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Notre société de l’instantanéité : la plaie du XXIe siècle

Notre société est maintenant dans l'ère de l'instantanéité. Tout le monde doit tout savoir et avoir un avis sur tout.
New York Times Square - Terabass [Pseudo Wikipédia] | Creative Commons BY-SA 3.0
New York Times Square – Terabass [Pseudo Wikipédia] | Creative Commons BY-SA 3.0

Le début du millénaire a été marqué par l’émergence d’une nouvelle manière de diffuser l’information : instantanée, laissant peu de place à la réflexion, à l’analyse ou à la prise de recul. Une situation qui, aujourd’hui, dégénère sans possibilité de retour en arrière. Les acteurs de cette transformation sont désormais des mastodontes, basant leur modèle économique sur ce concept.

Pour ne prendre que l’espace d’expression français, les dernières années sont marquées par de nombreux sujets de discorde : gilets jaunes, COVID-19, guerre en Ukraine, inflation, Jeux Olympiques, élections européennes et législatives, etc. Ces crises ont été amplifiées par l’instantanéité des plateformes que nous utilisons, provoquant des divisions, des incompréhensions et des clivages dans la population.

Le dialogue n’est plus, et a laissé place aux invectives entre partisans.

L’humain du XXIe siècle sait tout

Grâce à notre accès à toute la connaissance de l’humanité accessible en quelques clics, nous sommes devenus une espèce super intelligente, qui ne fait plus d’erreurs. Tout le monde sait, tout le monde réussit. Tout n’est que réussite !

COVID 19 : quand les experts n’ont plus la parole

Rappelez-vous début 2020, quand tout type d’informations circulait sur le COVID. Au même titre que le gouvernement, tout le monde s’exprimait pour apporter son information, son avis et sa vision de la crise. Nous n’acceptons plus d’être ignorants l’espace d’un instant, préférant nous abreuver d’informations invérifiables ou complètement fausses pour nous contenter.

La crise du COVID est symptomatique de notre besoin d’être au cœur de l’information, au cœur de l’actualité. Nous n’acceptons plus de ne pas savoir, de ne pas comprendre. Pour combler le vide, nous sommes même prêts à donner notre confiance au premier charlatan venu.

Le cas de Didier Raoult

Un espace normalement réservé à la discussion, à la controverse et au dialogue s’est vu être surmédiatisé. Monsieur et Madame Tout-le-Monde se mêlant à la recherche médicale, en prenant des positions tranchées.

Le corps médical mondial s’est activé pour trouver des raisons à la pandémie mondiale. Malheureusement, leur espace de travail s’est vu être médiatisé, tant la population et les gouvernements étaient dans l’incompréhension et la peur.

Le professeur Didier Raoult a participé activement à ces controverses en prenant à témoin l’opinion publique, tout en communicant activement sur les médias sociaux. Il sort des cadres du système médical français. N’étant pas un inconnu, mais bien un professionnel titré et connu dans le milieu, sa parole fait foi, mais surtout intéresse le public.

On s’en souvient, c’est la défense d’une bithérapie (le couplage « azithromicine-hydroxychloroquine ») qui amorce la controverse en question. Plus précisément, c’est la promotion de la deuxième molécule du couple — la désormais fameuse chloroquine — qui embrase la communauté médicale.

Stéphanie Lukasik et Marc Bassoni, « Le « cas Raoult » ou la controverse médicale amplifiée par l’influence personnelle », Communication, vol. 39/1 | 2022, mis en ligne le 06 juillet 2022

Aujourd’hui, le nom de Didier Raoult subsiste, mais pour quoi ? À la même vitesse que les controverses apparaissent, elles disparaissent. Ainsi, la majorité des individus reste dans l’ignorance du verdict. Aujourd’hui, des soutiens à Didier Raoult persistent, mais lui préférant l’étiquette : « lui il sait », « lui il est anti-système », plutôt que l’image d’un professionnel de santé qui tâtonne au même titre que les autres.

JO 2024 : un drame à venir

L’arrivée des Jeux Olympiques en France aurait pu être une série Netflix, tant les médias et internautes ont été prolifiques à créer des drames à chaque étape de la mise en œuvre des Jeux.

  • Travailleurs sans papiers ;
  • Usage des drones et des algorithmes de surveillance ;
  • Le budget des festivités ;
  • Les critiques sur le logo des JO 2024 ;
  • Le déplacement des SDF ;
  • La dépollution de la Seine ;
  • Étudiants virés de leurs logements ;
  • Aya Nakamura lors de la cérémonie d’ouverture…

En somme, tout sujet est un bon sujet pour se plaindre. Chacun pouvant librement s’exprimer sur ceux-ci, en se faisant notoirement passer pour un grand spécialiste de la question.

