Amanishakhéto fut une candace, le nom donné aux reines du royaume de Koush, au cours du premier siècle avant J.C. La découverte de sa vaste collection de bijoux en 1834 a favorisé l’intérêt historique porté à la culture koushite à partir du XIXème siècle. Cette collection de bijoux rivalise d’ailleurs presque avec celle de Toutânkhamon trouvée plus tardivement. Cette découverte du trésor conséquent d’Amanishakhéto est porteuse d’un nouvel intérêt pour la culture méroïtique car cela révèle la prospérité et la puissance que devait avoir ce royaume voisin à l’Égypte.
D’autres candaces du royaume de Koush sont également célèbres, à l’instar de sa mère la reine candace Amanirenas, guerrière de renom, ou encore de la reine candace Amanitore. Amanitore est connue pour avoir construit et restauré de nombreux bâtiments remarquables dont son palais se trouvant à Gebel Barkal, site nommé patrimoine mondial de l’UNESCO.
Cependant, Amanishakhéto joue un rôle considérable dans l’intérêt porté à l’histoire de ces rois et reines du royaume de Koush et à la culture koushite.
Le royaume de Koush, au sud de l’Égypte
Le royaume de Koush, qui a désormais disparu, se trouvait dans la région de la Nubie. Pour se repérer plus précisément, cela constitue le sud de l’Égypte et le nord du Soudan. Avant de devenir le royaume de Koush, ces terres nubiennes furent dans un premier temps le royaume de Kerma. La capitale du royaume, Kerma, se trouvait dans la région nubienne de Koush.
Voisin de l’Égypte antique, le royaume de Kerma semble avoir été assez influent jusqu’à ce qu’il soit conquis par l’Égypte en 1504 av. J.C. après près d’un millénaire d’existence. Suivant cette défaite, le royaume de Kerma fut alors intégré au Nouvel Empire. Ce n’est qu’après la dissolution du Nouvel Empire, en 1070 av. J.C., que le royaume de Koush émergea.
La culture koushite est une culture hybride entre la culture égyptienne et néolithique. Suite au contrôle égyptien du royaume de Koush, les koushites se sont vu s’adapter aux coutumes de la civilisation égyptienne tout en gardant leur esthétique néolithique, en d’autres mots, tribale.
Les koushites construisaient donc des pyramides pour leurs morts les plus importants, comme Amanishakhéto par exemple, et ils vénéraient Amon, le roi du panthéon divin égyptien.
Cependant, durant le Nouvel Empire, seules les familles koushites les plus puissantes et les plus riches pouvaient s’intégrer à la culture égyptienne. Cela explique alors pourquoi le royaume de Koush formait un hybride culturel entre la culture égyptienne et la culture néolithique.
On peut diviser l’histoire du royaume de Koush à partir de 1070 av. J.C. en trois périodes culturelles : le royaume de Napata, le royaume de Méroé et les royaumes post-méroïtique. Les deux premières périodes culturelles sont nommées ainsi du fait de leur capitale. Napata étant envahie à la fin du IVe siècle, les rois fuient la ville et se réfugient dans la ville de Méroé, qui devient la nouvelle capitale. Le royaume de Napata devient alors le royaume de Méroé.
Amanishakhéto régnant durant le Ier siècle av. J.C, c’est cette période méroïtique qui dure donc du IVe siècle av. J.C. jusqu’au IVe siècle AD qui va surtout nous intéresser. Cette période culturelle du royaume de Méroé est également intéressante pour son développement culturel particulièrement visible dans l’architecture, ou ce qu’il nous en reste. En effet, de nombreux sites et monuments ont été construits à cette période et c’est grâce à cela que l’on peut en partie retracer l’histoire du royaume de Koush.
Les candaces, une spécificité du royaume de Koush
Le terme « candace » désigne les femmes de la lignée royale du royaume de Koush. Si dans beaucoup de cas la candace était la sœur ou la mère du roi koushite, elle détenait tout de même la majorité du pouvoir car l’héritage se transmettait de manière matrilinéaire.
