L’année scolaire touche à sa fin pour tous les jeunes Français avec l’arrivée des grandes vacances d’été. Une pause bienvenue pour certains, une longue période d’ennui pour d’autres.
Le concept de vacances scolaires existe depuis aussi longtemps que l’école elle-même. Cependant, à une époque où l’enseignement n’était ni systématisé ni obligatoire, il ne concernait qu’une minorité d’individus. Il faut attendre la Révolution française, puis le Premier Empire, pour que le calendrier scolaire commence à s’unifier et à s’organiser de manière plus rigoureuse.
Dès lors, les autorités politiques encadrent progressivement les périodes de repos et d’apprentissage des élèves, aboutissant au calendrier que nous connaissons aujourd’hui. Mais une question demeure : pourquoi les vacances d’été sont-elles aussi longues ?
L’école obligatoire et laïque pour les élèves français
Le début du XIXe siècle marque un essor important de l’école. La plupart des villes disposent alors de lieux d’instruction, mais l’enseignement est encore majoritairement dispensé par des religieux. La IIIe République innove en garantissant à tous les enfants un accès à l’instruction laïque, grâce aux lois de 1881 et 1882.
En 1881, Jules Ferry, alors ministre de l’Instruction publique, rend l’école gratuite. L’année suivante, en 1882, l’école devient obligatoire pour tous les enfants âgés de 6 à 13 ans. Cependant, les parents conservent la liberté de choisir entre l’enseignement public, privé ou à domicile. Cette même année, l’école devient officiellement laïque : l’enseignement religieux est remplacé par l’instruction morale et civique. La République mise alors sur l’école pour former des citoyens instruits et autonomes.
Une pause pour aider au champ ?
La durée des vacances d’été est souvent expliquée par la nécessité, autrefois, d’avoir de la main-d’œuvre supplémentaire pour les moissons. Selon cette idée reçue, nos aïeux auraient quitté l’école l’été afin d’aider leur famille à récolter les champs. La pause estivale aurait ainsi été davantage une période de dur labeur qu’un temps de repos mérité.
Cette explication correspond bien à l’image que l’on se fait de la France rurale d’autrefois, où l’agriculture était au cœur de l’économie. Pourtant, l’origine de ces longues vacances est bien différente. Elles étaient initialement pensées non pas pour les enfants des campagnes, mais pour les élèves privilégiés des collèges et lycées, souvent issus de la bourgeoisie ou de l’aristocratie.
Ces dates ont été choisies afin que ces jeunes puissent retourner dans leur famille durant l’été, souvent dans des résidences secondaires. L’objectif n’était pas de travailler aux champs, mais bien de profiter de la saison propice à certaines activités mondaines, comme la chasse à courre, une pratique alors très prisée des élites sociales.
Cette période de pause, entre la mi-août et la fin septembre, ne correspond que peu aux périodes de moisson, qui débutent généralement courant juin et se terminent en août. L’idée que les vacances scolaires aient été pensées pour permettre aux enfants d’aider aux récoltes est donc largement erronée.
Les congés d’été ont été initialement conçus pour les familles privilégiées, celles qui avaient les moyens d’envoyer leurs enfants au collège et au lycée. C’est donc une institution bourgeoise qui applique des règles correspondant à son mode de vie, plutôt qu’aux besoins des familles rurales.
Unification des vacances pour tous les étudiants
Une idée reçue ne surgit jamais sans fondement. Après la Seconde Guerre mondiale, le besoin en main-d’œuvre agricole devient crucial. Ainsi, en 1919 et 1920, les vacances d’été sont exceptionnellement allongées afin de pallier le manque de bras dans les champs, et la pénurie de nombreux produits de première nécessité. Ce besoin conjoncturel a sans doute influencé notre perception des changements qui s’opèrent en 1922.
Avant même la Première Guerre mondiale, un premier ajustement notable a lieu en 1912 : les grandes vacances sont avancées de deux semaines. Elles débutent désormais le 14 juillet et s’achèvent le 1er octobre. Toutefois, cette réforme concerne principalement l’enseignement secondaire, et ne touche pas nécessairement les enfants issus de familles paysannes, dont la présence était essentielle aux moissons.
En 1922, une réforme majeure est adoptée : les vacances du primaire et du secondaire sont unifiées. L’historien Claude Lelièvre, dans son ouvrage L’école d’aujourd’hui à la lumière de l’histoire, explique que cette harmonisation répond avant tout à une logique pratique, permettant aux instituteurs d’être en congé simultanément. Cependant, une autre raison se dessine en filigrane :
Pourquoi leur avons-nous reconnu deux mois de vacances ? D’abord, parce que, en fait, ils les prenaient. Sous le prétexte de donner un congé supplémentaire de quinze jours à ceux qui organiseraient des cours d’adultes nous avion fini par élargir la conception du cours d’adultes. nous avons donc, en réalité, suivant l’expression du palais, mis le droit d’accord avec le fait.
Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés : compte rendu in-extenso, 09 décembre 1922, BNF – Gallica.
Les vacances estivales ont évolué au gré des avancées sociales françaises. Les congés payés, instaurés en 1936, ont permis à un plus grand nombre de familles de profiter des joies des vacances. L’essor du chemin de fer a facilité les déplacements vers les régions côtières et rurales, tandis que l’automobile a offert une liberté de mouvement inédite, permettant de découvrir de nouveaux horizons.
Enfin, le pouvoir d’achat accru des Trente Glorieuses a permis à un plus grand nombre de Français de partir en vacances, transformant ainsi le paysage social et économique du pays. Les vacances, autrefois réservées à une élite, sont devenues un droit et une réalité pour la majorité, renforçant l’idée d’une pause estivale pour tous.
La fin du modèle français ?
L’école française n’est pas figée ; elle a considérablement évolué depuis les lois Ferry. En 1924, les filles obtiennent enfin le droit de passer le baccalauréat, jusqu’alors réservé aux garçons. En 1936, l’âge de la scolarité obligatoire passe à 14 ans, puis à 16 ans en 1959. La dernière transformation majeure survient en 1969, avec l’instauration de la mixité obligatoire dans tous les établissements scolaires.
Cependant, le modèle éducatif qui a façonné la IIIe République semble aujourd’hui en perte de vitesse. Plus d’un siècle plus tard, le niveau moyen des élèves français décline, et l’école peine à remplir ses objectifs. Notre système impose des journées de cours interminables, en compensation du faible nombre de jours d’école par an. Comparé aux autres modèles européens, l’organisation scolaire française peine à s’imposer comme un modèle de référence, et surtout, elle ne garantit plus l’épanouissement des élèves.
Pourquoi ne pas renforcer l’approche physique et active de l’éducation, comme l’avait initié la IIIe République au début du XXe siècle ? Offrons aux élèves de véritables moments d’apprentissage, plutôt que des journées épuisantes, où la fatigue annihile la transmission des savoirs.
Quelques liens et sources utiles
Yann Bouvier, Qui veut des FAUSSES BONNES RÉPONSES ?, YannToutCourt, 29 janvier 2025
Claude Lelièvre, L’École d’aujourd’hui à la lumière de l’histoire, ed. Odile Jacob, 2021
L’École d’autrefois Baches, Réseau Canope
Marc Le Cœur, « La chaire et les gradins », Histoire de l’éducation, 130 | 2011, 85-109.