Il est inévitable que la présence de travailleurs sans papiers sur les chantiers des Jeux Olympiques 2024 soit une catastrophe. Nous n’allons quand même pas faire comme le Qatar ! Néanmoins, ce n’est pas l’État qui réalise les travaux, ce sont des entreprises sous-traitantes et il est inévitable de ne pas pouvoir toutes les contrôler. Donc pourquoi se formaliser pour cette situation dans le cadre des JO 2024, et aucunement le reste du temps ? Ah oui, parce que c’est un événement médiatisé, et ça risque de générer des clics.

Tous les internautes se sont trouvés à être des soutiens inconditionnels aux personnes sans domicile fixe, ces mêmes personnes qui passent tous les matins devant “Roger”, à la rue depuis 10 ans et faisant la manche devant la boulangerie de quartier. Aucun ne s’arrête, ne lui dit bonjour, ou lui offre une pièce ; par contre, sur les réseaux sociaux, ils trouvent ça scandaleux que la ville de Paris fasse le « ménage ».

Vue sur le village olympique - Ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques | CC BY SA 2.0
Vue sur le village olympique – Ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques | CC BY SA 2.0

Le drame des Jeux Olympiques est la réquisition des logements étudiants durant la période des Jeux. Il est indéniable que l’individu prime sur la réalisation d’un événement planétaire, culturel, sportif et symbole de paix. Nous devrions rendre impossible de tels événements ! Pour information, le taux d’occupation des logements étudiants sur la période d’août est de 10 % dans le cadre d’une étude réalisée à Rennes entre 2021 et 2022. Pour les logements à Paris, le Crous annonce 30 % de logements inoccupés. Il est inévitable que la situation puisse être problématique, mais quand les logements Crous sont rénovés, le scandale est-il le même ? Quand il manque des places pour les étudiants dans les villes, le scandale est-il le même ? Ce scandale est l’illustration parfaite du droit qui prime sur le devoir. Tout est dû à tout le monde, et personne ne doit jamais faire de concession.

Nous ne reviendrons pas sur les autres scandales qui ont touché les Jeux Olympiques. Cependant, il serait bon de se détacher de notre greffon numérique au bout de nos mains pour réapprendre à penser et à réfléchir par nous-mêmes. En lisant de l’information plus tangible, moins éphémère, notamment dans des ouvrages certainement voués à disparaître, appelés des livres. Ceux-ci ont la chance de ne pas être touchés par le concept de la bulle de filtrage.

Les 3000 milliards de la dette française

En France, nous avons de la chance : notre président de la République, Emmanuel Macron, est responsable de tous les problèmes de la France et des Français. C’est notamment le cas des 1000 milliards d’euros qu’il a ajoutés à la dette de la France. Cela doit certainement être à cause de son salaire.

En même temps, en France, les Français ont oublié la politique du “quoi qu’il en coûte”. Bien évidemment, tout ne s’explique pas avec cette politique, et il est bien aisé également de tout faire passer sous couvert du “quoi qu’il en coûte”. Néanmoins, nous étions tous bien heureux de conserver le même niveau de vie pendant la période du COVID-19, notamment durant les confinements, alors que pour la plupart, le travail était impossible. Personne ne se posait la question de combien cela coûtait et à qui ? Égoïsme quand tu nous tiens.

Lors de la course folle de l’inflation, la France, étonnamment, faisait figure de bon élève, avec une politique de gel des prix relativement cohérente. Le comble, c’était que ce n’étaient plus les Français qui partaient à l’étranger acheter des cigarettes, mais les étrangers qui venaient faire leur plein de carburant. De plus, les gros titres des médias ne sont pas des cours d’économie. Avoir une dette importante n’est pas une fin en soi. Nous ne sommes pas un pays sans ressources ; tant que les investisseurs ont confiance, nous pouvons aussi bien être endettés à hauteur de 5 % du PIB qu’à 200 % du PIB. Pour info, le Japon a une dette de 8140 milliards d’euros, soit plus de 200 % de son PIB. Le Japon est-il en crise ? C’est indéniablement plus complexe, pour en apprendre davantage sur le fonctionnement de la dette, nous vous invitons à lire les sources de l’article.

Être de tous les combats

La Palestine, l’Ukraine, les Ouïghours, les migrants, chaque minorité, chaque conflit, chaque situation de crise doit être médiatisée, doit être soutenue, doit être défendue. Chacun doit prendre position, tout le monde doit être un ambassadeur d’une cause !

Il faut crier haut et fort notre appartenance à tel ou tel groupe de pensée, et surtout le rendre le plus visible possible sur le web. Chaque individu devient une personne militante, chaque action est saluée. Le silence sera toujours considéré comme une prise de partie pour l’autre camp.

