Montluçon et Vichy : deux destins patrimoniaux opposés

Si Vichy bénéficie aujourd’hui de ses choix patrimoniaux passés, Montluçon semble quant à elle payer le prix de sa stratégie urbaine
Place de l'Allier, Moulins - TCY (pseudo Wikipedia) | Domaine public
Place de l’Allier, Moulins – TCY (pseudo Wikipedia) | Domaine public

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Dans le département de l’Allier, les deux plus grosses villes sont Montluçon (33 000 habitants) et Vichy (26 000 habitants). Pourtant, lorsqu’on s’intéresse quelque peu à leurs trajectoires, on se rend vite compte qu’elles n’ont rien à voir entre elles, et que la seule chose qui les relie est leur ancrage territorial.

Entre une ville ouvrière et une ville thermale, les choix urbanistiques et patrimoniaux ont bien entendu été différents, et c’est justement ces disparités nettes entre ces villes distantes de 100 kilomètres qui font tout l’intérêt du département. Mais là où Vichy bénéficie aujourd’hui de ses choix patrimoniaux passés, Montluçon semble quant à elle payer le prix de sa stratégie urbaine. Retour rapide sur le développement de ces deux villes, et sur leurs réussites et leurs échecs patrimoniaux.

Montluçon, un bastion industriel renié

Née autour d’un château fort construit par les Bourbons au XIIe siècle, Montluçon a d’abord été connue pour être une forteresse médiévale. Mais grâce à la révolution industrielle du XIXe siècle, la ville s’est complètement transformée

De manière plus précise, c’est l’arrivée du canal du Berry en 1829, puis du chemin de fer en 1859, qui ont tout changé. Dès lors, le minerai de fer du Berry a pu être transporté facilement t à un prix raisonnable, de même que le charbon et la houille issues du bassin de Commentry. C’est ainsi que Montluçon est devenue pendant plus d’un siècle un acteur clé de la métallurgie.

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Canal du Berry vers Selles-sur-Cher (Loir-et-Cher) – Daniel Jolivet | Creative Commons BY 2.0

Face à la concurrence féroce de la sidérurgie lourde venue de Lorraine, Montluçon s’est spécialisée dans la qualité. L’usine des hauts fourneaux de la Société Commentry-Fourchambault, spécialisée dans la fabrication de tuyaux de fonte et de moulages, a notamment eu une renommée dépassant les frontières régionales. Parallèlement, Montluçon a aussi développé son industrie chimique, au travers notamment de la Société St-Gobain, et l’exploitation du caoutchouc, via la multinationale Dunlop. Les activités verrières et les fours à chaux finissaient de compléter le panorama industriel qui faisait alors la fierté de Montluçon.

Mais cette richesse industrielle a progressivement été effacée à partir des années 1960 avec une approche de développement urbain fondée sur la rupture et la modernisation radicale. Montluçon a par cela renoncé à son héritage industriel pour assurer sa reconversion économique. Les usines désaffectées ont donc progressivement été détruites, de même que la plupart des sites industriels de la ville. St Jacques, les Hauts-Fourneaux, Saint-Gobain et les Fers Creux ont par exemple disparu, et ne représentent plus au mieux que des secteurs résidentiels ou des espaces commerciaux.

Cette politique d’effacement s’est également étendue aux infrastructures de transport qui avaient elles aussi permis l’essor de la ville. Le canal de Berry a en ce sens été déclassé en 1955, ce qui a fini d’effacer toute trace de l’essor industriel de Montluçon. A contrario, le patrimoine médiéval (Château des ducs de Boubon, quartier St Pierre, remparts…) est toujours valorisé par la ville, qui en fait de nos jours le coeur de son développement touristique et culturel.

Vichy, un sanctuaire thermal valorisé

Toute la réputation de Vichy est faite sur ses sources thermales. Connues dès l’époque gallo-romaine, où elles étaient connues et exploitées sous le nom d’Aquae Calidae, les eaux de Vichy ont vraiment gagné en popularité à partir du XVIe siècle. En effet, c’est à cette époque que l’on redécouvre ses bienfaits, ainsi que son potentiel économique. 

La reconnaissance institutionnelle fut ensuite rapide. C’est ainsi que l’Etat devient propriétaire des sources en 1527, et que l’Edit de 1605, pris sous Henri IV, a ensuite mis en place une administration des bains ayant amorcé une réglementation médicale des eaux thermales. Une structuration administrative précoce qui montre tout l’intérêt institutionnel pour l’activité thermale vichyssoise. 

Les eaux thermales de Vichy gagnent ensuite en popularité grâce à la présence en cure de personnalités prestigieuses, comme la marquise de Sévigné au XVIIe ou bien les filles de Louis XV en 1785. Des transformations urbaines importantes ont ensuite lieu sous Napoléon Ier à la demande sa mère, Letizia Bonaparte. Fontaines et promenades garnissent alors les lieux, permettant de créer le Parc des Sources, qui encore aujourd’hui, constitue la colonne vertébrale de la station.

la galerie couverte du parc des sources (vichy)
La galerie couverte du parc des Sources (Vichy) – Jean-Pierre Dalbera | Creative Commons BY 2.0

Mais c’est véritablement sous l’impulsion de Napoléon III, venu cinq fois en cure entre 1861 et 1866, que la ville de Vichy se transforme à la hauteur de ses ambitions thermales. Plusieurs parcs à l’anglaise se créent ainsi, de même qu’un casino et des chalets impériaux. 

Fortes de ces transformations, les eaux thermales vichyssoises connaissent leur apogée dans les années 1930, où l’on estime qu’elles accueillaient 130 000 curistes par an. Si la ville est ensuite tristement devenue la capitale du régime du maréchal Pétain entre 1940 et 1944, avant de subir dans les années 1970 la fin de l’âge d’or thermal, elle a tout de même su rebondir et se réinventer. Les projets de mémoire sont ainsi légion, tandis que son eau thermale est aujourd’hui exploitée par de grandes marques telles L’Oréal pour ses bienfaits dermatologiques. 

A noter par ailleurs que Vichy est inscrite depuis 2021 au Patrimoine mondial de l’UNESCO en tant que “Grande ville d’eaux d’Europe”, avec entre autres Baden-Baden (Allemagne) et Karlovy Vary (République Tchèque).

Si l’on résume, Vichy a fait de son patrimoine thermal le socle de son développement économique et touristique. Une stratégie payante, puisqu’elle a permis à la ville de maintenir une attractivité forte sans dénaturer son identité unique. Montluçon a adopté la stratégie inverse avec son patrimoine industriel, et force est de constater qu’elle n’a pas le même rayonnement régional, national et international que Vichy. S’il n’est pas trop tard pour exploiter ce qu’il reste de son patrimoine industriel, Montluçon semble quand même en mauvaise posture face aux enjeux actuels de vieillissement de sa population et de transition écologique…

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