Les candaces pouvaient donc être à la fois les sœurs des rois koushites et les mères du prochain. Quand il n’y avait pas d’héritier masculin ou qu’il n’était pas en âge de régner, c’était alors la candace qui dirigeait le royaume, à l’instar d’Amanishakhéto. De plus, les candaces étaient pour la plupart des guerrières redoutables.
La découverte du trésor d’Amashikhéto
En 1834, l’explorateur italien Giuseppe Ferlini et son partenaire Antonio Stefani, en quête de trésor dans les pyramides méroïtiques encore non ouvertes, découvrent un butin considérable dans celle d’Amanishakhéto.
Le trésor découvert par Ferlini et Stefani dans la tombe d’Amanishakhéto se trouve être une collection de bijoux comprenant notamment 10 bracelets, 9 bagues, 67 chevalières et beaucoup d’amulettes. Une partie de cette collection sera plus tard exposée au musée berlinois d’histoire égyptienne, l’Ägyptisches Museum und Papyrussammlung, de 2014 à 2015.
Cet immense trésor découvert par Ferlini et Stefani déclenche alors un intérêt archéologique et historique dans l’histoire du royaume de Koush car ce nombre considérable de bijoux atteste de la richesse et du statut important de ces dynasties royales koushites.
De plus, la collection de bijoux d’Amanishakhéto fut le plus imposant trésor trouvé dans une pyramide jusqu’à la découverte de la pyramide de Toutânkhamon dans la vallée des Rois en 1922.
Le palais d’Amanishakhéto à Wad Ben Naga
Des fouilles archéologiques ont été effectuées dans les restes du palais qu’Amanishakhéto a fait construire à Wad Ben Naga, notamment entre 1958 et 1960. Dans son article sur le sujet, Vlastimil Vrtal fait savoir que la position d’un objet dans une structure peut communiquer une information sur la fonction de la pièce dans laquelle on l’a trouvé.
Par exemple, dans ces fouilles du palais, il a été déduit que la pièce où se trouvait une grande quantité de jarres devait être un lieu de stockage. La présence d’un grand nombre de jarres au même endroit indique également la proximité d’un magasin ou d’un lieu d’échanges de biens matériels. De fait, malgré l’évident pillage de la quasi-totalité des objets de valeur, les restes de ce palais et les 260 objets trouvés à l’intérieur ont fourni une base interprétative conséquente quant à la culture méroïtique et son administration.
Amanishakhéto ne fut certes pas une guerrière aussi renommée que fut sa mère Amanirenas ou encore une bâtisseuse aussi connue que sa successeuse Amanitore, mais elle a largement participé à la redécouverte de la culture méroïtique. En effet, c’est grâce à sa large collection de bijoux que les explorateurs et les archéologues se sont penchés sur cette région voisine à l’Égypte afin de découvrir la culture hybride à laquelle ces candaces appartenaient.
De fait, il est possible que sans la découverte de la pyramide d’Amanishakhéto on ne se serait intéressé à cette culture méroïtique de reines noires puissantes et prospères que bien plus tard. Enfin, puisque le langage méroïtique n’est toujours pas entièrement décrypté, il est plus que possible que le royaume de Koush nous réserve encore de nombreuses surprises.
Quelques sources et liens utiles :
Vrtal, Vlastimil, “Reconstructing the 1958–1960 excavations in the Palace of Amanishakheto at Wad Ben Naga.” MittSAG, Vol. 28, 2017, pp. 69-79.
Vela-Rodrigo, Alberto A., “The Sacred Treasure of Queen Amanishakheto.” Ancient Egypt, Vol. 21, No. 5, 2021, pp. 20-26.
László Török, The Kingdom of Kush: Handbook of the Napatan-Meroitic Civilization. New York, Brill, 1998.