Vivons-nous mieux en sachant toutes les déperditions de notre monde ? N’est-ce pas depuis la nuit des temps que des hommes tuent d’autres hommes ? Avons-nous besoin chaque jour de savoir que des malheurs se passent dans le monde ? Est-ce que ces victimes ont besoin de nos likes, de nos commentaires et de nos partages ? Non.

L’instantanéité a permis à chacun de savoir ce qui se passe dans le monde en temps réel. Se faisant, nombreux sont ceux qui pensent aider en aimant, commentant ou partageant ces histoires. C’est tromper les internautes que de le faire croire ; les seuls moyens d’aider sont d’offrir du temps ou de l’argent pour soutenir la cause.

Les Ouïghours ne vivent pas mieux malgré les milliers de messages de dénonciation des internautes occidentaux. Les Ukrainiens meurent par centaines chaque jour, malgré les commentaires de soutien. Les Palestiniens sont toujours victimes de la barbarie de la guerre. Les Israéliens subissent toujours des attaques terroristes sur leur sol. Les migrants traversent toujours la Mer Méditerranée, et pour beaucoup, meurent.

Nos démocraties nous font faussement croire que nos actions peuvent avoir un quelconque effet sur des situations qui se passent à des milliers de kilomètres de chez nous. Aucune action numérique ne remplacera des faits réels. Devenez bénévole, envoyez de l’argent, interpellez vos élus locaux. Mieux encore, consommez mieux. Préférez acheter local plutôt que des produits fabriqués dans des pays ne respectant pas les droits de l’homme, et il en va de même lorsque vous faites du tourisme.

Communiquons moins, mais mieux ?

Cet article n’est que ma vision. Je me permets d’utiliser la première personne du singulier dans cette conclusion. Une forme que je n’apprécie que peu à l’écriture, préférant le “nous”, que j’ai utilisé plusieurs fois dans l’article. Inévitablement, les idées ne représentent que ma pensée. Dans cette perspective, l’article apparaît dans une nouvelle série du site : “Libre expression”, qui permet à chacun des rédacteurs d’exprimer son point de vue, en apportant des sources et des contre-exemples.

Cependant, étant le fondateur de Revue Histoire, je place le projet global dans cette perspective : communiquer moins, mais mieux. Avec comme fer de lance, la possibilité pour le plus grand nombre de s’exprimer sur la plateforme. Nous essayons au mieux de partager des contenus intègres, sourcés et fiables. Comme tout le monde, nous sommes imparfaits, mais nous tendons à faire en sorte d’être un lieu sain.

L’effet bulle de filtrage des réseaux sociaux est une plaie ; c’est un lieu que je déserte. Je ne veux pas me retrouver uniquement avec des personnes qui pensent comme moi. Je veux que mes idées dérangent, que des gens les débattent et même m’expliquent que j’ai tort, pour évoluer, avancer et affûter mon esprit critique. Malheureusement, c’est une volonté que peu de personnes semblent partager, ou feignent de partager. Je suis partisan de rien et obnubilé par personne. Les sources me convainquent, les débats m’animent.

Quelques liens et sources utiles

Stéphanie Lukasik et Marc Bassoni, « Le « cas Raoult » ou la controverse médicale amplifiée par l’influence personnelle », Communication, vol. 39/1 | 2022, mis en ligne le 06 juillet 2022

Benoît Leroy, Covid-19 : trois ans après, Didier Raoult change d’avis sur l’hydroxychloroquine, Le Point, 2023

Dossier Paris 2024 : les Jeux olympiques sous enquêtes, La rédaction de Mediapart, 2024

Franck Dedieu, Une ardoise à 3000 milliards : “La France responsable de sa dette… Mais la coupable c’est bien l’Europe”, Marianne, 2024

Ydriss Ziane, La France cumule 3.000 milliards de dettes, voici pourquoi c’est grave, Slate, 2024

Dette publique : un montant dépassant 3 000 milliards d’euros, Vie Publique, 2023

Elsa Conesa, La dette de la France, qui dépasse 3 000 milliards d’euros, reste sous la surveillance des agences de notation, Le Monde, 2024

Jean-Pierre Robin, Jean-Pierre Robin : « Où sont passés les 1000 milliards d’euros de la dette publique? », Le Figaro, 2024

Inflation : la France est-elle moins exposée que ses voisins européens comme l’affirme Bruno Le Maire ?, Public Sénat, 2022

Nathalie Silbert, Face au choc inflationniste, la France a mieux tiré son épingle du jeu que ses voisins de la zone euro, Les Echos, 2024

Les résidences étudiantes : une variété de formules et de prix, FNAU, 2023

Vous êtes un étudiant dont la résidence doit être mise à disposition de personnels nécessaires à l’organisation des JO2024 ? Nous vous proposons un accompagnement personnalisé et vous garantissons un logement Crous à proximité durant tout l’été 2024, Crous, 2023

Paris 2024 : les Jeux olympiques sous enquêtes, Mediapart, 2024

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