés ou événements, ils peuvent parfois créer des erreurs.

Chloé Maurel relève en outre que l’histoire globale implique l’idée que les échanges, les influences entre sociétés et cultures, ne se font pas seulement à sens unique, mais souvent à double sens. Cela montre que toutes les cultures n’ont pas eu le même poids dans l’histoire, notamment durant les périodes coloniales, où l’Europe et ses colonies étaient loin d’être dans une relation d’échange réciproque. L’histoire globale doit s’efforcer de ne pas dissimuler les rapports inégaux entre les différentes nations, mais de trouver un équilibre entre la mise en avant des échanges croisés et la reconnaissance des rapports de domination qui ont marqué certains de ces échanges.

Ce renouvellement de la matière est très important pour la vision de l’histoire que le monde peut avoir, mais est-il suffisant ? Pour Chloé Maurel, l’histoire globale doit s’ouvrir davantage, malgré le paradoxe qu’elle souligne : à savoir que des historiens tels que Sanjay Subrahmanyam ou Patrick Manning, qui jouent un rôle majeur dans l’ouverture de l’histoire globale, sont issus d’institutions européennes ou américaines.

Pour elle, l’histoire globale doit accorder aux sources extra-occidentales la même importance qu’aux sources occidentales. La volonté de rééquilibrer les sources permet l’inclusivité et une réelle globalité de l’histoire du monde et des sociétés. Mais les historiens l’appliquent-ils réellement ? Ils peinent à se libérer du prisme occidental, qui domine une grande partie des recherches qu’ils peuvent mener. Cela est en partie dû au fait que les sources disponibles sont majoritairement occidentales, même pour les étudiants en faculté, ce qui les pousse à les utiliser et à rester dans une vision occidentale. Les sources extra-européennes sont difficiles d’accès, soit par leur localisation, soit par leur complexité linguistique. Ce déséquilibre dans l’accès aux sources constitue un défi majeur pour l’histoire globale.

En somme…

Chloé Maurel met en lumière l’un des défis les plus complexes de l’histoire globale : le cloisonnement produit par l’essor des historiographies nationales. En effet, bien que l’histoire globale souhaite dépasser les frontières nationales, elle doit se construire à partir d’historiographies nationales qui restent fortes et influentes. L’histoire est liée à la construction et à la préservation de l’identité nationale dans de nombreux pays, et les récits nationaux, souvent institutionnalisés et politisés, jouent un rôle clé dans la mémoire collective et le sentiment d’appartenance à une communauté. L’histoire globale peut contribuer à déconstruire ces récits en établissant des liens entre les histoires. Il faut donc trouver un équilibre entre une approche mondiale et la reconnaissance des particularismes locaux.

En somme, l’historienne Chloé Maurel cherche à montrer, à travers son article, l’intérêt et la pertinence de l’histoire globale, ainsi que l’approche permettant de dépasser les limites établies par les traditions nationales et européennes. Malgré les nombreux défis liés à la méthodologie et aux tensions internationales que cela peut susciter, l’histoire globale, bien que complexe dans sa mise en œuvre, apparaît comme une historiographie en pleine évolution, au service d’une écriture de l’histoire inclusive et participative, qui ne se centre pas uniquement sur l’Occident.

Quelques liens et sources utiles

Qu’est-ce que l’histoire globale ? de Radio France

Histoire Globale écrit par Pierre-Yves SAUNIER, professeur à l’université Laval, Québec (Canada)

Introduction : Pourquoi l’histoire globale ? de Chloé Maurel

Différencier les formes historiographiques de l’histoire globale de Mickaël Lauquin

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