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L’arrivée des hommes sur l’île de la Réunion

La colonisation de l'Île de la Réunion est un sujet complexe, à la fois historiquement, politiquement mais aussi socialement.
Les premiers habitants de l'île de la Réunion - Collection numérique : Fonds régional : Réunion, BnF
Les premiers habitants de l’île de la Réunion – Collection numérique : Fonds régional : Réunion, BnF

La colonisation de l’île de la Réunion, un sujet complexe

Politisée, la colonisation de l’île de la Réunion est un sujet houleux. Dans ces circonstances, chaque groupe politique utilise la méconnaissance des Réunionnais pour affirmer des vérités et des contre-vérités. Nous ne cherchons pas à porter la faute sur les Réunionnais, mais sur les institutions qui proposent notamment des programmes scolaires similaires à l’hexagone, ainsi que l’utilisation fallacieuse de l’histoire par les hommes politiques. Malgré le fait qu’ils vivent sur un territoire particulier et bien différent de celui de l’hexagone, aucune considération n’y est prêtée. Cependant cette situation est dangereuse, car elle provoque des frictions entre les populations locales, du racisme et un problème identitaire.

Cet article est le premier d’une longue série. En effet, nous souhaitons à notre échelle participer à la valorisation de l’histoire de l’île de la Réunion. Ce département d’outre-mer français perdu dans l’Océan Indien, à des milliers de kilomètres de l’hexagone. Une histoire méconnue, un passé trouble, mais surtout un lieu merveilleux et extraordinaire à quelques neuf milles kilomètres de Paris.

Ce travail repose sur plusieurs lectures, mais l’une d’elle est à part. Un livre acheté dans une boutique de l’île justement a marqué mon désir d’en apprendre plus : Olivier Fontaine, Histoire de la Réunion et des Réunionnais : quelques mises au point, Orphie, 2017.

L’arrivée des hommes à la Réunion

L’île de la Réunion est connue des Hommes depuis le XIIe siècle. Certaines sources évoquent également le VIIIe siècle, mais il est plus difficile d’affirmer cette hypothèse. Dans tous les cas, aucune population indigène n’est découverte sur l’île.

Ce n’est pas un cas isolé dans l’Océan Indien. Ainsi, avant l’arrivée des Européens au XVe siècle, les îles Coco, Christmas, Chagos, Seychelles, Glorieuses, Tromelin ou encore Rodrigues étaient inoccupées indépendamment de leur localisation, proche ou non de territoires peuplés.

La présence des Hommes dans l'Océan Indien et notamment à l'île de la Réunion
Olivier Fontaine, Histoire de la Réunion et des Réunionnais : quelques mises au point, Orphie, 2017

Il faut attendre l’arrivée des Européens dans la région pour que les premières populations s’installent durablement sur ces îles isolées, et notamment l’île de la Réunion. Elle est attachée aux possessions du Roi de France dès 1642, mais il faut attendre 1647 et 1654 pour que les premières installations françaises aient lieu sur l’île. À partir de 1663, la colonisation de l’île est effective et définitive, les liens avec la France et l’Europe ont continué à se développer jusqu’à aujourd’hui.

Un écosystème protégé à la Réunion

Afin de pouvoir attester de la non-présence humaine sur l’île, il est nécessaire d’argumenter et de présenter des preuves. Dans cette optique, les historiens d’aujourd’hui et les explorateurs d’hier ont étudié et analysé l’île, que ce soit vis-à-vis de la faune ou de la flore.

Il est vrai que la présence de certaines espèces d’animaux a laissé dubitatif à la Réunion, notamment les tortues terrestres. Cependant, rappelons-nous que l’homme est un prédateur, et qu’il a une très forte propension à la destruction de son environnement. Si civilisation il y avait, ce genre d’espèce aurait été vouée à disparaître.

0r, avant leur colonisation par l’Homme, les iles de l’océan Indien occidental, grandes ou petites, hébergeaient plus d’une quinzaine d’espèces de Tortues terrestres. Deux Tortues gigantesques s’éteignaient à Madagascar pendant le premier millénaire de notre ère puis, après la découverte et l’occupation des archipels satellites (Comores peut-être, Mascareignes et Seychelles), le rythme des extinctions s’accélérait. Six espèces disparaissaient au cours du XVIIIe siècle aux Mascareignes et au moins trois autres aux Seychelles au siècle suivant. Aujourd’hui, seule la prospère population de l’atoll d’Aldabra, protégée par l’hostilité même de son refuge, est là pour nous rappeler la grandeur passée de ces inoffensifs Reptiles.

Alfred North-Coombes, Histoire des tortues de terre de Rodrigues, 2ème édition, Île Maurice, 1994.

La description de l’île et de ses ressources par les nombreux marins européens de l’époque, nous présente également une île préservée de l’Homme. L’abondance des ressources est signe que l’île est sans grand prédateur, ce qui est notamment visible avec le comportement des animaux qui ne sont pas effrayés par les Hommes. Ainsi, l’Anglais Samuel Castleton relate ce qu’il a vu sur l’île : « il y a une grande quantité d’oiseaux, petits et grands, tourterelles, perroquets, etc., et une grosse espèce de volaille de la taille d’un dindon, si grasses et à ailes si courtes qu’elle ne peut voler ; ses plumes sont blanches et elle n’est pas sauvage, comme du reste tous les animaux de cette île, aucun d’eux n’ayant jusqu’ici été tracassé ni chassé. »

Cette présence d’oiseaux sans ailes est le signe d’une activité de chasse très réduite ou inexistante sur l’île depuis des siècles, mais également d’une absence de prédateurs naturels (notamment les rats ou les chats qui sont souvent transportés par l’Homme). La fréquentation des Hommes avant l’arrivée des Français est donc quasiment nulle ou très épisodique.

L’Île de la Réunion, un territoire français dans l’Océan Indien

Il est équivoque que l’île de la Réunion est un territoire français à partir du XVIIe siècle. La population est régie par la France, et souvent originaire de la métropole. Cependant, le peuplement n’est pas exclusivement européen. Les hommes et femmes envoyés sur l’île ne sont pas assez nombreux. Dès lors, pour développer l’économie et la démographie, les Français ont recours aux esclaves.

Cette pratique est déjà activement utilisée dans la région notamment à Madagascar et sur la côte Est de l’Afrique. Les Européens y participent pour obtenir de la main-d’œuvre servile et peu chère. Ainsi, il se crée rapidement une population métisse, à la fois européenne et africaine sur l’île de la Réunion. Nous reviendrons sur l’ensemble de ces questions dans un prochain article, le sujet est vaste et complexe.

Reportage Arte sur l’île de la Réunion, avec notamment une partie sur l’histoire atypique d’un esclave qui intente un procès à son maître.

Quelques liens et sources utiles

Olivier Fontaine, Histoire de la Réunion et des Réunionnais : quelques mises au point, Orphie, 2017

Académie de La Réunion, Escales : Anthologie des récits de voyage à Bourbon et à La Réunion. Tome 2, Saint-Denis (Réunion), Orphie, coll. « Les introuvables de l’océan Indien », 2019

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